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À peine sorti du lotissement, Simon fouilla la poche interne de son manteau pour y dégoter une flasque. Il en avait trop envie. D’ordinaire, il attendait le soir pour s’alcooliser. Mais ce trop-plein d’émotions l’avait retourné au point de craquer un peu plus tôt que prévu. Il engloutit une franche goulée qui s’insinua dans son gosier, lui réchauffant l’œsophage et les entrailles. Il sentit le whisky lui anesthésier l’esprit. Une piqûre de bien-être. Il avait tenu le coup jusque là. Il ne voulait pas sortir sa bouteille de métal devant tout le monde. Ç’aurait été leur donner libre cours au flot des reproches. Il ne leur en aurait pas fallu plus pour mettre le feu aux poudres.

Sa flasque l’accompagna tout au long du trajet retour vers sa chambre. Quand il entra chez lui, il se servit un verre avant d’aller vomir dans les toilettes. Une fois de retour dans la pièce unique qui faisait office de chambre, de salon, de cuisine et de salle de bains tout à la fois, il fixa le verre qu’il s’était rempli sans faux-col. Ses yeux s’embuèrent. Ses mains tremblèrent. Il sentait monter en lui une boule d’angoisse. Il se sentait sale. Et pourtant, la propreté était pour lui une priorité. Il était sans le sou. Pas un kopeck d’avance pour lui donner confiance en l’avenir. Il n’avait pas de travail. Pas de lien social. Rien pour lui donner l’impression qu’il était d’une quelconque utilité. Ni pour lui, ni pour la société. Il végétait. Toute la journée, il tournait en rond en se demandant ce qu’il pourrait faire avant d’entamer la bouteille tant attendue. La propreté, c’était tout ce qu’il lui restait de fierté. Ses tee-shirts étaient vieux et troués, mais ils étaient propres. Ses cheveux n’étaient pas peignés, mais ils sentaient le shampoing. Ses ongles étaient longs, mais ils n’étaient pas noirs. La propreté, Simon y mettait un point d’honneur à la maintenir. Ça en devenait un toc.

Sur ce qui lui servait de table pour cuisiner et manger, un seul verre trônait. Tout le reste était lavé et rangé. Un verre qu’il savait avoir versé lui-même. Pourtant, il ne put retenir son poing qui s’élançait déjà vers ce maudit verre. Il l’envoya valser contre le mur. Le whisky dégoulina, laissant es traînées jaunâtres. Simon ne supportait plus les verres déjà servis. Il n’arrivait pas à en boire la moindre gorgée. Des remontées de son enfance. Depuis la gifle fatidique, il ne buvait scrupuleusement que les verres qu’il se servait.

Simon hurla. Toute sa rage. Tous les pleurs retenus. Tous les non-dits et les secrets. Ce soir-là, il ne but qu’au goulot. Mais il but. Toute la nuit. Plusieurs bouteilles. De tout et de n’importe quoi. Ce qui lui passait sous la main.

Le lendemain, la tête encore dans le sac, le facteur le tira de son coma pour lui faire signer un recommandé. La lettre venait d’un notaire. Simon n’avait jamais fait que quelques mois à l’université. Il n’était pas sorti de Saint-Cyr, mais il n’en fallait pas tant pour savoir ce dont il retournait. La bouche encore pâteuse, il se fit chauffer de l’eau pour son café. Lyophilisé, bien entendu. Avec de la chicorée, c’était encore moins cher. La lettre, il l’a posa sur le coin de la table. Il s’en occuperait plus tard. Il n’avait pas envie de remuer la merde de la veille. Il ne souhaitait pas remettre les pieds, ne fût-ce que par les émotions, dans cette baraque.

Après des heures d’errance à aller voir le peu d’amis qu’il avait, il retourna entre chien et loup dans les quelques mètres carrés qui étaient une protection par rapport à la sauvagerie de la nuit. Dans ses placards, il n’avait rien. Qu’une petite boîte de raviolis à réchauffer. Il referma la porte et décida de manger liquide. Il sortit sa bouteille et but sans prendre la peine d’utiliser un verre.

Il alluma la minuscule télévision, reste d’un ancien contrat de manutentionnaire, contrat qui lui permettait d’ailleurs de toucher le RSA, et se jeta sur le canapé-lit jamais refermé. C’était l’heure des informations, l’heure des bonnes et des mauvaises nouvelles. Claire Chazal contre David Pujadas… Il n’arrivait jamais à tenir toute la durée du journal. Avec ses amis de fête, il passait son temps à refaire le monde, mais seul, ça le laissait de marbre. Il vit alors sur le coin de la table, le recommandé du matin.

Bonne nouvelle ou mauvaise nouvelle, c’était de toute façon l’heure des nouvelles !


Texte publié par Migou, 25 avril 2014 à 22h08
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