— Mais pourquoi t’as fait ça ?
— Quoi j’ai fait quoi, t’étais plus dans le kems, on allait perdre après.
Le jour commençait à se lever, on faisait des virages dans tous les sens, entourés de bleu et de blanc derrière les carreaux givrés du car.
On avait rapidement déjeuné et descendu toutes les valises, et à un moment on avait failli ne plus partir parce que le chauffeur avait reçu une boule de neige et qu’il fallait se dénoncer sinon on resterait là toute notre vie il avait dit, et que lui il s’en foutait il avait tout son temps.
Bruno avait finit par lever la main en lui jurant qu’il avait visé un canard derrière lui qui allait l’attaquer, puis quand Lardeau s’arrêta de l’engueuler on put enfin mettre les valises dans les soutes.
— Mais je m’en fous du kems putain en plus on a quand même perdu !
— Bah c’est normal t’as pas suivi la technique de l’équipe nat..
— Mais on s’en fout de ça ! Je te parle de Kristina !
Samir garda les yeux inertes sans rien répondre.
Les deux filles de devant se retournèrent puis reprirent leur discussion, d’autres me regardèrent de loin, les sourcils froncés.
L’ambiance était un peu bizarre dans le car, on était ni heureux ni malheureux de partir, personne pleurait, personne ne chantait non plus chauffeur si t’es champion appuie appuie sur le champignon. Et pas seulement parce que vu sa mine encore en colère on risquerait de finir pulvérisés dans un ravin.
— Mais quoi Kristina ?
— Pourquoi t’es allée la voir hier à ma place ?
— Parce que t’allais rien faire encore.
Sa réponse me cloua sur place.
Depuis hier soir je lui avais demandé quinze fois, mais il répondait à côté, en plus de ça on avait eu droit à tout et n’importe quoi dans le chalet après être remontés. La moitié de la classe qui n'arrivait pas à dormir, Saïda qui tapait à toutes les portes parce qu’on lui avait volé ses scoubidous, Lardeau et Saillard qui allaient et venaient dans les couloirs, et puis d’autres, Michaël, Salim et toute la bande qui faisaient un foot dans leur chambre.
— Il est où ton poème Lomert? Il me demanda après un silence.
— Hein ? Mon po…
Je fouillai automatiquement dans mes poches puis grimaçai en me creusant la tête. Samir me rendit juste un sourire jusqu’aux oreilles.
Le retour de la boutique, les feutres qu’il m’avait demandés. Tout me revint d’un seul coup, j’avais juste appris le texte par coeur pour la boum, ça m’était sorti du crâne.
Il me fit me pencher vers le couloir pour me montrer une place deux ou trois mètres devant près du couloir.
Entre deux mains familières, une feuille avec mon écriture, et tout autour des personnages étranges en dessin, un chevalier en tenue de batman sur une navette, une fée en collant de Tornade des Avengers avec un pistolet laser, des lutins verts musclés comme Hulk et une tête de gros dragon en haut, qui projetait des rayons bleus.
— Je lui ai filé hier soir, quand je lui ai parlé. T’as rien remarqué hein ? Ah ah, c’est une technique de magie, je t’expliquerai.
Je me redressai en le regardant de long en large. J’essayais de rassembler mes idées.
— Et t’as vu, il reprit fièrement, le papier elle le lâche pas depuis ce matin. Un de ces jours faudra qu’on pense à faire une bd toi et moi, avec tes poésies du roi arthur et mes dessins, je te parie on en vend un million aux USA comme ça après tu peux lui offrir un voyage en fusée spatiale et tout.
Je me grattai la tempe quelques instants, puis me penchai à nouveau pour observer.
— Ah oui et je t’ai pas dit. Moi hier soir direct, technique du FBI, j’ai entendu ce qu’il lui racontait le moniteur.
— Ah bon ?
— Ben tu sais c’était quoi en fait les lumières ? Le vieux il lui a dit que c’était sa femme, elle avait disparu dans une avalanche y‘a je sais pas combien de temps. Et en fait, qu’il y avait son fantôme qui venait de temps en temps dans le village, parce qu’elle l’aimait encore.
— Mais alors c’est elle qu’a coupé le courant ?
— Non non c’est le tourne-disques de Saillard qu’était tout naze, ça a tout fait sauté. Et en fait ça l’a énervé le vieux, parce que sa femme elle devait se promener dans le village et ça a dû lui faire peur. C’est pour ça il doit à chaque fois faire sa chanson de la dame blanche aux gens qui passent je parie, pour qu’on se doute de rien. Ou quand il nous gueulait dessus dans la montagne, c’était pour pas qu’on la dérange. En fait j’ai tout bien trouvé, ah ah, t’as vu je suis trop fort. Inspecteur Samir a encore frappé !
Entre le vieux qui avait du bien boire avant et puis les éternelles aventures de Samir, je me demandai juste ce que je pouvais croire. Pour l’instant je ne voyais qu’une Kristina tentant certainement de déchiffrer mon poème, perdu comme une copie scolaire au milieu d’une page de Strange ou de Spidey.
— Ah et au fait, je t’ai pas raconté à la fin. Il a parlé de toi.
— Hein ?
— Je te jure.
— Mais quoi il a dit quoi
— Que t’avais l’air bobet à la regarder tout le temps. Après il a mis des y de partout j’ai pas tout compris. Mais le plus marrant c’était Kristina.
— Pourquoi ?
— Bah je crois que depuis le début…Elle avait rien capté, enfin que tu la regardais quoi.
— Ah…
— Ouais mais c’est fini maintenant y’a plus de fantôme. T’es la star.
— Bah non… Moi aussi je suis transparent.
¬ Ah bon ?
Samir me poussa l’épaule une bonne fois, à bout de bras, et garda la pose, quasiment affalé sur moi.
A quelques rangées de sièges, dans le bruit du moteur et le jour grandissant ; je vis ces deux mêmes mains familières posées sur une feuille, des cheveux blonds tombant sur les épaules, un bonnet crème tourné au milieu des bonnets.
Des yeux brillants et immobiles, une bouche qui remuait à peine. Et comme une lumière qui naissait sur un visage muet.
Je ne bougeai plus d’un cil.
Kristina me souriait.
— T’as des feuilles Erwan ? Venez on fait un baccalauréat
— Ouais mais t’inventes pas des colonnes toutes bizarre aussi, genre les prénoms Martiens ou les arbres disparus
— Mais non, je joue avec vos règles vas y
— Et Melvil il joue pas ?
— Non laisse il est occupé
—… Ok…t’as un stylo c’est bon ? On commence par quoi alors ?... Pays ?
— Je te laisse faire les colonnes je te dis
— Ok.
...
…
— Faudrait que je revienne au chalet un jour avec mon cousin, il est directeur d’une usine à pelles, il s’y connait en trésor. Je t’ai raconté la fois où il a retrouvé une pyramide ?
— Hein ?
—… Je te promets c’est vrai. …. … …. un trou près de la plage …. …. les vacances de… …
… même que … .... … et un avion de l’armée… … ….
…. les lingots… …. …. … alors le président… …
… et puis…. ….
et alors … … ….
... ....
...
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