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saison 1, Chapitre 5 « Le départ » saison 1, Chapitre 5

Si j'ai raté mon précédent rendez-vous, cette semaine, je suis là !

Pour la petite histoire, mon chapitre était prêt à être publié la semaine dernière... mais j'ai trouvé une meilleure approche le jeudi, alors j'ai préféré le reprendre complètement !

En rappel, il y a deux semaines, vous avez laissé Eikichi et Tokias alors qu'ils disaient aurevoir /adieu à Ôdan et Riani. Eikichi avait laissé un sentiment étrange à Tokias et il y a des chances que vous compreniez mieux ce qu'il a pu se passer grâce à ce chapitre !

Bonne lecture !

*****

Au pied des escaliers, les marchands et les livreurs n’en finissaient pas de se déverser sur la route en terre battue. Si la plupart des voyageurs tiraient leur chargement à la force de leurs bras ou les transportaient dans des paquetages sommaires sur leur dos, quelques personnes possédaient des bœufs et s’arrogeaient un droit de passage au milieu des autres.

Le doute avait figé Eikichi à quelques centimètres de la première marche. Ses doigts étaient enroulés autour de la hampe de sa lance au point de se faire mal. Dans son esprit, l’idée de revenir sur ses pas tournait tant qu’elle en devenait peu à peu acceptable.

Un gong lourd et profond envahit le Sanctuaire et raisonna jusque dans sa poitrine. Eikichi descendit la marche, puis les suivantes comme s’il s’agissait du signal qu’il avait toujours attendu. Même sans yôkai, il espérait être reconnu en tant que kageka et faire preuve de lâcheté n’était pas une bonne façon de commencer son parcours.

Un panier sur le dos, le carquois de flèches à la hanche et l’arc autour de lui, Tokias était déjà en bas depuis quelques secondes, prêt à se glisser dans le flux ininterrompu des voyageurs. L’agitation de son pied exprimait son impatience.

Dès qu’Eikichi l’eut rejoint, Tokias plongea dans la foule sans la moindre hésitation. Son gabarit hors norme attira d’abord l’attention, puis une forme de respect : on s’écartait de son chemin quand il approchait.

La pagode du Sanctuaire dans le dos, le château de Konazawa qui les dominait du haut de la butte devant eux, Eikichi se faufilait derrière son ami sans crainte. D’un pas assuré, Tokias les conduisait vers le sud de Konazawa. Plusieurs options s’offraient à eux et ils avaient jeté leur dévolu sur la plus courte. Bien qu’elle ne soit pas aussi bien entretenue que les routes commerciales au nord de la ville, elle restait sûre et praticable.

Malgré l’heure matinale, la rivière Kona qu’ils longeaient était animée. Grâce au courant, une partie des barques filaient vers le port à l’ouest de l’île. Plus péniblement, d’autres embarcations avançaient dans le sens opposé et certaines étaient tirées depuis les berges tant elles croulaient sous les marchandises.

Le sourire aux lèvres, Eikichi observait les enfants courir ou sauter sur les rochers là où le fleuve était en grande partie à sec. Les plus âgés pêchaient ou se disputaient les crabes avec les oiseaux les moins peureux.

Enfin, Tokias bifurqua sur la gauche pour quitter la route la plus fréquentée. Quelques mètres plus loin, le chemin se séparait en deux, puis disparaissait dans une végétation dense et accidentée. Les quelques marchands qui s’y aventuraient n’avaient qu’un panier bien chargé sur le dos. Malgré cette apparence sauvage, quelques lanternes de pierres délimitaient l’espace de chaque côté de la voie et le sol était complètement dégagé.

Sans un mot, Tokias et Eikichi se mirent en route en prenant soin d’agiter de façon excessive leurs armes. Les clochettes accrochées dessus tintaient joyeusement pour marquer leur rythme dynamique. Le bruit permettait d’éloigner les yôkai les plus craintifs ainsi que les ours et les loups. Ces animaux n’étaient pas réputés pour être présents dans cette partie de l’île, mais si cela pouvait éviter quelques affrontements, c’était toujours bon à prendre.

Une fois bien engagé dans la forêt, Tokias s’écarta du chemin et chercha un rayon de soleil. Eikichi le suivit sans lui demander d’explication : il avait compris ce que son camarade avait en tête.

Tokias se plaça dans la lumière et en savoura quelques instants la chaleur. Il inspira, puis expira d’un mouvement exagéré de la poitrine. L’âme de son kage se nicha dans son ombre qui prit une forme solide. Elle s’éleva peu à peu du sol et forma une goutte grossière. Dès qu’elle se détacha complètement de la terre, l’onibi de Tokias devint une énorme flamme en suspension. Incommodé par la température, Eikichi s’en éloigna un peu.

L’onibi n’avait aucun odorat ou ouïe, mais il avait la capacité de percevoir les sources de chaleur à proximité ce qui permettait à Tokias de repérer les êtres vivants de bonnes tailles… ainsi que l’eau fraîche ce qui était pratique quand on était livrés à soi-même en pleine nature.

— Wouha !

Tokias et Eikichi se tournèrent d’un même mouvement. À quelques mètres d’eux se tenait un jeune homme de leur âge. Sa peau s’était assombrie à force de trop rester au soleil et ses pieds étaient protégés par des sandales légères déjà bien abîmées. Malgré le lourd chargement de bois sur son dos, il sautillait sur place, les yeux brillants.

— Wouha, répéta-t-il, c’est la première fois que j’en vois un en vrai.

Eikichi ignorait s’il parlait d’un onibi ou d’un kageka et la réponse importait finalement peu. Le regard de l’inconnu se posa ensuite sur lui, la bouche entrouverte par anticipation. La gêne envahit Eikichi qui détourna la tête. Il reprit son chemin, les yeux vissés sur le sol.

— Votre yôkai est trop dangereux ? s’exclama le jeune homme au comble de l’excitation.

Eikichi ignora la demande et accéléra le pas. Tokias se cala sans mal sur son rythme. La route, peu fréquentée, lui permettait de conserver son onibi à ses côtés.

— Tu es sûr que c’est sage d’utiliser ton kage tout de suite ? maugréa Eikichi. On doit traverser des zones plus sauvages.

— J’ai besoin de travailler mon endurance, répondit Tokias. De toute façon, ce soir on sera hébergé dans un village. En mangeant et me reposant correctement, je récupérerai sans mal. On ne dormira à la belle étoile que les derniers jours du périple, je me montrerai plus prudent à ce moment-là.

Son ton autoritaire ne tolérait pas la discussion et Eikichi le savait.

Bien vite l’automatisme des pas et le son des clochettes sur sa lance dévièrent ses pensées. Une petite voix dans un coin de sa tête lui souffla que c’était irresponsable dans un environnement si sauvage, mais la chaleur de l’onibi pourtant à bonne distance lui assurait que Tokias veillait à sa place.

Comme souvent ces derniers jours, lorsque son esprit n’était pas assez sollicité, il fut attiré par le vide qui accaparait une partie de son âme : son kage incomplet.

Dans ces instants, Eikichi avait la sensation d’être au bord d’un gouffre et qu’il suffirait d’un pas malencontreux pour s’y perdre à jamais. Cela ne durait que le temps d’un battement de cils néanmoins.

Était-ce normal ?

Eikichi l’ignorait, mais il mettait cela sur le compte de son anxiété dévorante depuis l’arrivée de Tomoe. Il n’avait pas osé en parler ni à ses professeurs ni à ses camarades. L’avouer le rendrait encore plus indigne de sa position de kageka qu’il ne l’était déjà. Jusque-là, cela demeurait fugace et il ne perdait pas le contrôle.

Ses aînés lui avaient affirmé qu’aucun kageka ne restait sans yôkai éternellement. Sa curiosité l’avait poussé à éplucher les archives à la recherche d’expériences similaires à la sienne. Effectivement, soit le kageka finissait par trouver l’esprit qui lui était destiné, souvent dans une quête héroïque… soit, il devenait fou au point de précipiter sa mort.

On l’avait rassuré, lui avait répété que ces histoires étaient des leçons de morale pour rappeler qu’une fois que l’Attirance avait lieu, on ne pouvait refuser son destin, néanmoins Eikichi demeurait hanté par la part de vérité qui se cachait dans ces récits. Il y en avait forcément une, mais il ignorait s’il s’agissait d’une grande partie de la légende ou de quelques brides à peine perceptibles.

— Ah ! s’exclama Tokias.

Eikichi secoua la tête pour sortir de son introspection. Il suivit le regard de son ami et découvrit un minuscule autel coincé entre deux arbres très anciens.

Le temple en bois était si usé par les intempéries qu’on n’identifiait plus à quel yôkai il avait été édifié. Malgré tout, quelques offrandes avaient été déposées, des légumes de saison pour la plupart, et de l’encens fumait encore, preuve que le voyageur qui était passé avant eux ne les précédait pas de beaucoup. Au pied de l’autel se trouvaient trois figurines humanoïdes aux contours ronds. Eux aussi semblaient avoir plus d’une dizaine d’années.

— Les dernières victimes datent, commenta Tokias, le yôkai doit avoir disparu depuis longtemps.

Son feu follet géant tourna autour du temple, s’enfonça de quelques mètres dans la forêt.

— Je ne perçois rien avec l’onibi.

Eikichi hocha la tête. En retrait de la route, il distinguait un arbre tortueux entouré d’une corde en paille de riz qui résistait malgré les nombreux brins brisés.

Même si le yôkai avait effectivement disparu, il était d’usage de continuer à déposer des offrandes quand l’occasion se présentait. Rien ne garantissait que l’animal n’hibernait pas depuis maintes années et, de toute manière, il valait toujours mieux s’attirer les faveurs d’un esprit.

Tokias et Eikichi extirpèrent de la manche de leur kimono un cordon sur lequel des pièces trouées étaient attachées. Ils le défirent et déposèrent leur offrande qui atterrit au fond d’un bac dans un cliquetis chantant.

************

La semaine prochaine, on quittera durant un court instant nos deux héros pour un petit interlude...

Bonne lecture !

Glossaire :

Haneki-dono : Grand Maître du Sanctuaire Nord d'Heikô

Hanko : (terme non inventé) ce sont des tampeau, des sceaux qui permettent d'identifier la personne qui a écrit un document. Cela remplace notre signature. Ils sont encore utilisés de façon courante aujourd'hui et nombreuses sont les familles qui en possèdent deux : un pour les documents très officiels (achats de maison, mariage) et un deuxième pour le quotidien ( signer un reçu pour le facteur...)

Hiragana : (terme non inventé) c'est un syllabaire japonais

Jubokko : (terme non inventé, mais légende réinterprétée) yôkai, arbre vampire, il a l'apparence végétale, mais se nourrit du sang de ses proies.

Kage : c'est le don que possède Eikichi et Tokias. Il leur permet d'insuffler un esprit yôkai dans leur ombre pour en faire usage comme d'une marionnette. Le terme est tiré du mot ombre en japonais.

Kageka : c'est un utilisateur du kage

kitsune : (terme non inventé, mais légende réinterprétée) yôkai, renard à la forme et la taille mouvante

Konazawa : ville où se trouve le Sanctuaire où ont été formé Eikichi et Tokias

Nikô : ville portuaire à l'ouest de l'île où sont envoyés Riani et Ôdan

Onibi : (terme non inventé, mais légende réinterprétée) yôkai ressemblant à un feu follet géant et kage de Tokias

Tamura : ville où se déroule la mission d'Eikichi et Tokias

Tomoe : (prénom japonais) nouvel aspirant kageka


Texte publié par Sizel, 3 décembre 2021 à 13h01
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