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Cela faisait dix ans… Non ! Cela fait dix ans que je ne vais pas bien. Avec chaque année, l’espoir d’un renouveau qui ne vient jamais. Depuis le départ de maman, mes choix n’ont fait que refléter mes peurs et mes incertitudes. La peur de ne pas être à la hauteur, de ne pas être suffisamment douée, de ne pas être assez tout simplement. Depuis dix ans, la peur obscurcie chaque aspect de ma vie. Je crains la mort, la maladie, les accidents. Mais je redoute tout autant les autres : ma famille, mes amis, de parfaits inconnus. Et chaque mauvaise expérience laisse une empreinte si indélébile qu’une nouvelle peur incontrôlable émerge dans ma vie.

J’aimerais que cela ne soit pas ainsi, je le souhaiterai tellement. Mais je ne parviens pas à me battre contre mes émotions. Je n’ai jamais su.

Chaque année, j’ai essayé de me dire que celle-ci serait différente, que je serai différente. J’ai cherché à renier qui j’étais réellement, à tel point que désormais, me consacrer à ce que j’aime profondément est source d’angoisse. Je suis incapable de me laisser être qui je suis. Car jusqu’à présent, j’ai toujours été intimement convaincu que ce que j’étais ne suffisait pas, que je possédais tout un tas de défauts à corriger. Tu es trop sensible. Tu prends trop tout à cœur. Tu es trop émotive. Tu stress pour rien. Tu n’envoies jamais de message. Tu ne prends pas assez de nouvelles. Tu es distante. Tu parais froide par message. Tu n’es pas assez présente. Tu n’es pas assez courageuse. Tu ne comprends rien, tu es bête ou quoi ? Je me mets à côté de toi pour le contrôle, tu m’aideras, n’est-ce pas ? Tu es bizarre. Tu ne te mêles pas facilement aux autres. Bref, on s’en fou, parlons d’autres choses …

Le pire a été mes années de lycée, même si par certains aspects l’université n’était pas plus glorieuse. Gentiment chahutée pour être dans les premiers de la classe. Moquée de mon incapacité à jouer un rôle social qui ne m’intéressait pas. Réprimandée face à mon incapacité à comprendre les enjeux cruciaux de la vie des autres adolescents, à saisir les implicites, les attendus dissimulés derrière des paroles et des actes alambiqués. Puis, remplie de culpabilité de savoir, au fond de moi, que je m’en fichais, que mon intérêt n’avait jamais été sincère, qu’il avait toujours été forcé. Et parfois, dans un rare élan de confiance en moi, un fort ressentiment me brulait de l’intérieur. Mais bon sang ! Pourquoi ne pas dire les choses clairement ? Pourquoi ne pas m’expliquer ce qu’on attend de moi ? Pourquoi attendre que je le devine et oser me reprocher de ne pas avoir compris ? Pourquoi se faire des idées sur ce que je pense, par de stupides interprétations (complètement à côté de la plaque d’ailleurs), au lieu de me le demander directement ?

Mais voilà. Quand le monde autour de vous fonctionne tout autrement, ne seriez-vous pas convaincu que le problème vient de vous. Après tout, n’apprenons-nous pas que la majorité l’emporte ?

Je n’ai jamais pris de décisions en fonction de qui j’étais, mais par rapport à ce que je pouvais être, ou plus exactement, à ce que je pensais devoir être aux yeux des autres. Je voulais être quelqu’un de bien : une bonne amie, une bonne fille, une bonne sœur. Je voulais avoir le bon comportement, affronter toutes ces choses que je mourais d’envie de fuir, tout en tournant le dos à celles qui me faisaient vibrer parce qu’elles étaient irréalisables, utopiques. Et je n’ai pas vu. Je n’ai pas compris que je me construisais mon propre enfer. Je me suis imposée des conditions de vie ingérables, pour lesquelles je ne disposais pas des capacités nécessaires. Et à contrario, je ne peux pas m’empêcher de penser que je suis passée à côté d’opportunités dont j’aurais été finalement capable.

Durant toute ma vie, la société m’a renvoyé à la figure l’ensemble des mes insuffisances, de mes manques. Elle m’a reproché de ne pas être correctement ajustée. Elle m’a fait croire que c’était moi le problème. N’est-ce pas ironique d’ailleurs ? N’est-ce pas rageusement incohérent que la différence soit rejetée dans une société où être banal, comme les autres, peut être tourné en insulte ?


Texte publié par Misty, 16 septembre 2021 à 19h16
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