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tome 2, Chapitre 4 tome 2, Chapitre 4

Silencieuse, elle s’était levée malgré le refus de ses membres de se plier à sa volonté D’un mouvement de menton, elle avait tu la rumeur qui grondait dans ses jambes. Alarmé de la voir ainsi se découvrir, il avait voulu la retenir, mais sa main était retombée mollement le long de son corps ; il était à bout de force.

— Reviens !

Mais les mots s’étaient entrechoqués et seul un borborygme rauque et indistinct s’était échappé de sa gorge, tandis que de l’obscurité avaient jailli deux prunelles sanglantes. Immobile, il devinait la silhouette massive et sinistre, le canon de son arme luisant dans l’ombre.

Joshua avait planté ses yeux dans les siens, cependant qu’il lui glissait la lame entre les mains. Au toucher, le manche était couvert d’une gaine d’élastomère qui lui assurait la prise adéquate, quant à la lame, elle était encore plus effilée que la lame d’un rasoir. Il avait, ensuite, appuyé deux doigts au niveau de sa jugulaire.

— Là, avait-il soufflé.

Muet, il avait acquiescé, comme il plaquait à son tour ses phalanges sur sa gorge. Ainsi, il sentait les coups sourds de son sang lorsqu’il heurtait l’extrémité de son majeur et de son index, tandis que ses yeux contemplaient la lame meurtrière. Tout semblait si simple, si facile pour un acte aussi terrible. Solennel, il reposa le couteau sur le morceau d’étoffe. À la lueur de la lampe suspendue, elle brillait de mille feux, renvoyant comme autant d’éclat de miroir, leurs visages graves.

Hélas, il était à présent trop tard. Sans doute n’était-il n’était que le membre solitaire d’une patrouille égarée. Mais, qu’il se donnât ou non la mort, ne modifierait en rien le sort de ses camarades ; la ruelle ne possédait aucune issue. Pris au piège, il pouvait encore essayer de prendre la fuite, mais ce cela lui était impossible ; ses dernières forces l’avaient abandonné.

Se rendre ?

Il n’osait en effleurer l’idée même, car il savait où cela le conduirait. Désolé, il faillit un instant en rejeter la faute sur cette jeune fille qu’il avait découverte sur le chemin du retour. Soudain, il s’aperçut qu’elle n’était plus à côté de lui, alors même qu’un moment plus tôt, elle se tenait face à lui, sa main glissée dans la sienne, comme si elle avait cherché à le rassurer. Alarmé, il tenta de se redresser, mais sa jambe droite, raidie par les crampes, s’était dérobée sous lui. De justesse, Il s’était rattrapé à la conduite d’une gouttière délabrée, tandis que sa tête heurtait avec violence le parapet bétonné.

De l’autre côté, la forme n’avait pas bougé. Raide, elle tenait toujours son fusil braqué dans leur direction.

Pourquoi demeurait-il ainsi, immobile ?

De même qu’il ne semblait pas avoir donné l’alerte, quant à leur présence. Dressé dans son dos, il devinait la silhouette de l’antenne de son relais radio. Inquiet, il sondait, en vain, du regard les épaisses ténèbres à la recherche de la jeune fille, quand un bruit de pas l’interpella. Elle se tenait là, à quelques mètres de l’ombre massive, dont les yeux sanglants illuminaient la ruelle. Soudain, il entendit avec netteté le claquement sec et métallique du fusil que l’on arme. Le poing serré, il frappa avec fracas le mur de pierre, cependant qu’il se morigénait de ne pouvoir se lever ; il allait assister impuissant à son exécution, puisque tel en avait été décidé en haut lieu. La main irradiée de douleur, il jura et tenta à nouveau de se mettre debout. Mais elle s’était retournée et leurs regards s’étaient fugitivement croisés. Calme, son visage souriant irradiait une sérénité presque déplacée puis, d’un doigt posé sur les lèvres, elle lui avait intimé le silence.

Elle s’était levée, c’était devenu un impératif. À côté d’elle, le jeune homme avait tendu la main vers elle. Il ne lui avait pas donné son nom, mais elle avait envie de l’appeler Txalers.

Pourquoi ?

Elle l’ignorait, elle trouvait seulement que cela lui seyait. À bout de force, elle avait vu ses jambes trembler et la peur l’envahir. Encore confuse, elle avait senti la sombre présence qui émergeait du bout de la ruelle. Massive, engoncée dans son énorme carapace, elle portait un long cylindre dont bientôt jailliraient des choses mortes. Face à elle, son compagnon avait tenté de la retenir et elle lui avait souri. Sa main glissée dans la sienne, elle avait plongé ses yeux dans les siens. Derrière elle, la créature était toujours là, terrible et invisible. Seules ses prunelles incandescentes et sa respiration sourde trahissaient sa présence. Sans comprendre, elle avait posé ses lèvres sur les siennes. Trop abasourdi par son geste, il l’avait contemplé, hagard, tandis qu’elle se détachait. Une chaleur nouvelle semblait irradier son corps, comme si s’achevait sa renaissance. Les yeux tournés vers le ciel, elle regarda un long moment l’horizon noir, dont seule la lune était préservée. Nulle étoile nulle planète n’était encore visible.

— Pourquoi l’humanité a-t-elle éteint les rêves ? Pourquoi l’humanité a-t-elle allumé les ténèbres ?

Penché par-dessus la rambarde, Joshua fixait le sol défoncé en contrebas.

— Ils n’ont été qu’une poignée à le décider. Il fallait bien les utiliser ont-ils argumenté. Il était trop tard, nous n’avions plus le choix, se sont-ils lamentés.

Il le regardait sans comprendre. Il se souvenait encore des annonces tonitruantes et grandiloquentes, des tombereaux de propagande déversée chaque jour afin que les populations acceptent l’innommable. Puis, il y eut le jour, ce fameux jour, le jour où la Terre s’arrêta et où les étoiles se turent, englouties dans les ténèbres silencieuses.


Texte publié par Diogene, 22 avril 2021 à 15h13
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