Pourquoi vous inscrire ?
«
»
tome 1, Chapitre 4 tome 1, Chapitre 4

Une main caressa l’épaule de Simon. Une main douce. Une main de femme. Simon n’eut pas besoin de se retourner pour savoir à qui elle appartenait.

— Tu es dans tes rêves, Simon ? Demanda une voix chaude et rocailleuse.

— Mouais…

—…

— J’aurais préféré rester dans la réalité… Enfin, dans ma réalité.

— Alors, c’est vrai tout ce qu’on m’a raconté ? Continua-t-elle.

— Ça dépend de ce qu’on t’a raconté.

Simon se retourna enfin. Il sourit à Isabella. Cela faisait des années qu’ils ne s’étaient pas vus. Les choses avaient beaucoup changé depuis toutes ces années. Il n’était pas fier de ce qu’il était devenu. Mais au moins, il gardait intactes ses valeurs. Celles de ne mentir à quiconque. Et pour cela, rien de plus facile quand on fait le vide autour de soi.

— Tu veux savoir si c’est vrai que je suis devenu le déchet que je semble être ? Lâcha-t-il.

— Ne dis pas ça. Tu sais bien que je ne te considérerai jamais comme un déchet.

— Et pourtant, c’est ce que je suis. Enfin, pas à mes yeux. Mais à tous ceux qui sont là. Ils n’osent même pas me regarder. Ou alors par en-dessous. Ils scrutent pour confirmer tout ce qu’ils s’étaient imaginé.

— Pas moi…, souffla Isabella.

Simon posa sa main sur celle de sa sœur d’adoption. Devant elle, il pouvait faire tomber le masque. Tout au moins une petite partie car il garderait son secret bien enfoui. Il s’en était fait la promesse. Ne jamais rien dire. Tout ça, c'était du passé. Même si ce jour, le passé venait tutoyer le présent. Impossible, dans ces circonstances de réussir à tirer un trait. Simon s'en voulait amèrement d'être venu. Tout ce qu'il avait mis en place pour oublier, tout ça, aujourd'hui, était mis à mal.

— Tu n’avais pas de chemise noire à te mettre ? Demanda Isabella.

— Tu crois vraiment que ça dérange le vieux ? Il est mort, Isabella, il s’en fout comme de l’an quarante. Comme il l’a toujours fait, d’ailleurs.

— Ne dis pas ça. Tu n’es pas juste avec lui.

— De toute façon, c’est la seule chemise que j’ai. Les autres sont pourries. Tu vois, je suis bien un déchet. Je vis dans un taudis, juste de quoi mettre un lit et une plaque électrique. J’ai même pas de frigo. De toute façon, j’en ai pas besoin. Pas de tune pour des légumes frais. Moi, je vis aux crochets de l’État. Ah ! Ça doit bien le faire chier, Gabriel, de payer pour un gars comme moi. Solidarité ! Finit-il de dire, le poing en l’air.

Isabella secoua la tête. Elle avait passé de si bons moments avec lui. Comment avait-il pu se laisser aller à ce point ? La question lui brûlait les lèvres. Elle avait bien remarqué, à l’époque, son changement de comportement dès la mort de leur mère. Il était devenu quelqu’un d’autre. Il s’était renfermé. Il avait d’abord beaucoup pleuré. Mais il avait fini par se forger une carapace impénétrable.

Elle lui caressa le visage, puis les cheveux. Elle avait un regard maternel. Celui d’une maternité non aboutie. Simon était son frère. Il était à présent comme son enfant.

— Cette barbe ne te va pas, déclara-t-elle. Et tes cheveux ! Tu aurais pu faire un effort, tout de même. Les peigner, ce n’était pas beaucoup demander.

— Oui… Mais personne ne me l’a demandé, rétorqua-t-il. Et toi, c’est vrai ce que j’ai entendu dire ?

— Ça dépend de ce qu’on t’a raconté, dit-elle sur un ton mutin.

Elle regarda la toise. Pour elle aussi, les souvenirs affluaient.

— Tu te souviens ? Demanda-t-elle en montrant les marques. On était bien, à ce moment-là.

— Pourquoi, tu n’es plus bien ? Ton mariage avec Gabriel bat de l’aile ?

Simon avait fait mouche. Il ne voulait pas la blesser, mais c’était plus fort que lui. L’atmosphère était imprégnée de rancœur, de haine et de mort.

— Excuse-moi, Isa. Je ne suis pas bien ici.

— Je m’en doute… Mais ce n’est pas une raison. Personne ne t’en veut, tu sais.

— Ouvre les yeux, s’il te plaît. Ils sont tous là à attendre le bon moment pour me porter l’estocade. Regarde bien et tu verras ton beau mari, mon propre frère, jeter des regards par ici. Il est jaloux comme un pou. Mais comme tu es là…

— Tu n’as peut-être pas tort, finit-elle par avouer.

Et dans un effort pour détendre l’atmosphère, elle continua :

— Tu te souviens de notre voisin, le vieux Cavant ?

— J’y pensais, justement.

— Quelle trouille on a eue ! Et dire qu’avec le recul, on comprend bien des choses.

— Ouais ! Il était bien loin de trucider quelqu’un.

— Ah ça, je ne te le fais pas dire. Le pauvre, ce qu’il a dû prendre avec sa femme !

Le rire d’Isabella était à l’image de sa voix. La tonalité baissait d’un ton. Il n’était pas gras, loin de là. Il résonnait d’un beau timbre d'alto. C'était un rire enveloppant, aussi doux qu’une couverture en cachemire dans laquelle on veut se lover, ne plus bouger, se mettre en position fœtale et respirer tout simplement. Respirer son parfum aux effluves de vanille.

— En même temps, il n’avait qu’à ne pas aller tremper son biscuit ailleurs ! Reprit Simon.

— Dis donc ! Comment tu parles !

— Oh ! Je sais de quoi je parle. J’ai fait la même chose et j’ai eu les mêmes soucis.

— Et tu as repensé à notre bon vieux Cavant ?

— J’en étais à des kilomètres, admit-il dans un demi-sourire.

— C’est donc pour ça que ça n’a pas tenu avec Caro ?

— Pour ça… et pour d’autres choses encore, soupira-t-il. Qu’est-il devenu, le Cavant ?

— Mort !

— En même temps, il me semblait déjà vieux à l’époque.

— Tout est relatif. Même quelqu’un de trente ans semblait vieux aux yeux des enfants que nous étions.

— Et maintenant, nous avons passé la barre des quarante ! Heureusement qu’on n’a pas de mômes pour nous rappeler la vieillesse qui nous rattrape. Pourquoi tu n’en as pas, Isa ? Gabriel ne voulait pas assurer la succession familiale ?

Isabella se rembrunit. Ses lèvres s’étirèrent vers le bas et ses yeux se voilèrent.

— Tu te trompes. C’est moi qui n’en voulais pas.

Un froid s’installa entre eux. Simon était peut-être allé trop loin. La conversation avec sa sœur avait détourné un peu son attention. Ça avait calmé ses angoisses. Maintenant, il se sentait en dessous de tout. Nul. À chier. Tout ce qu’il touchait, il le fanait. Et la dernière chose qu’il ne voulait pas voir flétrir, c’était Isabella.

Entre eux, l’amour s’était vite installé. Simon appréciait cette petite brunette au caractère aussi pétillant que piquant. La vie, jusque-là, ne l’avait pas ménagée. Ce qu’elle avait subi, jamais il ne l’avait su. Jamais il ne le lui avait demandé. Il sentait bien que c’était la limite à ne pas franchir s'il ne voulait pas la perdre. Il voulait la protéger. Même si souvent, c’était l’inverse qui se produisait.

— Viens avec moi, dit-elle en le prenant par la main.


Texte publié par Migou, 23 avril 2014 à 20h10
© tous droits réservés.
«
»
tome 1, Chapitre 4 tome 1, Chapitre 4
LeConteur.fr Qui sommes-nous ? Nous contacter Statistiques
Découvrir
Romans & nouvelles
Fanfictions & oneshot
Poèmes
Foire aux questions
Présentation & Mentions légales
Conditions Générales d'Utilisation
Partenaires
Nous contacter
Espace professionnels
Un bug à signaler ?
2628 histoires publiées
1176 membres inscrits
Notre membre le plus récent est Defghard
LeConteur.fr 2013-2024 © Tous droits réservés