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tome 1, Chapitre 1 tome 1, Chapitre 1

Je suis réveillée par la lumière du soleil, éblouissante. J’en déduis que l’on est en plein dans la matinée. Je laisse échapper un juron, en proie à un mélange d'émotions négatives. J’ai horreur de vivre ici et ce, depuis ma naissance, vingt ans plus tôt.

Je concentre mes pensées sur autre chose que ce qui alimente ma rage et regarde la cage de fortune que j’ai confectionnée à partir de deux pailles et quelques bouts de carton. A l’intérieur, un corbeau capturé il y a déjà une bonne année. Le motif de capture, originellement, n’était pas d’en faire un compagnon mais plutôt de le revendre. Cependant, personne ne veut d’un animal qui symbolise un mauvais présage.

Pourtant, il est différent des autres, il croasse peu, il a un regard vif, des traits intelligents et un pelage couleur de jais assez joli. Mais ça ne suffit pas à changer les avis de potentiels clients et, avec du recul, c’est pour le meilleur. Il me permet de maintenir une certaine santé mentale.

Je passe ma main dans un petit endroit mal rafistolé. Comme je m’y attends, il ne vient pas pour me témoigner une once d’affection. C’est un oiseau après tout. Un oiseau qui ne désire pas s’enfuir par les défauts de sa cage, mais ça reste un oiseau sauvage. Je lui balance un restant de pain rassi et le regarde d’un air désolé.

« J’m’excuse mon pote, mais j’ai rien de bien mieux. »

Je me redresse péniblement et me dirige vers une source d’eau potable, lasse de cette routine barbante.

Je fais ma toilette brièvement, passe un peu d’eau dans mes cheveux que j’ai coupé une semaine auparavant, au grand damne de ma génitrice, et j’enfile cette tenue qualifiée d’excentrique et de débraillée.

Je ne prends même pas la peine de saluer ma mère, ne voulant pas essuyer les remarques, prends une partie des pièces de la petite bourse, et je me dirige dans les allées, à la recherche d’un peu de nourriture ou d’un objet oublié à revendre.

Si j’ai horreur de la vie quotidienne que je mène, je dois m’avouer que je m’y suis plu dans ce rôle de chatte de gouttière solitaire. Je trouve que ça me correspond bien, que ça entre en adéquation avec mon style vestimentaire.

Ma vie n’est faite que de ça. Entre bien et mal, j’ai rapidement fait mon choix.

Je me dirige vers la petite épicerie en piteux état que je connais par cœur, et ce, depuis que j’accompagne ma mère chercher les vivres. Mario m’accueille chaque semaine, dans son bâtiment miteux. Il me salue d’un léger hochement de tête, alors que je me dirige vers le rayon fruits et légumes. Je choisis avec soin les myrtilles, mes fruits favoris. Alors que je me dirige vers les œufs, j’entends Mario s’exclamer. Lasse de me contenter de marcher dans la boutique vide, je lui dis, ironique :

« T’as vu quelque chose que t’as jamais vu ? »

Mario acquiesce. Ce que j’apprécie chez lui, c’est qu’il ne me prend jamais sur mon niveau de langue, ou sur mes phrases improbables. Je comprends qu’il fasse peur, dans sa boutique en ruine, mais c’est quelqu’un de bien.

« J’ai vu un oiseau ! »

Amusée, je lui demande :

« Tu n’en avais jamais vu ?

-Bien sûr que j’ai vu des oiseaux ! Pigeons, mouettes, rouge-gorge, pivert. Je les connais ! Il rétorque, un peu vexé par la remarque. Mais jamais un corbeau avec des plumes plus noires que la nuit et des yeux plus perçant que lui ! M’enfin, c’est pas bon signe Lulu, tu peux me croire ! »

Choquée, je n’ai pas pris la peine de réagir au surnom. J’ai horreur des marques d’affection d’habitude, mais à ce moment, mon sang ne fait qu’un tour. Je cours vers le comptoir du vieux vendeur bourru et je lui demande, inquiète.

« Il est parti par où ?!

-Par la gauche.

-D’accord ! Tu peux mettre ces trucs de côté ?

-A vos ordres cheftaine ! Bonne capture ! »

Je laisse tomber mon sachet, et me précipite vers la direction indiquée. Saleté de piaf ! J’aurais dû prévoir qu’il allait s’enfuir !

Je cours à en perdre haleine, mes jambes faiblissent, mes foulées ralentissent.

J’abandonne et arrête de courir. L’oiseau est sans doute loin maintenant.

Désemparée, je fais demi-tour, mais cette fois-ci plus lentement afin de reprendre mon souffle. Je suis surprise de constater que ma course est arrêtée devant l’ancien palais. Je ne bouge pas et regarde avec dégoût la demeure, bien trop éclatante à mon goût.

Les personnes vivantes ici sont riches, aussi riches que peuvent l’être l’ensemble des habitants d’Ety et n’ont jamais rien fait pour qui que ce soit ici. Je me demande parfois si l’héritier est aussi pédant et égoïste que ses parents. Je hausse les épaules. Probablement, sinon je ne me demanderais pas si je vole ou si je vends tous les deux jours.

Mes pensées se troublent dû à une foulée assez lente et sonore, dans mon dos. Par réflexe, je cherche à me cacher, mais mes foulées sont trop lentes pour fuir la rue des riches. Sachant très bien qui est le type de personne traînant dans ces rues, je suis forcée de remarquer que, pour la première fois de ma vie, je vais devoir faire face directement à mes problèmes.


Texte publié par Les Plumes exogènes, 19 mai 2021 à 16h58
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