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tome 1, Chapitre 16 tome 1, Chapitre 16

Gabriel avait mal dormi cette nuit-là. Cela faisait deux nuits d’affilée qu’ils les passaient blanches. Le premier soir, il avait même appelé les divers hôpitaux du coin pour voir si sa femme n’y aurait pas été admise en urgence. Cela aurait été très étonnant. Elle n’oubliait jamais ses papiers. Il aurait certainement été au courant. On lui aurait passé un coup de fil. Il but plusieurs cafetières pleines, en attendant le retour de sa femme. Il téléphonait toutes les cinq minutes pour tomber inlassablement sur son répondeur. À tel point qu’une douce voix féminine lui fit remarquer que la boîte était saturée. Ça ne servait donc plus à rien d’insister.

Tous les scenari passèrent dans sa tête. Du plus létal au plus malsain. Il pensa même à son frère. Mais il en chassa vite le reflet. Il était revenu. Ils s’étaient certes vus. Mais ça ne voulait rien dire. Et combien même elle aurait été jusque chez lui, savait-elle seulement où il habitait, elle n’aurait pas poussé le vice à… non, c’était inacceptable.

Pourtant, le lendemain, elle n’était toujours pas de retour. Il devait bien se rendre à l’évidence. Sa femme avait découché. Gabriel espéra juste que Simon n’était pour rien là-dedans. Déjà qu’il raflait la mise en ce qui concernait le leg, il n’allait pas gagner sur toutes les lignes, quand même ! Cela aurait été si injuste. Pour lui, qui avait mené une vie standard, une vie sans remous.

Il assuma toutefois sa journée de travail. Bien mal. Ses pensées étaient toutes tournées vers sa femme. Il appela chez lui, à défaut de son portable. Pour toujours tomber sur la même réponse, celle du répondeur automatique. « Bonjour, vous êtes bien chez monsieur et madame Bazin. Nous ne sommes pas là pour le moment. Laissez-nous un message après le bip. » Un message à son image. Un message normal, dans une vie normale.

La première fois, il questionna dans le vide. « Isa, tu es là ? Réponds, bon sang ! Je me fais du souci… A priori, tu n’as pas l’air d’être là, alors appelle-moi quand tu auras le message. »

Ensuite, il ne daigna plus répondre. Il raccrocha. Tout simplement. Mais à chaque fois que le téléphone sonnait, il sursautait. Sa secrétaire lui rappelait ses rendez-vous journaliers. Une journée normale de boulot.

Le soir venu, n’ayant toujours aucunes nouvelles, Gabriel se décida à appeler la police.

— Bonjour, je voulais signaler un cas de disparition.

— S’agit-il d’un mineur, monsieur ?

— Non, c’est ma femme, elle a la quarantaine.

— Et depuis combien de temps avez-vous remarqué sa disparition, monsieur ?

— Cela fait deux jours, maintenant.

— Êtes-vous certain, monsieur, qu’il ne s’agit pas d’une fugue ?

— Non, je n’en suis pas certain !

Gabriel commençait à s’échauffer. Il sentait le coup venir.

— Monsieur, nous ne pouvons malheureusement pas prendre votre déposition en compte. Le délai n’est pas encore assez long pour considérer le cas comme une disparition à part entière. Il nous faudrait d’autres éléments pour parler de disparition. En attendant, nous ne pouvons rien faire, monsieur, il s’agit certainement d’un cas de fugue.

— Il n’y a rien que vous puissiez faire, alors ?

— Nous allons prendre vos coordonnées, monsieur, ainsi que le nom de la personne que vous recherchez. Nous allons vérifier si elle n’a pas été transportée vers un hôpital.

— Laissez tomber, j’ai déjà fait…

— Vous êtes monsieur… ? Insista l’agent de faction.

Gabriel raccrocha, la mort dans l’âme. Cette nuit-là, il ne ferma pas les yeux de la nuit. À chaque ralentissement de voiture, il se ruait vers la fenêtre. À chaque portière qui claquait, il se figeait et écoutait la suite, espérant que la porte du rez-de-chaussée s’ouvre enfin.

Toute la nuit, il ressassa. Sa mauvaise humeur commençait à tirer ses traits. Son teint était aussi gris que sa mallette. Comment réagirait-il, si jamais elle revenait ? Un coup d’éponge et on oublie tout, pourvu qu’elle reste à ses côtés ? Un flot de paroles aigres pour tout accueil ? Et si elle ne revenait pas, qu’allait-il faire ?

Quand il rentra chez lui, après sa journée à tourner en rond dans ses pensées, il eut la joie de voir la petite mini noire garée devant la maison. Il se parqua comme un hussard et sortit en trombe de la Mercedes. Il courut jusqu’à la porte et l’ouvrit en appelant sa femme.

— Isa ? Isa… Tu es là ?

Personne ne répondit à son appel. Son parfum, pourtant, flottait dans l’air ambiant et le répondeur s’était arrêté de clignoter rouge.

— Isa ! Hurla-t-il, sentant la rage l’envahir peu à peu.

Il monta alors les escaliers en trombe. Quand iI ouvrit la porte de la chambre, il surprit sa femme en train de fouiller dans leur armoire. Sur le lit, une valise ouverte étalait son ventre déjà à moitié rempli de façon quasi lubrique.

— Isa ? Qu’est-ce… Qu’est-ce que tu fais ? Demanda-t-il, le ton radouci par la vision du bagage.

Sa femme ne se retourna pas. Elle s’arrêta de fouiller et resta devant le dressing la tête basse. Quand il la prit dans ses bras, elle pleurait. Gabriel lui caressa les cheveux. Doucement. Avec chaleur. Il donnait ses dernières cartouches pour ne pas la perdre. Isabella était ce qu’il aimait le plus au monde. Ils n’avaient pas été proches, durant l’enfance, la place était déjà prise par Simon. Mais il veillait sur elle, comme un ange gardien. Quand la paire s’amusait à épier les autres, lui, il les surveillait. Ils ne l’ont jamais su. Elle n’a jamais eu la moindre idée de l’attention qu’il lui portait. Comme il la portait également à ses deux frères. Bien entendu, c’était plus facile avec Anthony. Il avait le caractère idéal du petit frère qu’on avait envie de bichonner, de dorloter. Simon était plutôt le petit plaisantin de la famille. Il était aimé pour ça, par ailleurs. C’était normal qu’Isabella et lui se soient si vite trouvés. Ils avaient le même caractère. Gabriel se sentait un peu seul dans cette fratrie. Chacun avait sa place. Anthony avec le père, Simon avec Isabella. Il aurait pu en profiter pour faire la paire avec sa mère. Malheureusement, sa mère était la plupart du temps sous l’emprise d'une profonde dépression. Il n’a jamais su pourquoi. Son père lui disait souvent de ne pas lui en vouloir. Qu’un jour, il leur raconterait le fin mot de l’histoire. Il ne le fit jamais. Maintenant, son silence resterait de marbre blanc, à l’image de sa tombe. C’est ainsi qu’il s’était très vite octroyé le rôle de grand frère, rôle réel puisqu’il était l’aîné, mais un rôle plus prégnant, une manière d’être. Il surveillait et par là même veillait sur sa famille. Ce n’est que bien plus tard qu’il avoua ses sentiments à sa sœur d’adoption. Heureusement pour lui, elle les avait acceptés. Ils avaient été heureux jusque-là. Il ne voulait pas la perdre.

— Isa… insista-t-il en imposant à sa voix des accents d’amour infini. Que s’est-il passé ?


Texte publié par Migou, 6 mai 2014 à 18h12
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