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tome 1, Chapitre 12 « Le vent de l'hiver » tome 1, Chapitre 12

Les arbres défilaient. Les baskets de Cole glissèrent sur le sol gelé, il tomba lourdement, mais se releva tout aussi vite. On ne le lâcherait pas. Sven ne retiendrait pas le bourreau longtemps. Ce dernier lui chanterait ses mots les plus doux, les plus mielleux… et le complice ploirait le genou. Soumis et coupable d’avoir aidé leur grand “malade” à propager son virus ou autre connerie invisible dans la nature.

Partir. Vite. Loin. Ne plus jamais se retourner. S’enfoncer dans les bois, à suivre de loin Lambda, dont les poils blancs et crème apparaissaient par intermittence entre les arbres dépouillés.

Cole haleta : ses poumons brûlaient. Il inspira de grosses bouffées d’air qui lui soulevèrent le coeur. Trop vite. Trop d’un coup. Un point de côté. Il s’empêtra dans une racine craquante et devala la pente devant lui sur plusieurs mètres. Son épaule claqua contre une pierre ; la douleur irradia le long de ses os. Une fois le tournis arrêté, il toussa et tenta de se redresser malgré la sensation d’être broyé de toute part.

Lamba revint sur ses pas. Il aboya envers Cole avec empressement, puis comprit la détresse de son maître. Il releva une oreille, analysa la situation, et se rua vers l’homme en difficulté. L’animal lui lappa la main, à espérer que cela suffise. Le froid mordant n’était rien contre le pic qui glaça l’échine du fugitif : dans la neige… les traces de sa chute. De ses pas. Les bourreaux n’avaient même pas besoin de courir. Ils le rattraperaient. Tôt ou tard.

Cole rampa, pris de panique. Il se redressa, enfin, malgré ses membres ankylosés. Il tituba. Reprit confiance. Sprinta à travers la forêt dense. Son point de côté s’amplifia. Forma une barre métallique dans son ventre. Sa gorge s’enflamma, mais il tint bon. Semer les tortionnaires. Pas le choix. Fallait tenir.

Là ! Tout près ! Un cours d’eau. De quoi brouiller les pistes. Cole analysa ses options. Tout droit ? Trop facile. On repèrerait ses pas, de l’autre côté. Lambda en avait déjà creusés, les pattes trempées. À gauche ? A droite ? Comment savoir ? Et si… et s’il tournait en rond ? Il trembla, effrayé à l’idée de rentrer au laboratoire sans même s’en rendre compte. Mais non. Il n’y avait pas de ruisseau près du labo… si ? Comment aurait- il pu le savoir, bordel ? On le laissait jamais sortir !

Plus le choix. On le rattraperait bientôt. Cole pria sa bonne étoile - qui n’avait pas été d’une précieuse aide, toutes des années, donc elle pouvait au moins se manifester aujourd’hui - avant de s’engager dans les remous. Ses baskets et ses chaussettes s’humidifièrent, Cole gémit face au choc de température. Il décida, puisqu’il était droitier, de prendre cette direction. Au pif. Toute sa fuite résidait dans la chance. Rien n’allait, dans son plan.

Les goutelettes d’éclaboussure perçaient le tissu de son pantalon par intermittence. Ses orteils se frigorifièrent et son coeur cogna de toutes ses forces contre sa cage thoracique. Cole croisa les bras contre sa poitrine, mais ils ne lui apportèrent qu’un maigre réconfort. Quinte de toux. Trachée irritée. Lambda avait déjà rejoint la berge, un peu plus loin. Il se lècha les pattes. Cole tendit l’oreille : aucun bruit ne surpassait celui du vent. Il s’appuya sur une branche pour sortir de l’eau.

Transi de froid, il poursuivit sa marche. Plus moyen de courir. Surtout pas rester immobile. le dos courbé, Cole espérait que son agonie s’achève bientôt. Ses biceps hurlèrent, mais il maintint le cap, jamais assez loin des entraves. La lumière perçait à peine entre les arbres centenaires. Depuis combien de temps fuyait-il ? Son estomac, déjà, criait famine. Il claqua des dents, peu rassuré par les enchevêtrement de branches et de racines autour de lui. On n’avait pas emprunté cette route depuis longtemps. En vérité, il n’y avait pas de route. Juste un amas de neige, de bois accumulé et… voilà tout. Lambda suivit, désormais, désorienté. On ne l’avait jamais emmené si loin.

Cole déglutit avec difficulté. Ça va aller, se rassura-t-il sans grande conviction. Une autre petite voix dans sa tête lui souffla : Tu aurais dû arriver en ville depuis des heures… Vraiment ?

Crac !

Un sursaut. L’ombre d’un animal s’enfuya. Là haut, Cole aperçut un petit bout de ciel gris. La nuit n’allait pas tarder. Il serait seul. Dans le noir. Perdu. Affamé. Frigorifié. A la merci des bêtes féroces qui le nargaient déjà, tapis dans les fourrés. C’était donc ça, le dehors ? La survie. La peur au ventre. Le froid polaire qui s’accentuait à chaque mètre franchi ? Les ténèbres, rien que les ténèbres.

Un pas. Encore un, puis un autre. Quitte à passer la nuit dehors, autant allonger la distance qui le séparait du laboratoire. Peut-être. Il espérait. Quand Lambda ou lui seraient épuisés… il aviserait. Oui… il aviserait…


Texte publié par Albane F. Richet, 17 septembre 2022 à 13h07
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