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6 Flamerule 1369 Année du Gantelet

Parvraidral tentait de maintenir un air faussement étonné mais il se réjouissait intérieurement.

Il se frottait les mains à l’idée de faire languir la délicieuse créature en face de lui, qui ne paraissait pas du tout ravie à l’idée de lui demander un service.

Car elles étaient toutes deux là pour faire appel à son aide, il l’avait tout de suite remarqué bien qu’il ne puisse pas deviner de quoi il s’agissait.

Il se contenta pour l’instant d’arborer un sourire de canaille pour le plaisir de voir Kariya sortir de ses gonds en dégustant cet excellent verre de vin du Tashalar.

-Hé ! Salut mes jolies ! Comment allez-vous en cette saison chaude ? Sachez que le plaisir de cette merveilleuse rencontre est partagé par votre Parvraidral adoré…

Tu devrais t’asseoir, Kariya, les sièges sont très confortables et tu ferais de moi le plus malheureux des genasis si nous nous quittions en mauvais termes déclara t-il sur un ton mielleux.

De plus, ils font de délicieux cocktails dans cet établissement, tu devrais goûter leur jus de plaquettes, il va te ravir tes nocturnes papilles rajouta t il de façon éhontée.

-Tu ne manques vraiment pas de toupet ! Et dire que tu t’appelles en réalité Parvraidral !

Non content de me laisser toute seule dans cette stupide crypte pleine de morts vivants, tu m’as menti sur toute la ligne concernant tes buts et qui tu étais vraiment…

Un vulgaire escroc tout juste bon à tenter de récupérer des trésors tout en regardant les autres combattre les monstres !

Oh mais laisses moi deviner…Tu avais peur de grossir les rangs de tes ptits namis nécromentaires et de devoir leur chanter pour toujours la complainte des flammes en ré mineur…

Seulement, dommage pour toi, tu n’as jamais pu mettre la main sur le grimoire de la magicienne Luruneal, à présent entre les mains de mon client.

-Tu devrais me parler plus respectueusement, Kariya, parce qu’à présent, j’hésite à vous aider, toi et cette jeune Rahina si ingénue…

Mais à propos de ce triste incident, tu sais aussi bien que moi qu’avec tes pouvoirs, tu pouvais facilement dominer ces êtres si attendrissants et leur prier de t’apporter n’importe quel objet magique sur un plateau tout en exigeant d’eux qu’ils forment une haie d’honneur devant toi…

Faisons ainsi table rase de ce passé tumultueux et venez-en aux faits car certaines affaires pressantes m’attendent en dehors de cette merveilleuse auberge.

-Je veux bien faire un effort, PARVRAIDRAL, mais c’est bien en mémoire d’Hazirina que j’y consens.

Nous avons trouvé un carnet rédigé en langue inconnue chez ma défunte amie et tu sembles malheureusement le seul pour l’instant à pouvoir nous en révéler la signification.

-Il s’agit peut être d’un code pour masquer des informations dangereuses et j’ai beau avoir beaucoup voyagé, il est possible que je ne sache pas le déchiffrer dit Parvraidral d’une voix sombre.

La mort de G…hum d’Hazirina m’a bouleversé mais avec mon activité de commerce de parfums, je n’ai pas vraiment eu le temps de m’appesantir sur la situation murmura t-il presque pour lui-même la mine troublée.

Kariya posa prestement le fameux carnet sur la table et Parvraidral le saisit puis essaya de le déchiffrer à voix basse.

Il prit un air estomaqué quand il découvrit que ce dernier était rédigé en igneux, la langue pratiquée par les élémentaires de feu, les effreet et les salamandres.

Peu d’êtres savaient parler ce langage, encore moins le lire et l’écrire.

Sa fierté de genasi en prit un coup, de simples mortels sachant utiliser une langue aussi subtile lui paraissant une aberration.

Suite à cette découverte stupéfiante, il entreprit de le traduire aux deux donzelles en face de lui.

A l’attention d’Hasrin, héritier de la famille Ulutiamar

Mon bien aimé, tu redoutes la jalousie de ton frère cadet qui aimerait accélérer la succession de ta chère et noble famille.

Je crois que j’ai trouvé un moyen pour te garder de ses éventuels assauts malencontreux.

Ce jeune idiot se croit rusé mais il n’a pas prévu que l’amitié d’une femme te mettrait à l’abri de sa cupidité maladive.

Cependant, pour que cette aide ne soit pas sans retour, j’aurais besoin que tu contactes ton vieil ami de la guilde des voleurs car on a fouillé dans ma chambre ces temps derniers, et tes relations me paraissent rudement bien placées pour coincer l’intrus se permettant un tel comportement.

Ta douce Hazirina au cœur très aimant.

Nota bene : agis en toute discrétion car j’aime mon confort et toi le tien.

Cette lettre constituait un véritable brûlot et Parvraidral lut ensuite la deuxième lettre.

A l’attention de Jilliengard, Maître du cœur brisé de la liberté

Comme il me tarde de te revoir, mon cher Jilliengard…

Tu es le seul en qui j’ai confiance dans cette ville qui m’a accueillie il y a de cela des années.

J’aimerais que tu conserves soigneusement les papiers que je vais te confier car je suis de nouveau en danger, j’aurais dû me douter que je leur servirais d’appât.

Nul ne peut échapper éternellement à son destin, c’est déjà un véritable miracle si j’ai survécu aussi longtemps et je ne peux t’en dire trop, ce serait manquer de gratitude envers toi.

Les papiers dont je te parle jetteront un sacré trouble s’ils sont découverts et je ne souhaite pas mettre en péril d’autres vies, les cacher chez toi me paraît la meilleure option, ma chambre étant la proie de fouineurs depuis quelques semaines déjà.

Notre relation étant inconnue des habitants de Suldolphor, on ne viendra donc pas entamer des recherches chez toi.

Ton amie très chère, que nos âmes se retrouvent à présent par delà la mort.

-Ainsi, Hazirina se savait menacée !

Moi qui la croyais simplement soucieuse…Quelle naïveté ! s’exclama Rahina.

En revanche, je ne vois pas qui pourrait être ce Jilliengard, je ne connais aucun noble de ce nom.

-Apparemment, la lettre à l’attention d’Hasrin est plus ancienne que celle rédigée à l’attention de Jilliengard, car son désespoir se fait croissant souffla Kariya.

J’aimerais bien savoir d’où elle vient même si elle ne me l’a jamais avoué.

Il faut absolument que nous retrouvions cet Hasrin.

N’auriez-vous pas une idée, Parvraidral et Rahina ? demanda t-elle avec empressement.

- Hasrin est le principal héritier d’une famille marchande avec qui j’ai de bons rapports commerciaux.

En ce moment, ils m’achètent beaucoup de parfums pour le futur mariage de leur fils cadet avec une des filles du gouverneur de Suldolphor fit Parvraidral.

Je crois que nous devrions faire un saut à la soirée organisée le 8 Flamerule.

Les deux jeunes femmes se regardèrent d’un air de connivence.

Apparemment, tout ce petit monde avait eu la même idée.

D’un commun accord, Kariya et Parvraidral se donnèrent rendez-vous au sein de la boutique de ce dernier vers la fin de l’après midi, située au sud est de Suldolphor.

Personne ne remarqua la silhouette encapuchonnée quelques tables plus loin qui avait entendu l’essentiel de leur conversation.

Le jeune mage se réjouit intérieurement, il n’aurait plus qu’à les cueillir quand cette bande d’imbéciles serait en possession de ces documents compromettants.

Cela aura été trop facile et son idéal serait définitivement en sécurité.

Rahina proposa à Kariya de rejoindre le temple de Sharess pour qu’elles puissent dire adieu une dernière fois à leur amie commune, dont le corps avait été déposé dans la salle souterraine du lieu de culte.

Plus tard, dans l’endroit le plus secret du temple de Sharess

Un petit autel destiné à la déesse se situait au cœur d’une alcôve sur lequel des offrandes avaient été déposées afin de faciliter le passage de la grande prêtresse vers l’autre monde, mais du corps de cette dernière, nulle trace n’était visible.

Elle semblait s’être totalement volatilisée, au grand désarroi des deux jeunes femmes.

-Où ont-ils bien pu la mettre si elle n’est pas là ?

Tous les suivants de Sharess sont placés ici à leur mort pour les préparer avant leur ensevelissement.

Vraiment, je ne comprends pas…gémit Rahina dont l’incompréhension lui faisait se tordre les mains.

-Il y a sûrement une explication plausible à la « disparition » du corps d’Hazirina répondit Kariya de manière posée.

Du reste, j’ignorais que Sharess accordait à ses serviteurs le pouvoir de disparaître à loisir…

N’aura-t-on pas pu l’emporter ailleurs ?

Elle tentait d’arborer un masque détendu mais c’était pour ne pas se retrouver comme une petite chose fragile telle que Rahina, elle était en réalité vraiment inquiète.

-Comment peux-tu conserver un air si calme après une telle découverte ? Et puis, elle n’avait pas vraiment d’amis, en dehors des prêtres de Sharess.

Il va falloir leur annoncer cela…D’abord, la mort d’une amie, puis ensuite la disparition de son corps cria Rahina en cachant son visage entre ses mains.

Je crois que cela fait un peu trop pour une seule journée !

-Je te crois volontiers, nous sommes toutes deux accablées par la mort d’Hazirina et ta chambre constituera un lieu plus agréable pour deviser entre vieilles connaissances répondit Kariya d’une voix doucereuse.

En plein cœur de l’après-midi, dans la chambre de Rahina

La jeune suivante de Sharess s’était avachie dans un fauteuil de velours rose et tentait de ne pas faire une crise de nerfs en respirant le plus lentement et régulièrement possible.

Les yeux plein d’un mépris contenu, bien qu’abasourdie elle aussi par la disparition du cadavre de son amie, Kariya toisait discrètement la pauvre chose éplorée en face d’elle, qui avait espéré faire chanter Hazirina.

Bien sûr, elle-même avait fouiné dans les affaires d’Hazirina mais c’était pour une cause légitime, non ?

Un tel comportement l’insupportait et elle avait hâte de se débarrasser de cette gredine de Rahina.

A présent, elle en savait assez pour continuer de mener son enquête sans son aide.

Le moment vint quand Rahina se servit un verre d’eau puis le posa sur la commode à côté du fauteuil sur lequel elle était assise, tellement sa gorge était nouée.

Avec son expression hagarde, elle ne vit pas Kariya glisser subrepticement un extrait d’illusion de Lomat, qui rendait la victime complètement paranoïaque, se croyant épiée et surveillée en permanence.

Ainsi, elle verrait ce que cela faisait d’espionner les autres et de vouloir les faire chanter ensuite.

Cette substance n’avait aucun goût et agissait environ une heure après administration, parfait pour que Kariya parte pour le rendez-vous avec ce vaniteux de Parvraidral.

Au bout d’un quart d’heure, avant même que cette cruche boive la mixture, elle fut prise de violentes convulsions et tomba au sol.

Kariya n’eut même pas le temps d’intervenir, la jeune prêtresse fut totalement inconsciente.

La vampire alla dans le couloir, héla une autre suivante de Sharess qui se précipita au chevet de Rahina.

La suivante assura Kariya qu’elle s’occuperait de sa compagne en lui procurant des soins , Rahina étant encore livide.

Dans le quartier des marchands, au sud-est de Suldolphor

Kariya attendait patiemment devant le comptoir de la parfumerie du débonnaire genasi de feu, qui était en pleine négociation avec un jeune homme originaire d’Elversult souhaitant une baisse des prix de la marchandise presque déraisonnable.

Ce dernier finit par sortir le visage un peu défait de n’avoir pu obtenir la remise qu’il voulait.

Parvraidral l’accueillit à bras ouvert et l’entraîna dans l’arrière boutique, constituée d’un petit salon meublé de divans moelleux bordés de tissus aux riches couleurs en provenance d’Amn et de nombreuses plantes de la jungle de Chult, dont la très rare fleur écarlate dotée d’après les rumeurs de propriétés miraculeuses.

Ils s’assirent et entamèrent une âpre conversation.

-Bienvenue dans ma modeste demeure, Kariya.

J’avoue avoir été très surpris de te voir en compagnie de cette Rahina, certes agréable compagne nocturne, mais d’une ânerie à faire pâlir!

J’imagine que, comme à ton habitude, tu t’es servie d’elle pour obtenir des informations sur ce qui t’intéresses.

Ne mens pas, ce n’est sûrement pas la première fois que tu utilises quelqu’un, bien que tu m’aies fait incarner le mauvais rôle à l’auberge tantôt.

Toi et moi sommes dans la même situation, je désire autant que toi en apprendre plus sur une amie commune…

-Vraiment ? Tu n’avais pas l’air de fréquenter tant que cela le temple de Sharess pourtant…

Et saches que ton hésitation de tout à l’heure n’est pas passée inaperçue.

Tu savais qu’elle s’appelait Gellana Malaergost et tu t’es repris parce que l’autre idiote m’accompagnait.

Etant son amie intime, je sais qu’elle ne t’aurait jamais accordé un regard et je la vois mal ayant des contacts commerciaux poussés avec toi.

Deux solutions s’offrent donc à toi :

*Tu m’expliques quels étaient tes véritables liens avec notre « amie commune » et nous tentons de découvrir ce qui a bien pu se passer, ce qui implique que nous intégrions en équipe la petite sauterie qui aura lieu le 8 Flamerule afin d’obtenir un galant entretien avec Hasrin.

Tu paraissais sincère en déclarant ne pas connaître ce Jilliengard.

*Tu décides de faire ta tête de troll borné des montagnes et tu me déguises beaucoup de détails à tes risques et périls sachant que je suis assez bonne ensorceleuse pouvant te faire regretter la simple idée de venir me manipuler.

Elle comptait bien évidemment garder pour elle le fait que le corps de son amie avait disparu, ne voulant pas laisser trop de cartes entre les mains de l’impétueux Parvraidral en qui elle n’avait pas la moindre confiance.

-Je te comprends, Kariya, mais je préfère te dire tout de suite que certaines explications auront lieu en temps voulu, surtout que j’ignore qui a concrètement tué Gellana.

Son assassin est probablement un agent envoyé par quelqu’un de très puissant, qui ne pouvait pas se permettre de la laisser en possession d’informations inquiétantes et l’a supprimée pour la faire taire…

En revanche, je suis entièrement disposé à te faciliter l’entrée à la soirée organisée par le gouverneur.

Je veux bien devenir ton allié mais il vaut mieux que tu sois prudente, car d’après ces deux lettres, Gellana s’est soit fait tuer pour des raisons d’héritage au sein d’une riche famille calishite, auquel cas, tu pourras facilement te défendre.

Soit, comme je le crains fort, d’autres intérêts plus vastes sont en jeu, et n’importe qui pourrait nous espionner et tenter de nous tuer à notre tour.

Kariya ne l’aurait jamais admis à voix haute mais Parvraidral commençait à remonter d’un cran dans son estime, et à l’intriguer.

Leur alliance forcée ne serait pas une si mauvaise chose après tout…

-Ton raisonnement s’avère assez valable et je suis prête à sceller un accord temporaire avec toi, à la moindre entourloupe, tu sauras que la vengeance n’est pas un vain mot.

-Je n’en attendais pas moins de toi, ma douce, et je te promets une collaboration fructueuse.

Parvraidral ne put finir sa phrase car une jeune femme aux cheveux blancs ondulés flottant au vent dotée d’une peau et d’yeux bleus entra d’un air distant et toussota discrètement.

-Je sais qui est le Jilliengard dont vous parlez depuis un moment.

Le joindre ne sera pas chose aisée pour vous, encore moins de le convaincre de votre bonne foi, ceci dit, sans vouloir te vexer, mon époux bien aimé dit-elle en fixant Kariya d’un regard réfrigérant.

La nouvelle venue n’eut pas le temps de continuer la discussion car trois marids apparurent dans la pièce, déterminés à les attaquer suivi d’un humanoïde ressemblant à une statue brandissant une épée courte, qui s’agrippa violemment à cette dernière.

Les trois marids commencèrent à donner des coups dans le torse de Kariya à l’aide de leurs perches et la vampire, bien que stupéfaite de la rapidité de l’attaque, leur jeta une grosse boule de feu afin de les blesser grièvement car elle n’était pas sûre de pouvoir les contrôler par sa puissance vampirique.

Parvraidral, grâce à sa magie élémentaire naturelle, parvint par ailleurs à les ligoter avec des liens de feu puis leur envoya une onde brûlante qui les consuma de l’intérieur.

Il se précipita ensuite aux côtés de sa femme pour tenter d’abattre l’espèce d’humanoïde métallique qui semblait résistant à la magie du feu et au dernier moment, alors qu’une grosse entaille barrait le bras de la conjointe de Parvraidral, le monstre disparut.

Cette dernière se pelotonna dans les bras de son époux, visiblement en état de choc.


Texte publié par Grisélidis80, 10 octobre 2021 à 15h21
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