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Mes pensées noirs se font de plus en plus intrusives. Chacun de mes pas est rythmé par une de ces pensées. Pied droit. Lui aussi aimait la fraicheur d’hiver. Pied gauche. Elle s’infiltrait dans sa chair pour caresser son coeur. Pied droit. Il le répétait tous les jours avec le sourire. Pied gauche. Tu te souviens comme il était heureux. Stop.

Le dos appuyé contre un de ces immondes immeubles, tout me passe au dessus. La crasse du mur, le vieux qui me fixe de sa fenêtre, la femme qui change de trottoir en me jetant un regard apeuré. Peu importe, je rejette toute ma concentration sur ma respiration. C’est ça, inspire, expire. Encore.

Après avoir retrouvé mon souffle et un rythme cardiaque constant, je me remets à marcher. Sans lever le poignet pour regarder ma montre, j’essaye de deviner l’heure. Le soleil s’est couché il y a déjà une éternité, j’ai quitté le bureau et ai fait à peine cinq cents mètres. Il doit être environ 23h45.

Mes pas m’emmènent au tabac au coin de la rue, le seul qui reste ouvert 24h/24. En entrant, je trouve peu de chaleur. Le caissier m’accueille avec un simple hochement de tête, trop concentré sur son magazine salace.

“Un paquet de Marlboro Rouge.” Ma voix engendre un souffle d’agacement de l’autre côté du comptoir. D’une démarche lasse, le jeune va chercher le paquet rouge puis le balance négligemment dans ma direction. Je pose un billet en échange de l’objet bordeau et ressors de l’établissement aussi vite que j’y suis entré.

Pendant que je prends le chemin jusqu’à mon appartement, une cigarette se place entre mes lèvres. Après l’avoir allumée, je range le briquet dans la poche gauche de mon manteau. Il t’avait demandé d’arrêter. Un grognement se fait entendre dans ma gorge et la fumée se répend dans l’air. Traversant la rue, je n’entend que mes pas et ces fichues pensées. C’est alors que tout s’arrête. Mon corps se stoppe et tout ce qui tournait dans ma tête devient muet. J’ai entendu une respiration, aussi faible que celle d’un petit lapin. Mon regard tourne dans toutes les directions s’en jamais se poser.

Au fond de cette ruelle sombre, il semble y avoir quelque chose. C’est si petit que j’en viens à douter de mes propres yeux. Une forme se détache de l’ombre, elle est recroquevillée dans un coin entre deux cartons. Je m’approche rapidement, peut-être s’agit-il d’un animal blessé. Voulant connaître son état mais pas l’effrayer, je m’arrête à une distance résonnable de lui.

“Que fais-tu là ?” j’essaye de prendre ma voix la plus douce mais sans succès, celle-ci étant bien trop âbimée par le tabac. Avec un léger espoir, j’attends sa réponse qui ne vient pas. En faisant encore quelques pas dans sa direction, ce que j’avais pris auparavant pour un pauvre animal semble en fait être un enfant. Quel parent saint d’esprit laisserait sa progéniture dans un état pareil, dans un endroit aussi glacial que crasseux ? M’énervant tout seul, j’essaye encore d’obtenir un signe de vie du garçon. “Oh gamin ! Je te parle.” Mon ton était devenu sans le vouloir plus méchant. Cepedant le garçon laissa sortir un faible gémissement de douleur. Seigneur, si je retrouve son père, je jure sur tous les dieux de lui faire payer pour l’état lamentable dans lequel est son fils.

Je m’approche prudemment, d’un geste lent je passe mes bras sous le corps minuscule de l’enfant. Maintenant dans mes bras, je peux entendre sa respiration. Je m’élance alors en direction de chez moi, en essayant de donner un peu de chaleur au garçon. Il est complètement gelé…

Fort heureusement, les rues sont vides de toute trace de vie. Il doit être minuit passé, même les travailleuses de trottoirs se sont enfermées dans leur camionnette, craignant la bise glaciale. Seul le son de mes pas martelant la chaussée vient briser le silence paisible de la ville endormie. Je peux alors en profiter pour passer par les grandes avenues qu’en temps normal j’évite. A peine quelques minutes plus tard, je me trouve en bas d’un immense immeuble, devenu gris à cause de la pollution. J’ouvre la porte d’entrée comme je peux en évitant de réveiller l’enfant, toujours ensommeillé dans mes bras.

A l’intérieur, une vague chaleur accompagnée de l’odeur de tabac froid vient caresser nos narines. Depuis combien de temps n’ai-je pas ouvert les fenêtres ? J’avance dans le noir en évitant tant bien que mal les meubles pour enfin arriver devant le canapé. Je pose avec une grande délicatesse le garçon sur celui-ci. Il ne semble pas s’être réveillé, il devait être mort de fatigue. J’inspecte rapidement la pièce du regard pour enfin trouver de quoi réchauffer un minimum l’enfant. Je glisse ainsi une vieille couverture jaune délavé sur son corps. Je n’avais même pas remarqué qu’il s’était allongé dans une position de fœtus. Il semble encore plus faible comme ça.

Après avoir allumé la petite lampe qui était sur la table et fermé la porte à clé, je viens m’assoir sur mon fauteuil. N’étant qu’à quelques centimètres du garçon, j’en profite pour l’analyser. Il ne doit pas dépasser le mètre soixante, il a une silhouette aussi élancée que celle d’une fille et son visage est doux. Etrangement, il n’a pas une expression de douleur, il est paisible. Ce qui me perturbe le plus c’est son aura. Je ne saurais comment l’exprimer mais il y a quelque chose de divin qui émane de lui. Cela contraste avec ses habits qui sont dans un piteux état. Il ne porte qu’un simple t-shirt beige et un pantalon noir troué aux genoux. Même ses chaussures sont déchirées. Je ressens tellement de pitié pour ce gosse, il a dû subir bien des choses.

Je sors de ma contemplation et me dirige vers la cuisine. Après tout, il risque d’avoir faim en se réveillant. C’est en ouvrant mon frigidaire que la réalité me rattrape. Il est quasiment vide tout comme les placards. Sans plus de choix, je mets de l’eau dans une casserole en vue de faire des pâtes. Concentré sur ma tâche, j’aperçois du coin de l’œil un mouvement. Je décide donc de mettre sur pose la cuisine pour aller voir l’enfant. Il s’est bel et bien réveillé. Assis sur le canapé, il semble désorienté. C’est vrai que le dernier endroit où il se trouvait était une rue sombre. Je me place de nouveau sur mon fauteuil et échange quelques regards discrets avec lui. « Alors…comment t’appelles-tu ? » Il ne réagit pas et se contente de me fixer.

« Très bien, je peux comprendre que tu sois perdu mais je dois savoir ton identité. Tu n’as pas à avoir peur de moi, je ne te veux aucun mal. Tu veux bien me dire ton prénom ? » Il secoue négativement la tête. « Bon…Est-ce que tu peux au moins me parler ? » Il refait le même mouvement qu’auparavant. Il va donc falloir changer de méthode. Je quitte mon siège et me mets face à une étagère où j’y trouve un vieux carnet. Je l’amène à l’enfant et lui tend avec une plume. Il prend les deux objets et me regarde en haussant un sourcil. Je lui redemande donc son prénom.

Il se met alors à griffonner sur le papier. Après un court instant, il me montre le carnet. Je suis sans voix.. Son écriture est fine, chaque courbe est d’une douceur incomparable, j’ai l’impression de voir la signature d’un grand écrivain. Reprenant un peu mes esprits, je lis les deux mots. Patrium Sepulchrum. Comprenant que c’est du latin, je vais chercher mon dictionnaire, perplexe. Après avoir feuilleté les pages je tombe enfin sur la bonne page. Le tombeau de la famille. Encore plus sceptique, je questionne l’enfant du regard. Celui-ci ne répond rien, bien évidemment.


Texte publié par Moriarty, 8 juin 2021 à 10h24
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