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tome 2, Chapitre 6 tome 2, Chapitre 6

Quelque chose avait mordu sa chair, s’était enfoncé dans son être. Une douleur était née, mais elle ne s’était pas détournée. L’objet l’avait traversée et le trou s’était refermé. Elle avait entendu aboyer la gueule noire, puis elle était tombée et avait volé en éclat. Là ! sur le sol, avec un bruit de métal, une chose dure qui en frapperait une autre.

Un nom avait fusé. Mais ce n’était pas le sien.

Joshua ?

Peut-être.

Et elle ? Comment s’appelait-elle ?

Sous ses yeux luisait le tranchant d’une lame, courbée à son extrémité, tenue par une main, qu’elle devinait expérimentée.

10^32°K, 10^32°F, 10^32 °C, la singularité primordiale, la matière émerge ; le temps peut-être.

Autour de lui le temps s’était coagulé ; ses jambes ne le portaient plus ; c’était seulement l’expression de sa volonté, de son instinct de survie. Derrière lui, fauchée par les rafales, la massive silhouette avait chu dans un bruit mat. Puis d’autres avaient suivi, plus violents, des détonations dont les échos se réverbéraient sur les parois humides et suintantes. Une fumée blanche et âcre avait alors envahi le sous-sol, cependant qu’il entendait siffler les grenades relarguant leurs gaz. Soudain, ce fut le silence, lourd, inquiet.

10^29°K, 10^29°F, 10^29 °C, les symétries se brisent.

Son arme gisait sur l’asphalte défoncé ; quelques morceaux de métal encore rougeoyant étaient dispersés à ses pieds. Sa main ne tremblait pas. Son autre bras, levé, le poing refermé, équilibrait son corps. Rien dans son port ne trahissait la peur ou la terreur. Il était un chien qu’un maître avait dressé et qui accomplissait la seule tâche dont il était capable.

1.8×10^7°K, 1.8×10^7°F, 1.8×10^7 °C. une étoile s’allume.

Sa respiration était calme, presque posée. Dans sa poitrine, son cœur ralentissait. Tendu, ses muscles se raidissaient tandis que ses doigts affermissaient leur prise sur le manche. Le cuir de ses gants gémissait sous l’effort.

10^6°K, 10^6°F, 10^6 °C, des sorciers libèrent l’interdit.

Les magasins épuisés, ils avaient lâché leurs engins de mort. Immobiles, ils se toisaient du regard, comme autant d’ombres semblables aux yeux écarlates. Serein, il fixa un moment son casque posé sur le sol, le long tube flexible rampait pareil à un serpent, tandis que luisaient dans l’obscurité deux taches sanglantes.

3000°K, 4940,3°F, 2726,85 °C, la lumière transperce la nuit.

Détaché, il ferma les yeux, sa main décrivant ce mouvement qu’il avait mille fois répété, mille fois perfectionné, mille fois échoué, car de chaque échec il se relevait, de chaque échec il apprenait. Autour de lui, la fumée se dissipait, le temps se liquéfiait. Aucun ne s’était approché, tous le redoutaient.

329,85°K, 134,06°F, 56,7 °C, la mort rôde à Fumace Creek.

Il l’avait frappé ! Il avait vu la courbe de lumière zébrer l’obscurité à mesure que son bras dessinait l’arc de cercle qui irait de son poignet à sa veine jugulaire. Maître de lui-même, il était demeuré figé un instant, une infime fraction de temps, puis il l’avait retirée. Silence.

273,15°K, 32°F, 0 °C, l’eau se solidifie à pression atmosphérique.

Le regard fixe, il contenait le trouble qui grandissait en lui. Sa lame avait frappé, l’avait transpercée. Il en était certain. Il avait senti la résistance de la chair à l’instant où elle rencontra le métal, la pression exercée pour l’enfoncer, la tension quand il l’avait enlevée, alors que les tissus s’accrochaient.

193,15°K, -112°F, -80 °C, l’humain survit nu quelques dizaines de minutes.

La vie le fuyait, il sentait le liquide s’épandre hors de son corps. Une douce chaleur s’épanchait dans sa combinaison cependant qu’il ressentait le froid l’envahir peu à peu. Dans le lointain, il perçut le discret raclement du métal sur le béton et sourit. La vue brouillée, il devinait les contours de la silhouette jaillie de la brume.

— Kenrou

2,73°K, -454,76°F, -270,42 °C, le passé résonne.

Immobile, elle soutenait son regard sangant. De ses mains avait surgi le feu, des flammes froides, glaciales comme ses prunelles, enchâssées dans leur miroir d’écarlate. Les paumes tournées vers son visage, elle les contempla un long moment. Quelque part, au fond d’elle-même, des voix hurlaient, lui intimaient de ne rien en faire.

170.10-9°K ; -459,66°F, -273,14 °C, dieu joue aux dés.

Comment en était-on arrivé là ? Où se situait le point de bascule ? Le point de non-retour ? Ce lieu qui ne connaissait plus d’issues ? Emporté par la non-vie, il regardait, un sourire aux lèvres, défiler toutes ces images, toutes ces visions dont on les avait nourris, dont on les avait emplis, jusqu’à ce qu’ils fussent soumis.

0°K, -459,67°F, -273,15 °C l’âme humaine se consume.

Était-ce cela ? Une flamme froide ?

Plongée dans la poitrine de métal, sa main l’avait traversée comme si elle n’avait été faite que de fumée. À l’intérieur, il y avait cet organe, dont les battements marquaient le temps. Et il y avait autre chose, une chose fragile et précieuse, un souffle vital et spirituel, que les humains appelaient Âme, Ba, Âtma, Nepesh, Citta. Mais d’âme il n’était plus question. Ce qui se nichait au sein de son cœur n’était plus qu’une chose morte et desséchée, pareille aux feuilles des arbres qui, lentement, pourrissent sur le sol. Semblable et, en même temps, si dissemblable, car de la matière morte renaissait le printemps, de celle-ci ne naîtrait qu’un achèvement.

Émue, elle s’était alors retirée, étouffant les flammes dansant au creux de ses paumes.

Le pouvait-elle ? Le devait-elle ?

En elle, des voix protestaient, d’autres s’apaisaient. Perdue, elle ne savait que faire, cependant qu’elle désirait voir ce que dissimulait le masque de cet être, à qui des maîtres sans cœur avait volé l’âme.

Soudain, alors qu’elle tendait ses mains vers cette figure sans visage, un éclair jaillit. Vacillant, l’homme la repoussa doucement, elle aperçut le manche du poignard qui dépassait au défaut de la cuirasse.

— Pourquoi ? voulut-elle souffler.

Mais l’homme l’avait éconduite. Rassemblant ses dernières forces, il avait détaché ce masque d’inhumanité, puis s’était effondré, un sourire flottait sur ses lèvres. Derrière lui, une mince silhouette dont les yeux brillaient de mille feux la dévisageait.

— Bonjour, Shakti. Je suis Shahar, l’homme du rêve, celui qui arpente les songes et les ténèbres.


Texte publié par Diogene, 24 avril 2021 à 15h23
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