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tome 1, Chapitre 5 tome 1, Chapitre 5

Isabella l’attira dans le jardin. Au fond, le cerisier trônait toujours. Il n’avait pas l’air en très bonne santé, mais les arbres, mine de rien, sont bien plus résistants que les humains. Sauf quand ces derniers se piquent de vouloir s’en occuper. Parfois, les meilleures intentions apportent les pires calamités.

La femme se baissa au pied de l’arbre et creusa à même les mains.

— Qu'est-ce que tu fous, Isa ?

— Tu ne te rappelles pas ?

Ses mains fouillèrent la terre. Un sourire triomphant se dessina sur le visage d’Isabella lorsqu’elle déterra une petite boîte.

— Merde, alors ! Je l’avais oubliée, avoua Simon.

— Pas moi. On l’avait enterrée ici, pour plus tard, pour se souvenir. J’y avais mis… dit-elle tout en forçant l’ouverture rouillée.

— Une lettre que tu ne voulais pas que je lise, finit Simon à sa place.

— Je ne voulais pas que tu la lises avant que nous ne soyons grands. Rectification, monsieur !

— Et voilà, nous sommes de grands enfants, maintenant…

— Oui, mais je ne veux pas encore que tu la lises, répondit-elle en enfouissant la lettre dans sa veste noire, signe de deuil.

— Je ne me souviens vraiment plus de ce que j’avais mis… Laisse-moi regarder… Eh ! Une pièce.

— Un franc ! Ça remonte à la préhistoire !

— Mais oui… J’avais mis ce franc en te promettant de t’offrir un verre, quand nous serions en âge de pouvoir sortir seuls.

— C’est pas tombé dans l’oreille d’une sourde. Tu me dois donc un verre ! J’espère bien que tu m’inviteras.

— Avec un franc, on n’ira pas loin.

— Tu te débrouilleras… Et pas dans trente ans ! Le délai de péremption sera dépassé.

Simon regarda la branche sur laquelle il avait autrefois l’habitude de s’installer.

— Tu comptes monter ? Ça me semble scabreux. Elle n’est pas aussi grosse qu'on le pensait, suggéra Isabella.

Mais Simon n’écouta pas. Il commença à escalader le tronc du cerisier. Il grimpa jusqu’à sa branche fétiche, avec un peu plus de difficultés et un peu moins de leste que lorsqu'il était enfant. Il fit très attention. La branche effectivement n’était pas très épaisse. Elle pouvait casser à tous moments.

— Tu viens ? Sollicita-t-il en direction de sa comparse d’antan.

Isabella montra sa jupe étroite.

— Je crois qu’avec ça, j’aurais beaucoup de mal.

Simon fixa les alentours. La maison des Cavant avait bel et bien changé. Elle possédait dans sa cour intérieure des portiques de jeux pour enfants. Un peu plus loin, c’était la cour très entretenue de la très vieille veuve Aubert. Simon s’étonna qu’elle soit encore en vie. Elle était déjà d’un âge avancé. Et il était certain, au vu du jardin qui n’avait pas changé d’un iota, que ce fut quelqu’un d’autre qui s’en soit occupé. Tout était taillé, rangé, bien carré. De l’autre côté, il y avait la résidence de la famille Combasz. Le plus jeune des garçons de la famille, qui en comptait pourtant cinq, fut souvent leur compagnon de jeu. Dans ce lotissement, ils jouaient à cache-cache et les endroits pour se planquer étaient pléthoriques et légendaires. Dans l’une de ces cachettes, alors qu’il était mandaté pour compter et chercher Gaëtan et Isabella, il vit sa sœur sortir, le feu aux joues. Elle semblait furieuse. Simon dut courir jusqu’à sa chambre pour qu’enfin elle puisse lâcher le morceau. Le petit gars, déjà presque un jeune homme, avait fait des pieds et des mains pour se cacher avec Isabella. Plutôt que de surveiller la venue de Simon, Gaëtan n’avait rien trouvé de mieux à faire que de sortir sons sexe et de l’exposer aux yeux d’Isabella. Elle resta bouche bée devant une telle audace. Elle, elle n’avait encore qu’une dizaine d’années. Il avait ensuite tenté de l’embrasser. C’est à ce moment-là qu’elle avait surgi comme un beau diable hors de sa boîte. Elle avait pleuré toute la soirée. Lorsque l’appel du repas fut lancé, elle avait toujours les yeux boursouflés et rougis. Mais le sourire lui était revenu grâce à Simon. Avec patience, il l’avait sollicitée, écoutée, réconfortée… pour enfin la faire rire et de ne plus penser à ce mauvais moment. Il se remémora lui avoir dit que ce n’était rien. « C’est pas grand-chose, sœurette. Tu vas vite oublier. Et puis on ne jouera plus avec lui. » Elle avait opiné du chef, mais une boule lui noua l’estomac durant le dîner. Simon la regardait de biais. Il semblait la supplier d’oublier. Oublier et enfin raconter ce qui s’était passé avant, lorsqu’elle n’était pas encore sa sœur

Décidément, les souvenirs affluaient, certains sur de bons moments, mais ça finissait toujours avec des images désagréables. Il descendit de son perchoir.

— Alors, tu fais mumuse, tonna une voix assez forte pour que tout s’arrête et se focalise vers elle.


Texte publié par Migou, 25 avril 2014 à 21h41
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