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Le lendemain matin, comme un fait exprès, la même scène qu’une semaine auparavant se rejoua. La tête enfarinée d’un abus d’alcool et autre substance illicite, dont il ne faisait pourtant pas usage d’ordinaire, il fut tiré de son sommeil profond par le facteur. Une fois encore, il avait dans entre ses mains un recommandé.

— Encore le notaire ? Ronchonna Simon.

— Ça, m’sieur, je sais pas. Signez ici, en bas à droite.

Simon s’exécuta. Les recommandés, en règle générale, il ne les aimait pas trop. C’était souvent de mauvaises nouvelles. La dernière fois, si on omet l’invitation à comparution devant le notaire, c’était les Assedics qui lui signifiaient son renvoi pour défaut de présentation aux services concernés. Il avait dû batailler ferme pour sa réhabilitation. Il ne gagnait pas grand-chose, mais c’était déjà mieux que le RMI, voire rien du tout. Il n’avait rien, il n’y tenait pas plus que ça à sa chambre de bonne, mais il ne se voyait pas courir les ponts et les endroits de misère. Ce n’était pas son style.

— Au revoir, m’sieur, dit le facteur avant de s’éclipser en laissant l’envoi entre les mains de Simon.

Simon lorgna sur l’expéditeur et blêmit légèrement. Contrairement à ce qu'il croyait, ce n'était pas le notaire cette fois, c’était son bailleur qui lui envoyait un mot doux. Et ça, ça n’inaugurait rien de bon. Et effectivement, la mauvaise nouvelle s’annonça de suite. Avant le « monsieur » de circonstance, il y avait en en-tête l’objet du courrier. « Avertissement avant mise en demeure ». Voilà, tout était dit en quelques petits mots. Simon s’assit, déboussolé. Il venait de recevoir un coup de bambou. La teneur du message était claire. Il ne pouvait s’en prendre qu’à lui seul. À force de boire comme il l’avait fait ces derniers temps, il avait dépensé son maigre pécule dans des whiskys de bas étage et dans divers troquets du coin. Maintenant, on le sommait de payer son loyer sous peine d’être expulsé.

Son propriétaire, qui n’était pas un bailleur social, lui louait pour une somme assez conséquente, au vu du taudis qu’il habitait, le minimum syndical pour ne pas être pris en faute. Neuf mètres carrés. Pas un de plus. Peut-être bien un de moins. Il lui avait signifié, lorsqu’il avait signé le contrat, qu’il lui faisait une fleur. Pas de caution. Mais il ne tolérerait aucun retard. Et Simon n’avait jamais donné à se plaindre de lui. Il avait toujours payé en temps et en heure. Il tirait le diable par la queue, mais il mettait un point d’honneur à régler ses dettes. Non, plutôt à régler ce qu’il devait. Des dettes, il n’en avait pas. Il partait du principe que moins de dettes il laissait derrière lui, moins il y aurait de prises sur lui. Comme sa manie de la propreté, c’était une question de principe.

Pour Simon, tous ces petits propriétaires qui s’engraissaient sur le dos de la société, par le biais des prestations sociales, ne valaient pas mieux que lui. Ils se donnaient bonne conscience en logeant par-ci par-là quelques pauvres hères. Au passage, ils faisaient main basse sur les APL. Ça, au moins, ils étaient certains de les avoir, de récupérer leur mise. Mais ils demandaient toujours un peu plus. Histoire d’avoir un moyen de pression. De pouvoir sortir les indésirables dès le moindre écart de conduite. Aujourd’hui, c’était au tour de Simon. Il se sentait comme un moins que rien. Et c’était de sa faute. Le pire de tout est qu’il n’avait plus un sou et que le mois était loin d’être terminé.

Abasourdi, il jeta le bout de papier loin de lui, sur la table. Il avait besoin d’avoir les idées claires. Sa respiration était saccadée et son premier geste fut d’aller vers la bouteille qui trônait au pied de son convertible. Il se ravisa. En un éclair, le visage d’Isabella flotta devant lui, elle semblait lui reprocher de ne pas l’inviter à boire un verre, comme il le lui avait promis des années auparavant. Il se demanda comment elle le jugerait, si elle le voyait de la sorte. Une loque humaine, qui s’enfonçait toujours un peu plus profondément. Même son hygiène commençait à s’en ressentir. Il se passa les mains dans ses cheveux, qu’il portait mi-longs et sanglota.


Texte publié par Migou, 28 avril 2014 à 13h08
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