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tome 2, Chapitre 1 tome 2, Chapitre 1

— Bonjour !

Penchée, une ombre la dominait. Elle cligna à plusieurs reprises des paupières ; un disque haut et blafard lui blessait les yeux. Maladroite, elle tenta de lever une main pour s’en protéger, mais ses muscles ne répondaient pas et son membre retomba lourdement sur sa poitrine. Au-dessus de sa figure, l’ombre semblait se mouvoir, puis elle se déplaça de quelques pas sur le côté, cependant qu’elle lui cachait la source de cette lumière trop crue.

— Est-ce que ça va ?

Que devrait-elle répondre ? Embarrassée, elle se contenta de hocher la tête, espérant que l’autre n’insisterait pas.

— Je sais pas, mais tu n’as pas l’air dans ton assiette. En même temps, avec ce qui traîne ces derniers temps…

L’ombre parut marquer une hésitation. Elle ne voyait toujours rien de son visage ; ses yeux ne s’étaient toujours pas habitué à la clarté crue du ciel. Cependant, il lui sembla qu’elle retrouvait un peu de motricité et de sensibilités dans ses membres, car elle se savait allongée sur de longues lattes dures et lisses, dont les espacements lui creusaient la chair et la rendaient douloureuse.

— Tu sais quoi ?

Encore une fois, elle saisissait chacun des mots qu’il lui adressait, mais elle était incapable de leur apporter une réponse. Aussi, se contenta-t-elle, encore une fois, de secouer la tête. L’ombre paraissait perplexe ; une main se portait à son visage, quand l’autre fouillait avec véhémence un trou dans son habit. Une poche ! Le mot s’était imposé à elle, comme une évidence, comme s’il avait toujours été présent, mais qu’il attendait le juste moment pour se révéler.

— Attends ! Tu es muette ? C’est pour ça que tu ne peux pas me répondre ?

Muette ? Elle ignorait tout du sens du mot. Pourtant, elle sentait qu’il lui fallait acquiescer, marquer son approbation. Son corps était perclus de douleurs, mais elle ne s’en inquiétait pas. Au contraire, cela la rassurait, car cela signifiait qu’elle recouvrait sa sensibilité et sa motricité. Déjà elle pouvait mouvoir ses doigts. Pendant ce temps, l’ombre s’était retirée et le disque crayeux lui blessa à nouveau les yeux. Néanmoins, elle avait réussi à lever sa main et à la mettre en bandeau devant ses yeux.

— Bon, c’est pas grave ! J’ai pas de quoi écrire sous la main et si ça se trouve tu ne sais pas ! Mais on va se débrouiller.

Ses phrases étaient désordonnées et sa locution brouillonne. Malgré tout, elle en saisissait tous les traits, à défaut du sens qui, peu à peu, s’éveillait à elle. Soudain, une chose brune, couverte d’une peau rêche se matérialisa sous ses yeux ; elle était reliée au reste du corps de l’ombre par un long appendice, recouvert d’une chair luisante et molle.

— Prends ma main ! Allez ! Tu m’as l’air d’être encore pas mal dans les vapes ! Faut pas qu’on traîne plus longtemps

ici, sinon la rousse va nous tomber dessus.

De nouveau, elle entendait les mots, mais leur sens demeurait plongé dans une brume que rien ne semblait vouloir disperser. Pourtant, elle savait qu’elle devait attraper cette main tendue sous son nez et suivre l’ombre, quand bien même elle l’abandonnerait à la première occasion. Bandant sa volonté, elle ordonna aux muscles de son bras de se tendre et d’agripper la paume hérissée, qui s’avançait vers elle.

Soudain, ses doigts rencontrèrent la chose. À son contact, elle réprima un frisson, non qu’elle eût ressenti la moindre peur, sentiment étranger s’il en était, plutôt une surprise, car elle était douce et chaude. Cependant, elle chassa bien vite cette inopportune sensation et ordonna à ses jambes de se déplier. Des crampes douloureuses lui électrisaient les muscles, les nerfs, les tendons, les os, comme si quelque chose en elle se reconstituait. Mais à peine s’était-elle levée, que déjà elle sentait l’ombre la tirer à elle, l’entraîner au travers d’un décor aux contours sombres et flous. Des fourmis couraient depuis ses pieds jusqu’à son abdomen et l’entravaient, refusant à son corps le devoir de courir.

— Bouge pas ! souffla-t-elle et des bras puissants la soulevèrent comme si elle n’avait guère pesé plus qu’un sac de plumes. J’sais pas combien de temps j’te porterai ainsi. J’espère seulement que ça te donnera le temps de récupérer un peu.

Comprenant que son corps aurait encore besoin de temps pour se reprendre, elle acquiesça et se tassa contre la poitrine de l’ombre. Comme ses bras, elle était enveloppée d’une étrange peau qui glissait sur ses habits avec un bruit de chose froissée. Aussitôt, le vent siffla à ses oreilles et le martèlement d’un pied sur un sol dur résonna entre les murs. La foulée était régulière, de même que les inspirations de l’ombre.

Immobile, elle tentait d’habituer ses yeux à la lumière, encore trop vive, des lieux.


Texte publié par Diogene, 22 avril 2021 à 15h00
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