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Elle est là, encore une fois. Dans cette petite grange abandonnée mais qui lui suffit amplement à s’y réfugier. Fuir ses parents, ses “amis”, cette vie… Merde, 17 appels manqués de papa. Quelle heure est-il ? 21h42. Déjà ? Le temps passe vite quand elle pense à sa vie, son insignifiante vie, quand elle lui cherche un sens, une raison d’être. Pourquoi se lève-t-elle le matin ? Pourquoi vit-elle ? Toutes ces questions qui trottent en permanence dans sa tête, attendant des réponses qui ne sont jamais venues et ne viendront sûrement jamais. 22h07. Enfin rentrée, elle demeure là, au milieu du salon, entre les hurlements de son père et les pleurs de sa mère. Une nouvelle fois elle se fait engueuler et une nouvelle fois ça n’a aucun sens pour elle. Pourquoi ne pas ouvrir le dialogue ? Pourquoi ne pas sortir de cette relation infernale dénuée de sens pour elle ? Pour qu’elle puisse enfin leur faire part de ses inquiétudes, de ses questions, du monde qui l’entoure… Mais non, ce cercle redoutable ne se brisera vraisemblablement jamais. Elle est seule, comme toujours, bien qu’elle ne s’en soit pas rendue compte auparavant, elle n'a personne sur qui compter, personne qui tient à elle, personne qui l'aime… Trop de peine, trop de douleurs pour elle. À quoi sert donc tout ça ? Tous ces sourires forcés, ces regards pleins de jugement qu’elle a dû encaisser sans jamais feindre ou se plaindre. Elle n'est pas elle. Un corps derrière un masque, mais ce masque, rué de coups, commence à céder et bientôt sa personne va leur apparaître. Sa vraie nature enfin dévoilée au grand jour. Peut être à son insu, ou peut être l'avait elle toujours voulue mais n'avait jamais osé. 02h46 affiche ton réveil. Putain, ça prend du temps de se lamenter. Elle ferme les yeux. Secrètement en train d'essayer de remonter le temps, elle s'endort. Enfin. 06h18, son réveil sonne. Une douche pour essayer de ressembler à quelque chose et direction le petit-déj. Et merde, y a plus ses céréales, sa mère a décider qu’il était temps de passer au bio, à des choses plus saines. Sérieux ? Son seul petit plaisir du matin, enlevé. Le seul bio qu’elle aime, c’est à fumer. Elle enfile un jean, un pull, comme d’habitude. 7h20, elle attend dans le froid, à l'arrêt de bus. Le vent frappe sur ses joues si fort qu’elle ressent un picotement. C’est désagréable, mais, ce mal lui fait oublier celui qui réside en elle. 7h24, le bus arrive, enfin. Elle rentre dedans et va se loger, seule, sur une demie-place, comme à son habitude. Après trois bon quarts d’heure de route, elle se retrouve là, aux portes de l’enfer, aussi appelé “lycée”. Dans les couloirs, tout le monde la fixe. Une bête foire, voilà ce qu’elle est. En même temps elle les comprend, à leurs places, elle les regarderai de la même façon. Sa vie est merdique, elle était merdique et sera merdique. Elle ne sait pas si le fait d’avoir accepté cette triste réalité est bien ou mauvais. Dans un sens, l'accepter lui permet de ne plus espérer, de ne plus trop rêver et donc de ne plus souffrir mais juste de vivre, sans bonheur certes, mais sans malheur. Mais d’un autre côté, l’avoir si facilement accepté n’est-ce-pas renoncer à la lueur d’espoir si fine mais tout de même réaliste d’une nouvelle vie, d’un possible départ à zéro. 8h15, première heure de cours, physique - chimie... S'ensuit maths... Puis sport, sans commentaire. Sa matinée se termine par histoire : enfin une matière qu’elle aime, enfin une matière qu’elle comprend, des faits compliqués mais organisés de manière simple. A la pause, cette pétasse de Lilly vient la voir. Après lui gueuler dessus qu’elle devrait fermer sa gueule, après avoir rigolé comme une pouffe avec ses supporters et après lui avoir dit que Louis se porterait bien mieux si elle était morte, après tout ce mal, Lilly et sa bande de petites pétasses sont repartis. Louis c’est le garçon qu’elle aime. C’est un peu niais mais c’est vraiment une des raisons qui la pousse à se lever le matin. Vous vous en doutez peut-être mais Louis c’est le petit frère de Lilly, cependant ce n’est pas ce lien du sang qui les associe. Au contraire, au lycée ils paraissent comme deux étrangers, cette relation forcée opposant une reine de la nuit, à un garçon solitaire, timide maladif, mais d’une extrême gentillesse. Ce sont ces petites caractéristiques qui l'ont fait craquer. Même si elle sait que Lilly ne lui a dit ça que pour la blesser, la perturber, la déstabiliser, elle ne peut s'empêcher de se demander s’il y a une part de véracité dans ce qu’elle a dit. Et si Louis avait parlé à sa sœur, et si Louis lui avait fait part de ses sentiments et que Lilly, malgré son apparence de mégère et son cœur de pierre, avait cherchée à protéger son petit frère. C’est trop pour elle, elle ne s’en remet pas, les “et si... “ ne veulent pas sortir de sa tête. Une des seules choses, voir la seule chose qui la réveille le matin, qui la pousse à aller en cours, qui la force à continuer de vivre, est soudainement remise en cause par une seule phrase : “Louis se porterait bien mieux si tu serais morte”... Ces mots mis bout-à-bout la font craquer. Tant pis pour les cours restants, elle court se réfugier aux toilettes, s’enferme dedans, commence à pleurer sans pouvoir s'arrêter. Comment de simples mots peuvent tant la faire douter d’elle-même ? Après quelques minutes elle aussi commence à se dire que tout le monde se porterait mieux si elle était morte. Ces pensées commencent à la ravager de l’intérieur. Sans s’en rendre compte, elle s’évanouit, elle n’a plus aucune conscience de ce qui l’entoure. 22h14, elle se réveille, elle observe les traces qu’elle a aux mains, mais qu’est ce qui s’est passé ? Un mal envahit sa tête si fort qu'il lui devient impossible de penser. Après quelques minutes de supplice, elle commence à se souvenir, ses tourments lui reviennent. Ces marques sur sa main sont dues aux morsures qu’elle s’inflige. Pour compenser son chagrin, elle se mord les mains parce qu'un mal physique fera toujours moins de peine et de dégâts qu’un mal moral. 22h28. Il serait peut-être temps de penser à rentrer. Elle commence à doucement se relever, puis elle ouvre la porte des toilettes. 3 bruits de pas. Est-ce les siens où n’est elle pas toute seule ? C’est sûrement la fatigue, rien ne sert de paniquer. Elle avance et se retrouve face au miroir. Au même moment la lumière du couloir s’allume, elle peut le voir par le dessous de la porte. Encore perturbée, elle ne sait pas trop comment réagir. Il y a t il vraiment quelqu’un dans le lycée ? Est-ce du personnel ou un étranger ? A-t-elle le droit d’être dans le lycée à cette heure ? Que faire ? Se cacher ou aller faire face ? 4 bruits de pas. Pas le temps de réfléchir, elle doit se dépêcher. Elle ne peut pas passer sa nuit dans les toilettes du lieu qu’elle hait le plus sur terre. Après avoir pris son courage à deux mains, elle met la main sur qui donne sur le couloir quand au même moment elle entend un bruit métallique, suivi de l’extinction de la lumière. Ce n’est pas possible. Qui est là ? Est-ce encore une mauvaise blague ? Elle n’est pas sûre qu’elle supporterait une autre humiliation. C’est bon, elle prend son courage à deux mains, elle ouvre la porte. Après quelques pas dans l'obscurité, elle distingue une silhouette au loin. C’est bizarre mais elle ne prend pas peur bien qu’elle ne reconnaisse pas la personne qui se tient face à elle, elle se sent à l’aise. Prise d’un élan de curiosité, elle se précipite sur l’interrupteur. Soudain, Alex apparaît au loin. Elle est submergée d’une vague d'émotions, elle se retrouve prise au dépourvu. Et, sans s’en rendre compte, ses jambes commencent à courir vers lui. Il est à 13 mètres. 10 mètres. 6 mètres. 3 mètres. Elle se rapproche dangereusement de lui mais ses jambes ne lui répondent plus, elle continue à toute vitesse. 1 mètre. Comment faire pour s'arrêter ? Cette histoire va forcément mal finir se dit-elle. 50 centimètres. Comme un réflexe ses jambes sautent, et elle se retrouve dans ses bras, Alex la porte. Pendant une fraction de seconde elle l’a l’impression que ses problèmes s’évaporent. Elle se sent si légère contre son torse, si protégée. Au bout de quelques secondes il la repose. Elle est si contente de le voir ici, devant elle. Elle n’est enfin plus seule. Elle commence à s'asseoir dans le couloir invitant Alex à faire comme elle. Ils commencent à discuter. Chacun déclamant ses tourments à l’autre. Ils se comprennent. 00h47. Après quelques heures d’explications, Alex avoue lui avoue la raison de sa venue. Depuis tout ce temps, elle était si contente de ne plus être seule qu’elle a complètement oublié de lui demander pourquoi il était là. Au moment de cette explication son visage prend une toute autre tournure. Elle commence à paniquer. Pourquoi cet air si sérieux ? Sans dire un mot, il se dirige vers les salles de laboratoire. Piquée par sa curiosité et en quête de réponses, elle le suit. Devant la salle L107 ils trouvent un bidon d’essence. En un regard elle comprend le plan d’Alex : faire brûler ce lycée. Elle ne l’aime pas ce lycée, elle le déteste, mais au point de le brûler ? Il lui prend le poignet, la regarde dans les yeux et lui dit : "Fais-le avec moi ! T’en meurs d’envie autant que moi ! Dis moi une chose de bien que t’as apporté ce lieu de malheur !”. Ses sentiments se contredisent. D’une part, elle n’est pas une criminelle, même si cet endroit ne représente que désespoir pour elle, il peut signifier bonheur ou refuge pour bien d’autres. Mais d’un autre côté, une rage l'envahit, elle a tellement souffert, elle n’a jamais toléré les comportements de ses camarades mais a toujours dû les supporter sans jamais trahir un signe de faiblesse, d’épuisement. Elle n’en peut plus. Elle regarde Alex dans les yeux et rentre dans une sorte de transe. 01h26. Elle est là, devant le lycée, dans le froid, les yeux rivés sur le feu qui commence à attaquer les charpentes, lorsqu’elle se rend vraiment compte de ce qu’elle a fait. Un moment de panique l'envahit. Alex lui prend la main. Son pouls redescend. Tout va bien. Elle devrait fuir en courant mais elle ne sait pas pourquoi, elle se sent obligée de rester. Elle doit admirer ce lycée en destruction après que lui l’ai tant détruite. 01h32, le toit s'effondre. 01h35, les vitres explosent. 01h51, le bâtiment A tombe en ruines. 01h53, la police arrive. Mince, elle avait oublié ce détail. Prise dans sa folie ravageuse, elle n’avait pas une seconde songer aux conséquences. Comment expliquer la situation aux forces de l’ordre ? Comment prouver son innocence alors qu’elle a les mains recouvertes d’essence ? C’est simple, elle va tout simplement dire la vérité en expliquant que c’est Alex qui l’a poussée à faire ça. 01h55, la police les interpelle. 01h58, les pompiers arrivent. C’est déjà presque trop tard, les trois étages des bâtiments B et C sont en train de partir en cendres, s'éparpillant sur tous les spectateurs. 02h06 , une voiture de police les emmène au commissariat. En plein milieu de la nuit, sans s’être lavée ou quoi que ce soit, elle se retrouve en garde à vue, puis questionnée par deux policiers. Elle ne sait pas si c’est l’effet de la fumée de l’incendie qu’elle a respirée ou du joint qu’elle s’est fait 3 minutes avant que les forces de l'ordre arrivent mais à ce moment elle n’a peur de rien, au contraire elle se croirait même dans un film. “Qu’est ce que vous faisiez à une heure pareille devant le lycée en feu et avec des traces d’essence sur les mains ?”. Elle ouvre la bouche, s'apprête à leur expliquer, mais sans comprendre ce qui lui arrive, elle se retrouve dans l’incapacité de prononcer un seul mot. Sa voix est comme bloquée, elle ne peut plus rien dire. Elle essaye, mais en vain. Son corps se refuse à la livrer si facilement. Un sentiment bizarre l'envahit. D’un coup elle a l’impression que son âme quitte son enveloppe corporelle. Elle se retrouve à flotter dans la salle. Soit elle tombe en pleine démence, soit c’était de la vraiment bonne qualité de chanvre. Elle se pose et prend le temps d’analyser. Face à elle deux personnes : elle distingue une mère de famille qui a deux filles d’environ sept et douze ans grâce à la photo sur le bureau. Une femme approchant de la cinquantaine et qui est tiraillé entre l’amour de son travail, la passion qu’il lui procure et les cas désespérés auxquels elle fait face, devant se résulter au fait qu’elle ne pourra rien faire pour eux. Il faut qu’elle mise sur elle, la mère de famille doit être la plus empathique des deux, la plus compréhensible. Son collègue, un homme approchant de la retraite, sûrement plus gradé qui lui n’a pas l’air commode. Arborant un visage neutre, on peut tout de même voir paraître quelques signes d’agacement de la situation chez lui. Ça va être compliqué de s’en sortir pense-t-elle mais à ce moment elle songe à Alex, il est dans la même situation qu’elle, il doit aussi s’en sortir. Elle n’a pas le choix, elle doit donner le meilleur d'elle-même. 02h09, le policier réitère sa question. Elle reprend ses esprits. Elle commence alors à raconter sa version des faits dans les moindres détails. Au moment où elle aborde sa retrouvaille avec Alex le policier la coupe, mais elle ne peut pas s’arrêter, un flot de parole débite entre ses deux lèvres en continu. Elle est prise dans la folie de cette histoire, à la limite de l’hystérie. Elle ne se contrôle plus. Les policiers tentent de la couper mais elle parle plus fort pour couvrir leurs voix. Rien ne peut la stopper. Emprisonnée dans sa propre frénésie, elle ne sent plus son corps. Sans qu’elle ne s’en rende compte, les larmes commencent à couler sur ses joues. Pour la première fois depuis longtemps, elle a peur. Peur de ce qu’il va se passer, peur du futur, peur de son avenir, peur de ce qu’il va lui arriver. Avant qu’elle ne puisse finir, une autre personne entre dans la pièce, lui prend délicatement le bras, elle continue en vain à raconter ce qu’elle a à dire. La policière se lève également et les accompagne. Elle ne comprend pas ce qu’il se passe. Pourquoi l’emmène-t-on ? Qu'a-t-elle encore fait de mal ? Elle ne s’en était pas rendue compte mais l’humeur du commissaire avait changé. Il semblait si triste. Elle le regarda dans les yeux, avec désespoir, lorsqu’il lui dit “ça va aller”. Ce n’était pas ça qu’elle voulait entendre. Qu’est ce qui va aller ? Pourquoi fait-elle du mal à toutes les personnes qui l’entourent ? Pourquoi n’arrivent-t-elle pas à être normale ? 02h53. Elle se retrouve seule dans une chambre à barreaux. Malgré sa fierté, à ce moment, elle ne peut s'empêcher d’appeler à l’aide. Elle crie à se tuer la voix. 03h49, épuisée, elle s’endort au milieu de ses sanglots. 08h42, une voix familière lui murmure à l’oreille. Les yeux encore fermés, la tête encore dans le brouillard, elle reconnaît cette voix. Sans avoir le temps, ne serait-ce que de la regarder, elle exprime sa joie et son soulagement. Maman ! En moins d’une seconde, elle se retrouve dans ses bras. Elle sait pertinemment que leur relation n’est pas à son apogée en ce moment mais elle doit bien admettre qu'à cet instant, à cette minute, à cette seconde, sa présence la rassure. Mais cet épisode de paix n’est que bref puisque tout à coup, elle se remet à réfléchir, elle repense à Alex. Elle explique la situation à sa mère : “Il faut le libérer ! Personne n’est là pour lui ! Maman il le faut ! Je t’en supplie !”. Sa mère tente de rester impassible et fait mine de ne pas l’écouter, alors, pour contrer cela, elle se met à parler encore plus fort ! à crier ! Sa mère lui prend la main, remercie le policier, la sort du commissariat, la fait rentrer dans la voiture, démarre le moteur et rentre à la maison. Prise au dépourvue, elle se retrouve là, enlacée par sa ceinture de sécurité, sans se rendre compte de ce qu’il se passe, comme un réflexe, elle commence à crier son nom : “Alex !”. Elle continue à se tuer à la voix, un torrent de larmes se déverse sur son doux visage. Elle tourne la tête et regarde sa mère, sa responsabilité est de protéger sa fille, alors elle essaye de ne rien faire paraître mais l’adolescente arrive à distinguer les petits signes qui lui prouve qu’elle aussi est au bord du gouffre. Elle s’en veut. Le lycée, le policier, Alex, sa mère. Comment fait-elle pour blesser tout ce qui se trouve proche d’elle ? Elle arrête de pleurer. Sèche ses larmes. Et, s'enfouit au fond d'elle-même, dans sa carapace. Ce qui l’entoure ne lui importe plus, elle est de nouveau seule… 9h05, elles arrivent à la maison. Ses parents essayent de lui parler. Entre colère, tristesse et peur, entre cris, hurlements et sanglots, toute la famille est perdue. Elle n’écoute pas, ce n’est pas faute de vouloir mais elle n’arrive à pas à les entendre, elle est plongée tellement profondément au sein de ses propres entrailles, de son propre esprit, elle se retrouve dans les abîmes de son âme. Voyant l’état de leur fille, ils cessent brusquement de parler. Ils estiment que le repos est la meilleure solution. Elle va dans sa chambre, ferme la porte et s’écroule sur son lit. 23h16, elle se réveille. Elle a dormi quatorze heures. Elle se lève, une forte migraine l'envahit. Elle ouvre la porte de sa chambre, tournée vers le salon, elle fait quelques pas dans le couloir. 23h18, elle croise le regard de ses parents. Elle comprend qu’il est temps d’avoir une discussion, un échange constructif, ce dialogue dont elle a tant rêvée inconsciemment.

6 jours se sont écoulés depuis l'événement. 07h28, Elle est là. Sereine dans le bus, debout après avoir laissé sa place à une jeune femme enceinte, sa musique dans les oreilles, volume au maximum pour couvrir sa voisine au téléphone, l'enfant qui pleure, ou encore la radio. Elle ferme les yeux et imagine, imagine un monde sans maladies, sans pauvreté, sans malheur... Elle regarde par la fenêtre, voit défiler les voitures, une Renault rouge, une Clio grise, une camionnette blanche apparaît au loin. 07h34, la camionnette blanche leur rentre dedans, de face, à 92 km/h, sur la D817. Les vitres explosent. Elle tombe par terre. Le sol frappe sa tête. Le verre se mêle à sa peau. Après quelques secondes d'inconscience elle se réveille, le visage en sang, elle ne sent plus sa main gauche, mais ce n'est pas le plus important. Elle se relève et se précipite sur la femme enceinte, elle a l'air de bien aller, peut être un léger trauma-crânien mais cela s’arrête là : heureusement qu'elle lui a laisser sa place pense-t-elle. 07h41, après s'être occupé de la future mère, elle se souvient de l'enfant qui pleurait. Elle n'entend pas ses hurlements. Il n'y a pas de hurlements. Elle traverse le bus à sa recherche. Un cri résonne dans ce qu’il reste du bus. On entend plus aucun bruit. Elle se retourne. Regarde la femme en détresse qui vient de hurler comme si on lui arrache le cœur. C’est la mère de l’enfant. 07h42, elle court vers elle. Le petit garçon de 4 ans est devant elle. Bien que gisant sur le sol, une flaque de sang l’entourant, elle se jette sur lui. Elle cherche, elle cherche absolument tout qui pourrait lui montrer un signe de vie. Une respiration, un battement de cœur, un doigt qui bouge, mais elle ne trouve rien. Après 6 jours à se battre contre la dépression, 6 jours à se battre pour ne pouvoir qu'effleurer le bonheur, 6 jours à se battre pour apprendre ce qu’est l’espoir, 6 jours à se battre qui partent en fumée aujourd’hui… 08h21, elle se retrouve près de la rivière de son enfance. Elle ne sait plus très bien comment elle est arrivée là, tout son esprit est confus. Tout lui revient en tête, tout ce qu’elle s’était forcée à oublier : la grange, Louis, le lycée, la drogue, les questions sans réponses, le policier, sa mère, et l’enfant mort. Elle est persuadée de perdre la tête. Mais à ce moment, lorsqu’elle pense que toute espérance est éteinte, elle le voit, son sauveur. Ils courent l’un dans les bras de l’autre. Elle commence à se dire que le destin existe peut-être. Son simple regard la réconforte. Alex. Il la prend par la main, ils se lancent dans une balade pour qu’elle puisse lui raconter ce qu’il s’est passé. Prise au piège par ses émotions, les larmes lui viennent aux yeux lors de son récit. Sans s’en rendre compte, ils arrivent jusqu’au pont qui surplombe cette rivière, Alex la fait monter sur le bord du pont, et sans une seconde de doute, la pousse dans le vide, l’entraînant dans une chute de 72 mètres de haut. Mais Alex, il n’a jamais existé, du moins pour moi, pour vous, mais pour elle, il l’a conduit à la mort. 08h39, elle est morte.


Texte publié par Les Plumes exogènes, 6 juillet 2021 à 11h52
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