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tome 1, Chapitre 3 tome 1, Chapitre 3

Ælyonn se réveilla en sueur. Depuis l'éveil de ses yeux, il y a un mois, elle faisait des cauchemars toutes les nuits bien qu'elle n'en gardait aucun souvenir. A son réveil, seul persistait un puissant sentiment d'angoisse et de désespoir qui la rongeait petit à petit. Elle caressa les cheveux de Malik endormi à ses côtés, puis, sans un bruit elle se leva.

Le ciel commençait à s'éclaircir tout à l'est mais son jardin restait plongé dans l'obscurité. Le silence, brisé par quelques oiseaux matinaux, rassura et détendit la jeune fille. Elle descendit dans son jardin où la fraîcheur de l'herbe la fit frissonner. Elle s'assit par terre en tailleur et ferma les yeux. Lorsqu'elle devint la Corataara, ses yeux la firent souffrir pendant trois jours, puis un soir tout revint à la normale. Elle s'était observée dans un miroir, mais rien n'avait changé, ses yeux étaient toujours gris clair et scintillants. Ce fut le lendemain lors d'une promenade dans les jardins que son pouvoir se révéla. Ælyonn respira profondément avant d'ouvrir les yeux et elle fut aussi émerveillée que la première fois. Devant elle un monde lumineux se matérialisa, le sol était couvert d'un vaste réseau interconnecté de fines lignes blanches qui se densifiaient par endroit. Ce vaste maillage, comparable à un réseau neuronal, semblait pulser et vivre. Si la première fois, Ælyonn avait paniqué, elle avait fini par comprendre qu'elle voyait le réseau mycorhizien, une association symbiotique entre les plantes et les champignons. Elle avait la faculté de voir les échanges entre les végétaux. Elle voyait le flux des nutriments passer d'un arbre à l'autre, tout comme les signaux envoyés par une plante pour indiquer qu'elle était attaquée et prévenir ses semblables. Elle voyait le monde végétal communiquer, voir et ressentir le monde. C'était très différent de la conscience animale mais le monde végétal était conscient, à sa façon. C'était la première leçon qu'elle avait tirée de ses nouveaux pouvoirs. Quand elle mélangeait son esprit au réseau mycorhizien, elle entrait dans un monde fait de formes géométriques multicolores en perpétuelle évolution. Cependant elle ne restait jamais très longtemps dans ce monde par peur de se laisser happer et de ne plus savoir revenir. Sa perception des végétaux était également transformée puisqu'elle les voyait teintés de multiples couleurs éclatantes. Les plantes se paraient de dégradés de bleu, de rose, de violet, de rouge, le tout tacheté d'une lumière blanche intense. Après quelques recherches à la bibliothèque et sur le net, elle avait découvert qu'elle pouvait voir la fluorescence naturelle des plantes comme si elles étaient sous un éclairage UV. Finalement, malgré ses connaissances en botanique, elle se trouvait bien ignorante de la véritable richesse des plantes qui l'entouraient.

Ce fut Malik qui la tira de sa contemplation quand il posa un plaid sur ses épaules. La jeune fille sursauta et fut étonnée de voir que le soleil s'était levé depuis un moment.

Ils étaient ensemble depuis trois semaines. Malik savait qu'elle devait rentrer à Mairelle après son dix-huitième anniversaire, leur relation était donc à durée déterminée. Il était amoureux d'elle depuis longtemps. Il avait accepté tout l'amour ce qu'Ælyonn pouvait lui offrir, même si c'était pour une si courte période. Cependant il n'était pas dupe, il sentait qu'elle lui cachait un secret. Il l'avait surprise plusieurs fois à pleurer dans les jardins. Quand il l'avait interrogé sur les motifs de ses larmes, elle s'était muré dans un silence obstiné. Par respect, il n'avait pas insisté.

Malik avait été impressionné par le faste et la richesse du Hadiqa qui contrastait avec les manières de la famille Brémont. Malgré leur fortune et leur rang, ils étaient simples, ne vivant que pour leurs jardins. Ils n'avaient pas peur de se salir avec de la terre ou de la sueur. Pour Charles, la valeur d'un individu se mesurait au respect qu'il montrait à la flore. Le patriarche avait accueilli Malik avec bienveillance et ne lui avait donné qu'une seule recommandation sur sa relation avec sa petite-fille : " Son corps : ses règles". Malik n'avait rien vu à redire sur ce principe, il avait répondu qu'il n'envisageait pas les choses autrement, ce qui avait ravi le vieux jardinier.

Il s'était fait rapidement aux manières rustres du grand-père qui appelait "gamin" ou "petit", toute personne de moins de soixante ans et ce, quelque soit le statut social. Ses jardins résonnaient des cris et des rires des enfants des domestiques qui jouaient là pendant les vacances scolaires. Il avait expliqué au futur botaniste qu'un jardin sans enfants c'était comme une rose sans parfum, c'était beau, mais triste. Malik appréciait la philosophie du vieux jardinier tout autant que sa compagnie.

— Idris est passé, nous sommes en retard pour le petit-déjeuner, annonça-t-il en l'aidant à se relever. Une grosse journée t'attend.

Aujourd'hui c'était le solstice d'été et la fête des lumières. Toute la ville était en effervescence depuis des jours. La famille royale serait présente et Sikil qui n'avait pas vu son roi depuis quatorze ans se parait de ses plus beaux atours. Le souverain et sa suite logeraient au Mahal et depuis une semaine, le complexe palatial était fermé pour aménager les appartements royaux. Le Hadiqa n'échappait pas à cette fièvre, des serviteurs s'employaient à faire resplendir le palais et les jardiniers besognaient dans tout le domaine.

La table du petit-déjeuner au coeur du patio du Portique était plus vaste qu'à l'accoutumée. En plus de Valentin qui était hébergé au palais, les frères aînés d'Ælyonn étaient arrivés la veille.

— D'après ce qu'elle dit, c'est psychédélique, coloré et toujours en mouvement, racontait avec enthousiasme Antonin, l'aîné de la fratrie en parlant des pouvoirs de sa petite sœur.

— Je ne comprends pas comment elle fait pour rester calme en voyant des trucs pareils, renchérit Alexandre, le cadet.

— Un peu de retenu et de discrétion s'il-vous-plaît, les coupa Charles, et j'apprécierais aussi un peu plus de respect de votre part.

— Et vous avez intérêt à vous tenir à carreau, rappela Valentin en lançant un regard mauvais aux deux jeunes.

Les Brémont ne dirent plus rien, ils avaient failli vendre la mèche à Malik quand ils étaient arrivés. Valentin s'était montré suffisamment froid et menaçant pour que les garçons comprennent qu'il n'était pas question de plaisanter ni avec le sujet ni avec lui. Il avait déjà suffisamment à faire avec la sœur, il n'avait vraiment pas envie de gérer les frères. Ælyonn se montrait franchement odieuse avec lui. Leur relation était tendue et il perdait la partie à chaque fois qu'il baissait les yeux devant ses iris scintillants. La demoiselle n'avait que du mépris pour lui et même son grand-père n'arrivait pas à la raisonner.

— Et comment ça se passe aujourd'hui ? demanda Idris.

— Des renforts vont arriver ce matin, expliqua Velasquez.

Il était soulagé que le roi lui envoie quelques hommes supplémentaires. Lui, d'un naturel si calme et maître de ses émotions, perdait patience devant une merdeuse de dix-huit ans qui lui pourrissait la vie depuis un mois.

— Et vous avez prévu d'enchaîner Ælyonn jusqu'à son départ ? railla Alexandre.

Le jeune homme de vingt ans était châtain comme sa sœur avec un beau visage harmonieux et de grands yeux bleus comme ceux de son grand-père.

— Ça ne me pose aucun problème. Si ça ne tenait qu'à moi, elle serait déjà sous tranquillisant, répondit l'intéressé.

La conservation tourna court avec l'arrivée du jeune couple. Ælyonn avait revêtu un lehenga, un des vêtements traditionnels de l'île de La Lupa. Ce vêtement se composait d'une longue jupe, d'un choli, une sorte de top dos nu à manches courtes qui laissait apparaître le ventre et d'un grand châle, le dupatta. Le lehenga d'Ælyonn était dans des tons de violet foncé et de rouge, rehaussé de broderies argentées. Ses nombreux bracelets aux chevilles et aux poignets cliquetaient à chacun de ses mouvements. A peine installée, elle se jeta sur les brioches et annonça qu'elle et Malik se rendraient juste après le petit-déjeuner dans la ville pour le début des festivités.

— Sûrement pas ! cria Valentin malgré lui.

— Ælyonn tu devrais rester ici pour te préparer, tu seras présentée au roi ce soir, soupira Charles le nez dans son journal.

— Je quitte l'île demain. J'ai envie de faire la fête et ce n'est ni le roi ni son roquet qui m'en empêcheront, répliqua-t-elle. En plus, je serais avec Malik et avec mes frères s'ils sont d'accord, poursuivit la jeune fille.

Les deux frères eurent un large sourire, faire la fête avec leur sœur était rare, ils n'allaient pas s'en priver. Valentin ne faisait pas le poids face à la famille Brémont. Même en faisant appel au nom du roi, personne ne voulait l'écouter et empêcher Ælyonn de n'en faire qu'à sa tête, ce qui le frustrait au plus haut point. Sa seule victoire fut de les accompagner et d'obtenir d'eux de ne pas quitter la Haute-Ville de Sikil. Il maudissait Charles pour sa faiblesse lorsqu'il était question de la Corataara. Depuis la révélation des pouvoirs de la jeune fille, le vénérable chef de famille s'enfermait dans son bureau et Ælyonn n'avait jamais eu autant de liberté de mouvements et de paroles au grand désespoir de Nannou et de Valentin.

Après un petit-déjeuner houleux, les quatre jeunes gens montèrent se préparer pour la fête et une heure après ils s'éclipsaient du Hadiqa en courant.

— T'en as mis assez ? demanda Antonin une fois la petite troupe arrivée à la Première Terrasse.

Le frère aîné était brun avec des cheveux bouclés qui lui tombaient aux épaules, il avait beaucoup de charme avec sa petite barbe de trois jours et ses yeux marron clair. A vingt-trois ans, il était un intime du prince héritier, Laurent d'Altiérie et son Maître des Jardins.

— De quoi endormir un rhinocéros, on est tranquille pour la journée, s'esclaffa Ælyonn.

— T'es sûr qu'il n'a pas la gâchette facile ? s'inquiéta Alexandre, Velasquez va péter un plomb quand il se réveillera.

Ælyonn rit.

— Ça va le démanger, mais il n'en fera rien, répondit-elle.

Avant de descendre pour le petit-déjeuner, Ælyonn et Malik avaient mis une bonne dose d'un puissant somnifère rapporté par les garçons dans la flasque de café frappé que Valentin gardait dans sa chambre. L'homme, accro à la caféine, s'était presque écroulé par terre après en avoir bu une lampée. Les quatre jeunes gens avaient tant bien que mal réussi à le ligoter et à le bâillonner avec un rouleau de gaffer, avant de l'enfermer dans sa chambre et de cacher la clé dans un vase du salon.

— T'es dangereuse, constata Malik. Mais c'est ce qui fait ton charme, continua-t-il en l'embrassant.

Avec un sourire aux lèvres, Ælyonn se remit à courir à la poursuite de ses frères partis loin devant elle.

Pour la visite du roi, les murailles de la cité étaient décorées d'immenses étendards aux couleurs d'Aranthys : deux bandes verticales, l'une blanche et l'autre bleue et au centre un lion doré et couronné. Sur chaque balcon flottaient des fanions arborant les armoiries des Clamerin d'Espla, la famille royale d'Aranthys. La ville s'animait déjà au rythme des instruments traditionnels de La Lupa. Les insulaires avaient revêtu leurs plus beaux costumes et une foule bigarrée dansait autour des musiciens. Un peu partout dans Sikil, dans de vastes encensoirs en bronze, le palo santo brûlait et répandait sa douce fragrance qui se mélangeait à celle des plats épicés à base de coriandre, de cannelle ou de gingembre. La chaleur moite de l'été s'installait et elle s'accompagnait d'une odeur lourde de végétaux fermentés et d'humidité venant des montagnes du centre de l'île. Ce mélange hétéroclite de parfums poussait les touristes les plus sensibles vers le vieux port pour trouver un air plus respirable.

Les Brémont avaient atteint la Basse-Ville. Ils se dirigèrent vers une porte cochère d'où s'échappaient des airs entraînants. Au centre d'une cour, un grand mandala de fleurs s'étalait. Une odeur de musc, de rose et de jasmin saturait l'air à peine rafraîchi par une fontaine. Dans ce décor, Ælyonn dansait avec Antonin au son des cymbales, tambourins et trompettes. Antonin faisait l'idiot et sa petite sœur avait bien du mal à suivre le rythme entre deux fous rires. Depuis les fenêtres et les terrasses des maisons, les habitants lançaient des poudres colorées sur les danseurs en signe de bénédiction et de prospérité. Dans ce joyeux tumulte, personne ne remarqua l'homme qui observait Ælyonn. Il semblait ne pas souffrir de la chaleur ou des odeurs. Il était grand, mince et chauve et affreusement défiguré. Il regardait la jeune fille en fumant une cigarette avec son portable à la main.

Vers onze heures, la frégate royale entra dans le port de Sikil. Son arrivée fut saluée par une pluie de poudres colorées et par des pétales de fleurs blanches lancés depuis les hautes murailles. A sa descente, le roi affichait un sourire qu'il voulait aimable, mais qui tenait plus de la grimace de dégoût. Quant à son épouse, la reine Éléonore, elle faisait son possible pour ne pas montrer qu'elle souffrait déjà de la chaleur. Derrière eux se tenait leur fils, le prince Laurent, un petit sourire au coin des lèvres. La famille royale fut accueillie par le gouverneur et les élus de l'île, puis le cortège se mit en route. Les voitures officielles traversèrent la ville en fête et recouverte d'un nuage coloré et parfumé. Le prince était impressionné par la richesse et l'exotisme de Sikil. Des senteurs inconnues lui parvenaient par la fenêtre ouverte et les sourires des jeunes filles étaient autant d'invitations à explorer les merveilles de l'île. Ses sens n'étaient jamais au repos, tout était captivant, riche et vivant. Les voitures s'arrêtèrent devant une forteresse au pied de la Première Terrasse. L'ancienne place forte était devenue la cité administrative de la ville et c'est là que se dérouleraient toutes les réceptions protocolaires le temps de la visite du monarque. Charles se tenait déjà dans le grand hall de l'hôtel de ville. Il tentait de joindre, sans succès, Valentin Velasquez pour savoir ce que faisaient ses petits-enfants. Si ça continuait ainsi, ils seraient en retard ou pire encore, absents pour le discours de bienvenue et pour rien au monde, il ne voulait faire cet affront au roi. Il délaissa à contrecœur son téléphone quand des membres de la suite royale vinrent le saluer et lorsque la cérémonie débuta, les trois chaises des jeunes Brémont étaient toujours vides à ses côtés.

La grande salle d'apparat était pleine à craquer, sous sa grande voûte peinte d'une fresque allégorique à la gloire de la ville. Toute la bonne société de Sikil et tous les officiels de La Lupa s'étaient réunis avec à leur tête, Charles Brémont, héros de guerre et ancien corégent d'Aranthys durant la minorité du roi. Le moment était solennel. La Lupa avait toujours été une province un peu turbulente qui chahutait de temps en temps l'autorité d'Aranthys. Cependant, dès le début de la guerre, l'île était devenue le fief de la résistance face à l'Ambira. La ville de Sikil tomba sous le contrôle de l'ennemi, mais elle résista. Elle paya un lourd tribut humain et fut pratiquement détruite à la suite d'un grand incendie. Le siège de Sikil et sa libération marquèrent la fin du conflit militaire. Depuis, La Lupa se croyait oubliée de son monarque, mais aujourd'hui le roi honorait la ville martyre de sa présence pour la plus grande fête de l'année.

L'assemblée se leva à l'arrivée de Léopold IV. Le roi salua ses sujets et commença son discours. Le prince Laurent était en retrait sur l'estrade, il n'écoutait pas le discours de son père. Le jeune homme de vingt ans était grand, mince et athlétique, ses cheveux noir corbeau étaient légèrement désordonnés, juste ce qu'il faut pour ne pas froisser l'étiquette, et une frange un peu rebelle lui barrait le front. L'héritier du royaume ne manquait pas de charme avec ses grands yeux noirs en amande, son teint d'albâtre et ses lèvres rosées. Pour éviter de bailler d'ennui, il se concentra sur les personnalités présentes dans la salle. Il nota l'absence de son Maître des Jardins tout comme celle de Velasquez qui n'avait pas donné signe de vie depuis la veille. Il jeta un regard à son secrétaire qui hocha la tête et quitta la salle.

"Monsieur de Sabolin va remettre un peu d'ordre dans tout ça", pensait-il. Le prince Laurent était très ami avec Antonin avec qui il partageait la même passion pour la gente féminine et la kaina, une plante psychotrope très prisée sur le continent. L'héritier du royaume avait du mal à tolérer le manque de courtoisie de son comparse et il prenait son absence à cette cérémonie comme une offense personnelle. Il ne voulait pas se l'avouer, mais il était jaloux de son jardinier. Antonin devait s'amuser à cueillir les plus belles fleurs de Sikil quand lui était bloqué par ses devoirs royaux. Il se garda de montrer sa contrariété et affichait le petit sourire charmeur qui faisait sa réputation en attendant que son secrétaire règle le problème.

Benjamin de Sabolin avait immédiatement compris ce que désirait Son Altesse Royale : les Brémont et Velasquez. Il prit son téléphone et appela un des hommes qui surveillait le Hadiqa en quête des insolents sujets du roi.

Le serviteur d'une soixantaine d'années, retrouva son prince deux heures plus tard lors du cocktail dînatoire donné dans la cour d'honneur de l'Hôtel de Ville.

Le prince s'était isolé loin de la foule avec la fille du gouverneur de La Lupa. Ils étaient en train de s'embrasser adossés à un mur, à l'écart des regards indiscrets et Laurent était sur le point de présenter, de manière plus appuyée, ses hommages à la demoiselle quand Sabolin les interrompit en se raclant la gorge.

— Votre Altesse Royale, pardonnez-moi de vous déranger, s'excusa-t-il.

Laurent soupira.

— Mademoiselle, vous me voyez navré d'interrompre cette délicieuse conversation, des affaires urgentes requièrent toute mon attention, commença-t-il en reboutonnant sa chemise. J'espère avoir le plaisir de poursuivre notre entretien privé ce soir au Mahal.

— Avec joie, Votre Altesse Royale, mes parents et moi-même sommes les hôtes du Hadiqa pour la durée de votre visite, répondit la jeune fille en remettant sa jupe en place.

— J'en suis ravi, sourit le prince en baisant la main de sa conquête avant de suivre monsieur de Sabolin.

Le secrétaire ne s'offusqua pas de la conduite du prince, il y était habitué et une partie de son travail consistait à prévenir les scandales. Le prince d'Altiérie traînait derrière lui une réputation sulfureuse et ce voyage avait été l'occasion d'étouffer le dernier écart de l'héritier.

— Quelle mauvaise nouvelle allez-vous m'annoncer ? demanda Laurent en finissant de se rhabiller.

— Velasquez a été retrouvé drogué et ligoté au palais du Portique, Mon Prince, résuma le dévoué serviteur.

Le jeune homme perdit son sourire.

— Il semblerait que ce soit l'œuvre des Brémont et de Malik Sipa, précisa Monsieur de Sabolin. Guillemin les file, ils sont du côté du vieux port. Dois-je donner l'ordre d'aller les chercher ?

— Non, laissons-les profiter de la fête, répondit Laurent qui hésitait entre le soulagement et l'inquiétude. Le bon côté c'est que le Réduve n'aura pas la partie facile avec cette teigne d'Ælyonn. Comment va Velasquez ? Que s'est-il passé ?

— Il n'a pas totalement recouvré ses esprits, il a ingéré une bonne dose de somnifère.

Sabolin lui expliqua que l'absence de l'agent avait été remarquée tôt. C'est en géolocalisant son portable que l'agent avait été retrouvé inconscient dans sa chambre, ligoté et bâillonné avec du gaffer. Les seuls mots que Valentin avait pu articuler à son réveil étaient "petite garce". Bien évidemment, la jeune fille et ses frères étaient injoignables, mais l'agent Victor Guillemin ne les lâchait pas d'une semelle.

Le prince retrouva le sourire. Rien de bien méchant, au final. Antonin était avec elle, il n'y avait pas lieu de s'inquiéter. Il demanda à son secrétaire de le prévenir ainsi que le roi dès que la turbulente fratrie regagnerait le palais. Le serviteur assura le prince que tout serait fait selon ses désirs et se retira.

Les jeunes Brémont avaient déjeuné chez les parents de Malik après avoir dansé dans la Basse-Ville. Adhavan Sipa et son épouse Aïcha avaient été un peu intimidés de les recevoir dans leur café. Mais après quelques verres, l'atmosphère s'était détendue et la joyeuse bande avaient dégusté un fabuleux repas accompagné d'arak, une eau-de-vie anisée, distillée par Malik. Vers trois heures de l'après-midi, tout le monde commençait à fatiguer. Antonin décida de sonner l'heure du départ pour le palais familial.

— En route mauvaise troupe ! Hâtons-nous au-devant d'un grand péril ! Gardons la tête haute et soyons dignes quand notre vénérable grand-père nous bottera les fesses avec force pour notre vilenie ! cria-t-il exalté par l'alcool.

— Madame, vous fûtes une hôtesse des plus délicieuses, votre charme n'a d'égal que votre cuisine et sachez que je garderai un souvenir ému de votre tajine, qui est de loin, le meilleur de La Lupa, déclama Alexandre en baisant la main de la mère de Malik qui rougit.

— Lælo, ma sœur préférée, tu viens ou tu restes ? demanda Antonin qui était l'une des rares personnes à l'appeler par son diminutif.

— Je reste, décida Ælyonn, je rentrerai vers dix-huit heures, vous pouvez me couvrir ?

— Mais bien entendu, gente damoiselle, répliqua son aîné en s'inclinant devant elle.

Malik fut enchanté par la nouvelle, ils avaient quelques heures de plus pour se dire au revoir une dernière fois. Ce fut donc bras dessus bras dessous que les frères Brémont remontèrent la Grand'rue en titubant. On les entendait hurler des chansons traditionnelles et beugler "Vive le roi" entre chaque couplet.


Texte publié par Cilou, 7 octobre 2021 à 16h11
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