Une "petite" crise de nerfs et ça repart !
Bonne lecture !
— On n’en peut plus, gémit Eikichi à bout de souffle.
Il s’était écarté pour échapper à la pression de Tokias et, les mains sur les genoux, il respirait à grand renfort d’inspirations bruyantes.
La rage de Tokias l’envahit d’un coup. Avant de réaliser ce qu’il faisait, il avait saisi Eikichi par le cou et le plaqua contre un tronc. Il voulait lui demander des comptes, mais aucun mot ne sortit. Lui aussi était à bout, épuisé après une telle course.
Sekka posa les doigts sur son bras et tira sur sa manche sans grande conviction. Tokias relâcha sa prise et recula de quelques pas. Eikichi le dévisageait, les yeux écarquillés. Ses pupilles étaient rondes, il n’y avait aucune trace animale sur son visage : ni poils ni déformations. Les akuma ne pouvaient revenir à leur forme humaine d’origine et, malgré les signes alarmants, il restait de l’espoir pour Eikichi. La bascule n’avait pas encore eu lieu.
Le ciel commençait à s’éclaircir. Ils n’avaient pas fermé les yeux de la nuit. Ils s’étaient éloignés autant que possible, cachés sous le couvert des arbres qui s’étendaient au pied de la montagne. À présent qu’ils s’étaient arrêtés, ce fut comme si le corps de Tokias pouvait à nouveau s’exprimer. Des courbatures nouèrent ses muscles, sa gorge trop sèche le faisait tousser à n’en plus finir.
Enfin, Tokias parvint à prendre une grande inspiration.
— Tu as failli basculer ! Qu’est-ce qu’on aurait fait, si tu n’avais pas réussi à redevenir humain ? Ne recommence pas !
— Je n’avais pas le choix ! s’insurgea Eikichi. La kageka jouait avec nous. Nous n’avions aucune chance face à elle.
Tokias jura à pleins poumons et shoota dans un caillou. Eikichi l’observait avec crainte, la main sur sa gorge.
— Je doute que nous disputer nous aide en quoi que ce soit, intervint Sekka à voix basse.
Elle avait raison, pourtant cela ne calma pas Tokias. Il savait qu’ils devaient se serrer les coudes s’ils voulaient sortir vivants de ce bourbier, mais la colère l’agitait bien trop pour qu’il retrouve son sang froid.
Ses pas allaient et venaient, vaine méthode pour évacuer sa tension. Il ramassa une branche qu’il entreprit de mettre en morceau avec application. L’acte de destruction fut salutaire et enfin, il put y voir de nouveau clair.
La situation se compliquait, mais cela n’avait rien d’inattendu. Ils étaient parvenus à échapper à une kageka du Clan Ryûka et ce n’était pas un maigre exploit. Ils étaient vivants, pas blessés et c’était déjà beaucoup demander aux esprits. Certes c’était grâce aux dons instables d’Eikichi, mais il était trop tard pour changer quoi que ce soit.
Un long étui étroit entra dans son champ de vision. Tokias le remonta jusqu’à découvrir Eikichi qui lui tendait un katana.
— Tu seras plus à l’aise que moi avec, expliqua Eikichi.
— Ça sort d’où ? s’étonna Tokias.
— De la kageka.
Dès que Tokias s’en saisit, Eikichi lui donna également un arc et un carquois qui ne contenait que quelques flèches.
— Ça non plus, je ne pourrais l’utiliser avec ma main blessée et il est trop grand pour Sekka.
À présent débarrassé des armes, Eikichi défaisait le nœud d’un baluchon. Malgré le danger, il avait eu la présence d’esprit de voler la kageka. Tokias se serait attendu à une telle action de la part de Sekka, mais certainement pas de son ami.
Les doigts de Tokias caressaient le katana de façon inconsciente. Il avait toujours rêvé d’en posséder un, tout comme son père. Enfant, il avait admiré ses routines matinales ; le soleil se reflétait alors sur la lame de on épée et hypnotisait le petit garçon qu’il avait été. Avant d’avoir l’honneur d’user d’une telle arme, Tokias aurait dû s’entraîner durant de nombreuses années pour prouver aux anciens qu’il en était digne.
Et soudain, il en avait un en sa possession. Sans avoir rien fait pour le mériter. La kageka n’avait pas été vaincue par lui. Il n’avait même pas pensé à récupérer son équipement.
Le manche était magnifique. Les lacets de cuir dessinaient des entrelacs complexes qui assuraient une meilleure prise de l’arme. La garde était couverte de motifs de fleurs et de symboles que Tokias ne reconnaissait pas. La lame avait de beaux reflets sombres. Elle paraissait si légère entre ses mains qu’il eut la sensation de pouvoir se blesser à la moindre inattention.
Avec peine, Tokias s’arracha à sa contemplation et rangea le katana dans son étui. Il la cala dans sa ceinture, resserrant le galon afin de s’assurer que le katana ne le gênerait pas quand il marcherait. Avec le même soin, il plaça le carquois dans son dos, puis installa l’arc. Rares avaient été les occasions à Heikô où il avait été obligé de multiplier les armes et il se sentait engoncé.
Ainsi paré, Tokias avait soudain les idées claires. Malgré les derniers évènements, leur objectif ne changeait pas. Ils devaient continuer de longer la montagne jusqu’à trouver un moyen de la traverser pour revenir en territoire allié.
Non loin, Eikichi observait le contenu de son sac avec un air dubitatif. Dans ses mains se trouvaient un tube et une boîte ronde qu’il étudiait, les sourcils froncés. Quant à Sekka, elle était assise, la tête basse. Surpris de la voir si inactive, il s’approcha et lui donna un léger coup dans le pied pour attirer son attention.
— Ça va ? demanda-t-il.
Sekka releva le visage.
— Pas trop, non.
Sa peau était d’autant plus blafarde à la lumière de l’aube pâle. Ses joues, rouges, étaient couvertes de pétéchies. De temps à autre, des tics nerveux agitaient sa tête ou ses membres. Tokias s’accroupit et posa la paume de sa main sur le front de sa sœur. La chaleur lui confirma qu’elle était fiévreuse.
— Qu’est-ce qui se passe ? demanda-t-il.
— Les Ryûka ne vont pas être notre seul problème.
Elle respirait de façon forcée, comme si elle luttait pour garder conscience.
— Qu’est-ce que tu veux dire ?
— La kitsune arrive…
— De quoi tu parles ?
Sekka ne répondit pas. Les yeux mi-clos, elle ne paraissait plus tout à fait là. Si elle se mettait à délirer, cela n’annonçait rien de bon. Eikichi s’avança à son tour. Il s’accroupit à ses côtés et approcha un baume du nez de la jeune femme.
— Qu’est-ce que tu fais ?
— C’est du camphre… je crois, dit-il sans assurance. Ça l’aidera peut-être à reprendre pied. Il faut qu’on trouve de l’eau pour calmer sa fièvre.
Soudain, Sekka ouvrit les yeux. Tokias fut soulagé de la voir plus éveillée.
— Cachez-vous… marmonna-t-elle.
À quatre pattes, elle s’éloignait sous le couvert d’un bosquet.
— Quoi ? demanda Eikichi.
— Planquez-vous, s’énerva-t-elle.
Son regard angoissé était braqué en direction de la canopée. Tokias et Eikichi échangèrent un air perplexe. Ni l’un ni l’autre n’avait détecté quoi que ce soit. Pour faire bonne figure, Tokias accorda une attention redoublée aux alentours afin de comprendre ce qui inquiétait à ce point sa sœur.
Le ciel passait peu à peu du gris aux orange-rosé et au loin des rapaces tournaient en quête de leur prochaine proie. Tokias s’impatienta.
— Qu’est-ce que… commença-t-il.
— Chut ! le coupa Sekka.
Un bruit léger, comme si le vent s’était levé, intrigua Tokias. Aucune brise ne remuait les feuilles autour d’eux.
Son cœur rata un battement quand il distingua la silhouette sinueuse qui évoluait telle une anguille entre de rares nuages.
Un dragon aussi grand qu’un bateau marchand les survola. De couleur gris-bleu, ses contours étaient par moment invisibles dans le ciel qui s’éclaircissait.
Le Clan était sur leurs traces.
La semaine prochaine, On retrouvera votre chouchoute, aka : Yumi !
Bonne journée et à vendredi prochain !
Akuma : un akuma (dans mon univers !) est un kageka qui se laisse dévorer par son yôkai. Il perd son humanité et se transforme parfois physiquement. Guidé par l'instinct animal , il ne fait alors plus la différence entre le bien et le mal.
Atsuko : concubine de Chiaki
bun : Le man bun vient de l'anglais et se traduit littéralement en « chignon homme ». Il est utilisé afin de décrire un homme aux cheveux longs avec un chignon sur l'arrière de la tête qui remonte vers le haut.
Chiaki : Daimyo de Tamura
Daimyo : Chef territorial, il a un pouvoir de justice, de politique et de représentation.
Haneki-dono : Grand Maître du Sanctuaire Nord d'Heikô
Hanko : (terme non inventé) ce sont des tampeau, des sceaux qui permettent d'identifier la personne qui a écrit un document. Cela remplace notre signature. Ils sont encore utilisés de façon courante aujourd'hui et nombreuses sont les familles qui en possèdent deux : un pour les documents très officiels (achats de maison, mariage) et un deuxième pour le quotidien ( signer un reçu pour le facteur...)
Hiragana : (terme non inventé) c'est un syllabaire japonais
Jubokko : (terme non inventé, mais légende réinterprétée) yôkai, arbre vampire, il a l'apparence végétale, mais se nourrit du sang de ses proies.
Kage : c'est le don que possède Eikichi et Tokias. Il leur permet d'insuffler un esprit yôkai dans leur ombre pour en faire usage comme d'une marionnette. Le terme est tiré du mot ombre en japonais.
Kageka : c'est un utilisateur du kage
Kasha : Yôkai qui a l'apparence d'un chat géant et dont plusieurs parties de son corps sont enflammées
kitsune : (terme non inventé, mais légende réinterprétée) yôkai, renard à la forme et la taille mouvante
kôjô : c'est le nom du ryû possédé par Yumi
Konazawa : ville où se trouve le Sanctuaire où ont été formé Eikichi et Tokias
Kotone : concubine de Chiaki
nekomata : yôkai qui ressemble à un gros chats. Il possède deux queue enflammée.
Nikô : ville portuaire à l'ouest de l'île où sont envoyés Riani et Ôdan
Ôdan : camarade de promotion de Tokias et Eikichi
Onibi : (terme non inventé, mais légende réinterprétée) yôkai ressemblant à un feu follet géant et kage de Tokias
Onigiri : boule de riz fourrée !
ryû : dragon (asiatique bien sûr !). Les individus sont très différents les uns des autres et ils possèdent des capacités différentes. Ils sont considérés comme éteints en Saneyama
ryûka : individus capables d'insuffler l'essence d'un dragon dans son ombre. Ce sont des kageka très rares et ils appartiennent tous au Clan Ryûka dont ils sont les membres les plus puissants.
Saneyama : île sur laquelle se déroule l'histoire.
Sekka : petite soeur de Tokias
Tamura : ville où se déroule la mission d'Eikichi et Tokias
Tomoe : (prénom japonais) nouvel aspirant kageka
Yukata : (terme non inventé) kimono en coton très léger qui, à l'origine, ne se portait que dans les bains publiques
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