«

»

Je me retourne un peu perdue. Tout ce que je vois, c’est un garçon, habillé simplement d’un jean, d’une chemise et d’une écharpe. Ses cheveux bruns légèrement torsadés et ses yeux de même couleur me confortent dans l’hypothèse qu’il s’agit de l’héritier. Mais ce n’est ni son statut, ni son allure simple pour son rang ni même mon apparence face à lui qui me choque.

Sur son épaule, deux corbeaux sont perchés, un plus petit au pelage bleuté à l’air un peu bête et un plus grand, identique au mien.

Ce dernier me regarde avec dédain avant de finalement voler vers moi pour se coucher sur mon crâne. Mes émotions oscillant entre rage et soulagement, je ne remarque même pas le garçon se rapprochant de moi.

« Hey ! Tu es sa propriétaire ?

-Ça te regarde ? »

Malgré ma réponse tranchante, le jeune homme ne se vexe pas, au contraire, il paraît amusé. Il se rapproche de moi, ce qui ne me rassure pas du tout.

« Un peu ! Dit-il, entre deux gloussements. Je l’ai trouvé quand même ! »

Alors qu’il dirige sa main vers ma tête, je me recule un peu, mal à l’aise et dit, afin qu’il s’écarte de mon espace personnel :

« Il n’aime pas les caresses ou je ne sais quoi !

-Oh. D’accord. »

Il recule enfin, me laissant de la place pour respirer. Je m’apprête à faire demi-tour avant d’entendre la voix du garçon derrière moi dire :

« Hé ! Je t’ai trouvé ton oiseau ! Tu me dois quelque chose! »

Agacée, je fais volte face vers l’indésirable.

« C’est une blague ?!

-Eh non. Soit tu me le donnes, soit tu payes. »

Je soupire de fatigue, sort trois pièces d’or de ma bourse et lui tend.

« Eh bien désolé mais je n’ai que ça. »

Le brun se rapproche encore une fois de moi, avec un grand sourire et un air presque menaçant.

« Mais ce n’est pas assez, ça ! »

Je serre les dents. Je ne dois pas m’énerver, ça peut nous coûter gros et je n'ai pas envie de subir les remontrances de ma mère sur mon attitude. Je me force à respirer calmement.

« Je n’ai que ça. J’ai besoin du reste pour me nourrir. Prends l’argent, aussi minime soit-il et laisse moi partir. »

Je soutiens son regard sans ciller, jusqu’à ce que, embarrassé, il détourne les yeux avant de déclarer, le regard vide.

« Ce que je voulais dire, c’est que je préfère autre chose que l’argent.

-Comme ? »

Je ne le quitte pas des yeux. Je regarde à ma droite et à ma gauche. Les rues sont désertes.

« Détends toi, je te jure que je ne vais rien te demander de dégradant. »

Loin de me rassurer, je reste perplexe. Pour autant, et contre mes propres attentes, je reste devant l’inconnu, qui reprend la parole face à ma réaction allant dans son sens.

«Tu veux qu’on se barre d’ici ? »

Interloquée, je le laisse parler. Pourquoi diable un individu avec cette richesse voudrait-il partir ?

«Je rêve de découvrir de nouvelles choses ! De parcourir les terres de notre légende sans que personne ne me dise quoi faire ! »

Je décide de lui poser une question qui me vient en tête.

« Pourquoi tu restes alors ? T’as qu’à partir.

-Ce n’est pas si simple. Père ne me laisse pas partir et Mère a peur de me voir grandir. »

Je pousse un long soupir las. J’ai horreur de ses gamins couvés par pôpa et môman. Ça me donne envie de les bouger.

«Casse-toi. T’as une vie hors de tes darons. Affirme-toi et bouge-toi !

-C’est pour ça que j’ai besoin de quelqu’un de sauvage. »

Je tique à l’emploi du mot sauvage.

« Hé ! Je ne suis pas un animal ! Espèce de... »

Mais il continue son affirmation sans se soucier de mes protestations.

«Je ne sais pas me débrouiller seul dans la nature, sans personne à mes côtés. Je vais mourir ! »

Je hausse les yeux vers le ciel et me prépare à faire demi-tour.

« Eh bien tu ne pars pas.

-S’il te plaît… J’ai besoin de partir. »

Je finis par céder, plus sur la fatigue que par compassion.

« Demain matin, avant le lever du soleil, ici. Je t’apprendrais les bases de la vie en solitaire.»

Sur ces derniers mots, je me décide à disparaître derrière l’allée pour récupérer mes courses chez Mario.

Une fois fait, je me dirige chez moi, sans grande conviction. Pour la première fois de ma vie, j’aperçois une esquisse du lendemain, bien qu’elle ne me plaise pas.