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volume 1, Chapitre 2 « A - L'Ardoise Magique » volume 1, Chapitre 2

Projeté sur grand écran à qui des badauds disparates voulaient bien les observer, les lignes d’un dessin prenaient peu à peu forme.

Friand de spectacle et de nouveautés, je m’étais placé en pied d’estrade.

Subjugué par la démonstration de mon bonimenteur, je ne pouvais m’empêcher de le regarder manipuler les deux gros boutons, mes yeux ronds tels des billes illuminées d’étoiles.

Les horloges du monde se seraient toutes arrêtées que je ne m’en serais pas émue.

Manches retroussées, doigts calés sur les manettes, buste penché au-dessus de l’écran comme un enfant de cœur s’inclinerait à la messe du dimanche, il faisait tourner les bouts de plastique par petits à-coups de poignets maîtrisés.

Seule une langue en coin de lèvre mâchouillée au milieu d’un visage dont la sérénité n’avait rien à envier au Bouddha, trahissait la difficulté de l’exercice.

Pourtant concentré à cette tâche méticuleuse, il continuait à vanter sa camelote d’une voix affable.

Pour arriver à une telle aisance, il devait pratiquer son art depuis longtemps.

- Regardez comme c’est facile ! Un dernier trait ici. Hop ! Deux cercles pour les roues. Et voilà, une magnifique voiture ! C’est le jouet idéal pour les enfants de tous âges. Et un formidable outil pour tester la patience des plus grands ! Pas plus gros qu’un bouquin, elle vous accompagnera partout, en voiture ou en train !

Et une version poche va même prochainement sortir !

Il se redressa pour observer la foule silencieuse. Impressionné par son dessin, je me retint néanmoins d’applaudir. J’aurais fait tâche au milieu d’une populace qui commençait à déserter les lieux. Chacun des lâcheurs arboraient la mine renfrognée du blasé.

Seule une poignée de résistants sans enthousiasme, restaient collés à l’estrade. On sentait que pour le moment coi, ils ne demandaient qu’à en découdre.

Devant la froideur de l’accueil, le commerçant ne se démonta pas. La fraîcheur d’une naïveté de façade, il tenta un :

- Quelqu’un veut essayer ?

- Mais, c’est juste une ardoise magique, commença à objecter mon voisin. En noir et blanc qui plus est ! Sur n’importe quel site de l’Internet, on trouve mieux ! Vous la sortez d’où cette marchandise désuète ?

- Ben oui ! Mon père avait la même dans les années 60, osa un autre. Et ça revient à la mode ?

- Ils savent plus quoi nous vendre. Déjà la trottinette, maintenant l’ardoise magique ! Et pis quoi encore demain ? Le scoubidou de plastique recyclé ?

- C’est une idée, plaisanta sans se décontenancer, le vendeur.

- Non mais, en plus, écoutez-le ! Ça ne le dérangerait même pas, le bougre ! Et vous vendez ce machin combien ?

- 50 Euros ! Seulement ! Une affaire !

À l’annonce de ce prix, une femme d’un certain âge, failli s’en étouffer.

- Comment ? J’ai dû mal entendre !

- Non, non, il a bien dit 50 Euros !

- Pour 0, j’installe une application gratuite sur une tablette et je mets mes petits-enfants devant. Et ça en fait plus que ce machin tout droit sorti d’un vide grenier !

- En plus, vos petits-enfants pas sûr qu’ils y restent. Déjà à l’époque on se demandait à quoi ça servait. Un crayon, un papier, un peu d’imagination et ils s’amusent tout autant !

L’homme aux marchandises profita de l’occasion pour rebondir.

- Voilà en quoi l’ardoise magique reste révolutionnaire. Pas de papier, pas de crayon. On peut recommencer des dessins à l’infini ! C’est bon pour la planète ! En plus, le boîtier, l’écran, même la poudre à l’intérieur, c’est du plastique 100 % recyclé !

- Ah ben vous voyez ! J’prenais l’exemple des scoubidous, mais ils y ont déjà pensé !

Une jeune fille tout juste sortie de l’adolescence, le t-shirt à l'effigie d’un Pikachu passé en machine jusqu’à le rendre malingre copie de lui-même, en vint à commenter aussi le produit.

- Encore, y aurait la couleur et un bouton quelque part, pour like ou partager sur insta, snap ou bien tiktok. Mais là ? Faites-voir la boîte ?

Sans attendre la moindre autorisation, elle happa de sa main inquisitrice le pauvre emballage et le tira à elle comme si il s’apprêtait à s’enfuir.

En face avant du carton, un “Télécran” rivalisait du blanc de deux lettres J et R plus petites. En son centre, une photo de famille fleurait bon les années 60.

- Ah ben, même pour le packaging, ils se sont pas trop foulés !

- C’est bon ! On en a assez vu ! Essayer de nous refourguer des invendus ! C’est une honte ! Charlatan, va !

- Ah il est beau cette année, le concours Lépine !

À ces dernières exclamations, dans un geste digne d’une championne de curling, la fille envoya la malheureuse ardoise glisser le long de la table.

L’objet s’arrêta en pied de go pro. Déstabilisée, celle-ci éclaira la scène d’un angle nouveau.

Le croquis de voiture disparut au profit d’une autre image. Celle d’une ardoise tout en couleur cette fois. Sur son écran, quelques personnes y étaient dessinées avec force détails. On aurait dit du photoréalisme. Une véritable prouesse artistique si on considérait le support !

- Ah ben vous voyez que vous savez faire autre chose que du monochrome !

- C’est juste un prototype, fit le marchand, géné.

- Montrez-nous en plus ! surenchéri la demoiselle déjà grimpée sur l’estrade, la caméra de son téléphone braquée vers l’avant.

- Ne touchez pas à la marchandise s’il vous plaît ! tenta de s’interposer le démonstrateur.

À peine l’objet saisit, que des doigts avides l’effleuraient comme s’il s’était s’agit d’un appareil tactile.

Le réflexe de l’habitude s’avéra le bon car des images différentes défilaient à chaque balayage. Jusqu’à ce que la découverte se porta sur l’une d’entre-elles.

Une jeune fille y était représentée, le fier compagnon de Sasha au jaune délavé placardé sur sa poitrine.

- Eh mais c’est moi là ! Je reconnais mon t-shirt ! De quel droit vous nous prenez en photo ! Pervers ! Elle est où la caméra ?

- Calmez vous ! Cela ne reste qu’un simple dessin !

- Dessin ou pas, vous n’avez pas le droit de nous croquer contre notre gré !

Avant que le démonstrateur ne puisse réagir, la jeune fille s'agrippait au rebord de la table, prête à tout renverser.

- Attention !

Les tréteaux cédèrent. Des ardoises valdinguèrent de partout.

Secouées, les photos de l’écran disparurent. Aussitôt personnes, objets et murs, s'évanouirent. La pièce s’obscurcit. J’eu même la nette sensation que le sol se dérobait soudain sous mes pieds.

Lorsque je rouvris les yeux, j’émergeais au milieu d’un terrain aussi vague que mes souvenirs, le bonimenteur pour seul compagnon.

Je le vis hausser les épaules alors qu’il s’éloignait, l’un des petits appareils colorés à la main.

- Quelles bandes d’ingrats ! Il suffisait qu’il se prennent un peu plus au jeu, comme vous, et l’expérience touchait presque à sa fin !

Il me regarda hésiter.

- Bon vous venez mon vieux ? Je ne suis pas garé très loin...

Je ne pu le suivre de suite. Je restais figé de stupeur.


Texte publié par Erval, 30 octobre 2021 à 22h13
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