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tome 1, Chapitre 1 « L'arroseur automatique » tome 1, Chapitre 1

Chère Louise,

Je ne sais comment débuter cette première lettre. Cela fait fort longtemps que nous ne nous sommes point vus, vous souvenez-vous seulement de moi ? En fait, cela n’a plus guère d’important à présent. Après tout, vous n’êtes plus que souvenirs dans mon esprit et dans mon cœur. Bien que je sache parfaitement que jamais plus vous ne lirez de lettres, que jamais plus nous ne nous reverrons ; je compte néanmoins vous en écrire, afin de coucher sur le papier toutes ces choses que je n’ai jamais pu vous dire, tous ces endroits qui me rappellent à vous. Votre adresse m’est connue ; je les enverrais là-bas. Votre famille sera sûrement heureuse de vous connaître d’une tierce personne, d’un homme qui, de surcroît, je l’espère, aura pu conserver une place dans votre cœur si pur.

Hier avec vous, ne sera plus aujourd’hui. Demain avec vous, ne saura jamais plus. La mort nous guette, mais n’était-il point trop tôt pour vous ? Je le crains… Quelle erreur funeste ai-je commise voilà cinquante ans. Je vous prie de me voir vous accorder les excuses que vous méritez depuis, hélas, fort longtemps. Quel bougre d’âne ne fais-je point !

Le soleil se lève à l’horizon de la forêt. Grand ciel ! Je ne vous ai point jaspiné de ma demeure. Il s’agit là d’une chaumière au mitan de frondaisons luxuriantes. Je vis seul, je n’ai point de compagne ; je ne me suis entiché de personne avant vous et vous m’en voyez navrer de ne jamais avoir pu après vous, ma douce Louise. J’ai failli à votre parole, à votre luxuriante voix. Néanmoins, une chatte s’est venue élire domicile au coin du foyer.

Vous aimeriez très certainement ce lieu, Louise, il vous ressemble. Les choses qui font mon quotidien me rappellent à vous. Vous souvenez-vous de ce temps ? Durant notre jeunesse, une bien belle époque. Nous avions échangé un regard dans la cuisine, cependant que vos grands-parents sommeillaient dans ce que nous appelions le séjour. Vous rappelez-vous ce moment ? Vos yeux rieurs plongés dans les miens, mes mains que j’avais eu l’audace de passer autour de vos frêles hanches. Je m’étais penché dans votre cou, mais j’étais, à ma plus grande désolation, un homme trop chaste, malgré vos lèvres qui étiraient un franc sourire ; je suis en proie à d’importants remords. J’aurais aimé vous voler un baiser et de devoir faire preuve de résipiscence envers votre grand-père.

Vous rappelez-vous cette écharpe que vous m’aviez tricotée il y a de cela quelques années ? Figurez-vous qu’elle orne fièrement mon cou ! Je ne peux sortir sans lorsque la brise vient m’engorger dès potron-minet. Elle m’accompagne dans le pèlerinage de mon potager. J’y arrose avec bienséance les divers fruits et légumes qui parsèment la terre convenablement battue. Ne serait-il point invraisemblable que nous puissions avoir des machines qui arrosent de leur propre chef nos plantations ? Voyez comment cela nous faciliterait grandement notre petite vie, arrosant seules nos ressources, spectaculaires ! Serais-je encore de ce monde pour y voir ceci ? Ma foi, je ne pense point…

En deçà, s’avise, irréfutablement, le lieu qui se serait vu être votre favori, ma tendre Louise. Une jardinière, comme vous l’aviez toujours rêvée, à moins que vous ayez concrétisé ce rêve. Je réalise, tenant ma plume entre mes longs doigts, que je ne vous connais point, que diable avez-vous pu devenir. J’ai l’intime conviction que vous avez eu une vie de bonheur et d’amour, cela est tout ce que je vous avais toujours souhaité.

La jardinière resplendit de fleurs, une parcelle vous y est dédiée. À l’époque, vous adoriez les Cyclamens, fâcheusement celles-ci ne bourgeonnent, hélas, qu’à l’arrière-saison et lors de frimas. Vous m’en voyez donc navrer de ne point être dans la capacité de vous en offrir une, cela me comble de chagrin.

Je crains qu’il soit l’heure pour moi de vous adonnez au sommeil, je reviendrai prestement vous faire éloge, ma douce et tendre Louise.

Votre vieil ami

Philibert Lantelme


Texte publié par Aihle S. Baye, 1er juin 2021 à 09h36
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