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volume 1, Chapitre 3 « Passé troublé » volume 1, Chapitre 3

29 Novembre 2024, 8 h 12

Les instances de sécurité veillaient en permanence aux allées et venues de chaque membre du personnel de la base ; il était même question d’étudier avec la plus grande précision les dossiers de chacun d’eux avant leur intégration à l’unité de recherche de Marakov Global.

Eugène pensait indubitablement avoir pleinement la maîtrise sur ses employés et espérait ainsi éviter que le drame de Waterfall ne se répète.

La lumière tamisée était régulièrement tailladée par l’éclat des écrans de contrôle des agents engoncés dans leur accoutrement de service. Si la recherche était clairement le cœur du complexe, la division de sécurité en était le centre névralgique. Leur fonction quotidienne consistait à filtrer les communications, veiller au maintien de l’ordre, mais également à répartir les tâches aux divers pôles de suivi.

« James, où en est la cargaison de Vancouver ?

— Elle arrivera d’ici une heure, Monsieur, » l’informa révérencieusement l’officier de sécurité qui se mit au garde-à-vous.

Son commandant, Joshua Tinbaker, venait d’arriver discrètement sur la plateforme ; c’était un homme d’une cinquantaine d’années aux larges épaules et au visage buriné, traversé par une balafre depuis longtemps refermée. Ses cheveux grisonnants coupés courts trahissaient sa vie passée de militaire.

« Bien, Marakov les attend avec impatience, faites-en sorte que le transfert se passe bien. »

Le jeune homme approuva d’un signe de la tête et, comme son supérieur prenait congé, il s’installa à nouveau devant son poste. Jamie Tuckson travaillait dans le centre de recherche depuis deux ans et si la nature des expériences qui se jouaient au cœur du lac l’avaient un temps intrigué, il s’était fait à l’idée de ne pas en apprendre davantage. Il savait que se trouver à l’avant-poste, qui plus est dans un travail de surveillance le condamnait à ne jamais voir sa curiosité satisfaite.

Après quelques semaines, il s’était volontairement résigné, vaquant à sa tâche comme on le lui avait appris : sans objecter.

« Tucks ! l’interpella un des vigiles postés derrière lui.

— Qu’est-ce que tu veux ? répondit froidement le jeune homme qui tentait de se concentrer.

— Un problème de refroidissement à l’évac’ trois. »

Jamie se retourna sur son siège pour fixer l’opérateur qui se trouvait au bureau juste derrière lui.

« C’est déjà la troisième fois cette semaine.

— Je sais, mais les voyants sont à nouveau dans le rouge.

— Les Tech ont fait le check-up des capteurs comme on leur avait demandé ?

— Je n’ai pas eu de rapport, répondit l’officier.

— Transmets-moi le dossier, je vais descendre.

— Mais le convoi ?

— Ils ne seront pas là avant une heure. »

James Tuckson était un ancien soldat qui avait vécu la guerre et, pour des raisons inconnues de ses collègues, il dégageait cette aura de force tranquille qu’aucun d’eux ne s’enhardissait à défier. Il avait été longtemps la cible de nombreuses interrogations et certains avaient avancé l’hypothèse miteuse qu’il avait été révoqué de l’armée pour des raisons peu honorables. Bien sûr, personne n’avait jamais osé lui poser la question.

Les couloirs étaient une suite ininterrompue de coursives parsemées de sas de sécurité qui le conduisirent à la station de transport. James ne se déplaçait que rarement dans les plus bas étages du complexe : il avait la certitude que quelque chose d’étrange et d’effrayant se jouait en ces murs.

Le voyage ne s’éternisa pas ; arrivé à destination, il dut se soumettre à un nouveau contrôle de sécurité pour rejoindre les entrailles de la cité sous-marine où travaillaient les techniciens.

« Salut, Jamie, qu’est-ce que tu fous là ? le héla une femme au physique bourru et au visage bouffi.

— Quel accueil Carlotta… Un de tes gars a mal fait son boulot. »

La responsable d’une quarantaine d’années et habillée d’une salopette tachée mâchait son chewing-gum la bouche ouverte. Elle invita l’officier de sécurité à la suivre jusqu’à son bureau et elle referma la porte derrière lui.

« Alors, je t’écoute, dit-elle en mâchouillant sa friandise.

— On a des rapports d’incident au niveau de l’évacuation 3. Encore.

— J’ai déjà signalé à Marakov que ses blouses blanches devaient arrêter de jeter tout et n’importe quoi aux dans les circuits de traitement.

— Les capteurs avaient été contrôlés ? s’enquit-il.

— À ton avis ? Tout est OK, mais la dernière fois, mes gars ont retrouvé une espèce de plante qui s’était enroulée sur le bras de l’hélice. Polstock a mis près de deux heures à rétablir la circulation tellement le conduit était encombré par cette saloperie ! »

Jamie comprenait un peu mieux pourquoi les problèmes avaient tendance à s’accumuler dans le secteur et il savait qu’il était de son devoir d’en référer à Marakov.

« Je vais contacter le directeur aujourd’hui, en attendant, fais-moi descendre une équipe pour régler le problème avant qu’on perde le moteur.

— Comme si c’était fait gueule d’ange. »

Carlotta noua ses cheveux noirs en une queue de cheval trop courte pour la rendre présentable tout en tenant le combiné du téléphone coincé entre son visage et son épaule.

Elle n’avait pour ainsi dire aucune féminité ; sans doute son travail et le fait d’être à la tête d’un groupe d’hommes dont les idées ne devaient pas dépasser la hauteur de leurs blagues les plus salaces l’avait-elle obligé à se forger une personnalité à la limite du vulgaire.

Jamie tourna les talons, salua son interlocutrice d’une brève inclinaison de la tête et reprit le chemin parcouru en sens inverse.

Il n’avait pas oublié l’arrivée du dernier ajout à l’équipe scientifique qu’il avait lui-même eut à charge de contrôler ; Ricardo Rodriguez représentait un investissement considérable pour l’entreprise, Jamie en avait eu connaissance lors du passage en revue des diverses formalités administratives qui devait impérativement parvenir au siège de la compagnie à Seattle.

Les chiffres astronomiques apposés sur son bulletin de salaire étaient supérieurs à ce qu’il pouvait toucher en une année entière.

James avait pendant plusieurs années envisagé sa reconversion dans la sécurité rapprochée pour personnalités influentes, mais la proposition de rejoindre les rangs d’une entreprise comme Marakov Global était une étape capable de valoriser son travail si tout se passait comme il l’entendait. Son supérieur dans l’armée s’était largement étendu sur la sécurité d’un tel emploi et il lui avait donné sa confiance.

« James, tu es où ?

— Secteur Tech, Monsieur, je suis sur le chemin du retour. Un problème ?

— Amène-toi et grouille-toi. »

Sans tarder, il chassa l’idée de prendre contact avec le bureau du grand patron et prit la direction du métro en toute hâte. Il n’avait pas vraiment peur de se faire taper sur les doigts, mais davantage des raisons qui avaient conduit le chef de la sécurité en personne lui ordonner de se présenter au poste de surveillance le plus rapidement possible. Une urgence ? Sans doute. De quelle gravité ? Moindre, du moins l’espérait-il.

« Où tu étais ? Je t’avais dit de te tenir prêt à recevoir ces idiots de transporteur, hurla le patron à son arrivée. Grayson, accompagne-le, » décréta-t-il à un autre garde en uniforme.

Ses ordres dispensés, le commandant fit volte-face, abandonnant son subordonné et le bleu incrédule ; James du haut de sa rigueur militaire trouvait que le jeune dont il avait été affublé pour sa mission de routine laissait à désirer tant dans sa tenue que par son apparente nonchalance. Ce vieux bougre savait très bien comment le contrarier.

Les fonctions de contrôle faisaient partie de sa pratique quotidienne et il s’en accommodait ; les livraisons s’étaient faites plus rares avec le temps, passant de dix chargements par jour à l’unique visite hebdomadaire du transporteur. Il se murmurait que la station était sur le point de devenir complètement autonome et que seules subsistaient les livraisons de matériel informatique, verrerie et autres vêtements que le personnel d’Atlantis n’était pas habilité à concevoir.

La porte du hangar de sécurité s’ouvrit sur les deux hommes et, tandis que le camion s’avançait et déposait sur le sol granuleux une mince couche de neige, James se fit la réflexion que bientôt cette réjouissance appartiendrait à quelqu’un d’autre.

« Le livreur a été contrôlé au point d’entrée par notre homme là-bas, expliqua-t-il au nouveau qui le suivait avec attention. Le balayage est examiné par nos geeks du poste de surveillance.

— Nos « geeks » ?

— Les analystes et spécialistes informatiques. Mais cette première étude reste incomplète, le chauffeur va maintenant descendre de son véhicule et attendre que l’on inspecte la marchandise.

— Oh, je vois. »

Il expliqua la règle des trois vérifications, une assurance spécifique contre l’entrée en douce de matériel prohibé par la direction que James mettait un point d’honneur à appliquer à la lettre. Lors de ses tours de garde, rien n’avait jamais filtré.

Le bleu n’était finalement pas aussi idiot qu’il l’avait pensé au premier abord, mais il ne pourrait certainement pas être autonome si rapidement qu’il l’avait souhaité ; trace supplémentaire de sa formation militaire à la discipline particulièrement stricte : il voyait en chacun de ses collègues comme un bleu manquant cruellement d’expérience et de rigueur.

Sur le chemin du retour, et après que les hommes de la maintenance aient été autorisés à déchargé, la conversation tournait court entre ce jeune un peu trop bavard et le militaire réservé qui n’avait aucune envie de faire plus ample connaissance. De beaucoup, on disait de James qu’il était un ours qui ne pouvait trouver sa place en société qu’auprès de ses anciens frères d’armes. Bien évidemment personne n’avait jamais osé le lui dire en face.

L’heure du déjeuner arriva et comme l’essentiel de ses comparses de l’équipe de surveillance du matin, James prit la direction du métro, écouteurs dans les oreilles, pour rejoindre leur quartier dans les profondeurs du lac. Le contrôle passé, il s’installa sur l’un des sièges confortables de la rame et lança la lecture de sa playlist favorite.

Le voyage était d’une banalité affligeante, devenant aussi insipide que les déplacements dans le métro londonien où il avait vécu pendant quelques années. Les freins ralentirent la carcasse mécanique et les portes s’ouvrirent sur le quai du bâtiment 3 où la majorité des voyageurs descendirent pour rejoindre la cafétéria.

En arrivant, il fut bousculé par type au regard noir et profond accompagné d’Helena, une scientifique qu’il avait été amené à rencontrer à plusieurs reprises quand son chef de projet avait disparu. Une histoire compliquée que sa hiérarchie directe s’était empressée de reprendre ; étrangement elle ne lui adressait plus la moindre attention depuis.

« Alors Jamie, enfin décidé à mettre un peu de fantaisie dans ton assiette ou tu vas encore jouer les rabat-joie ? railla la cantinière.

— Donne-moi un de tes bons burgers, sourit-il.

— Olala, qui est donc à l’origine de ce changement ? Je la connais ? »

La complicité qui s’était établie avec Maria était sincère ; une femme vraie dans un monde aseptisé où le silence et les non-dits étaient rois. Son aspect bourru et sa carrure assez imposante grandissaient encore son autorité ; son teint tirait sur le rouge lors de ses éclats de rires un peu trop francs de l’avis de ses nombreux collègues.

« Voilà, mon beau, et fais-moi le plaisir de ne rien laisser.

— Ne t’en fais pas pour moi, comment vont tes enfants ?

— Oh, tout se passe bien, Ronnie a tout juste compris comment manipuler son père et John n’a jamais été aussi bon élève d’après ses professeurs.

— Embrasse-les pour moi alors.

— Tu sais, tu devrais venir chez nous pour les fêtes, on a des chambres d’amis et ça ferait plaisir aux gamins.

— Je vais y réfléchir.

— Tu me connais, je te lâcherais pas avec ça, » rétorqua joyeusement la femme.

L’ex-militaire lui sourit et, attrapant son plateau, il se mit en quête d’une place ; de préférence il allait pouvoir se poser sur une table individuelle avec pour seul vis-à-vis l’une des parois végétales qui séparait certaines crédences. Les conversations allaient bon train et emplissaient le dôme d’une animation confuse et assourdissante qui l’obligeait bien souvent à avaler son repas en quelques minutes.

La suite de son programme quotidien était déjà définie : un peu de sport pour décompresser, une douche relaxante et le rendez-vous hebdomadaire chez le psychologue en charge de la surveillance des membres du projet ; il pouvait arriver que la vie dans les profondeurs ou l’isolement conduise le personnel à perdre en productivité ou à engendrer des troubles du comportement. Ainsi, chaque collaborateur était suivi de façon régulière par une équipe de soutien et d’analyse psychologique ; Marakov avait eu la frayeur de son existence quand l’incident au complexe de Waterfall lui fut rapporté et ce vieux bonhomme avait obtenu l’aval de son conseil d’administration pour le projet Atlantis à la condition qu’une commission médicale soit pleinement intégrée dans la vie de la communauté scientifique.

L’office dans lequel il entra était un refuge rassurant pour nombre de personnes sur la base ; des bibliothèques couvraient les murs du petit salon et un bureau trônait à quelques pas des fauteuils, juste devant la large baie vitrée ouvrant sur le lagon sous-marin. La plaine était calme et donnait une impression de sérénité qui apaisait les patients du docteur Saint-Jean. Éminent psychologue français, il tenait davantage du dandy du début du vingtième siècle que d’un homme moderne, mais ses bonnes manières et son amabilité avaient toujours eu raison des plus récalcitrants à la thérapie préventive ; quelques bruits de couloirs suggéraient même qu’il avait eu une aventure avec plusieurs membres féminins de l’équipe, mais aucun n’en avait apporté la preuve.

« Installez-vous, dit-il d’une voix agréable mais monotone en relisant les notes sur son carnet. Comment allez-vous aujourd’hui ?

— Bien, je crois.

— Concis comme toujours ! » plaisanta le français à l’accent particulier.

Il redevint sérieux et posa sur la petite table basse ses observations et le stylo avant de croiser les mains ; James semblait avoir gagné en nervosité, sans doute connaissait-il la véritable intention cachée derrière sa question et, plutôt que d’attendre qu’il la reformule de façon plus précise, il s’expliqua :

« Je fais toujours ces cauchemars… Identiques à tous les autres.

— Vos souvenirs d’Afghanistan, c’est bien de cela qu’il s’agit.

Ce n’est pas facile à gérer, mais le travail m’y aide vraiment beaucoup.

Je n’en doute pas un instant. L’effet d’occupation et d’implication et bien souvent un facteur déterminant dans le bien-être et la stabilisation. »

L’homme de science observa les gestes de l’ancien militaire, analysa sa posture et les expressions de son visage quand il évoqua ses souvenirs douloureux et les rêves qui se manifestaient à lui pendant ses phases de sommeil ; le traitement de tels troubles était complexe, car il touchait à une expérience personnelle traumatisante pour le patient que lui-même n’avait pas éprouvé. Un cas particulier qui demandait parfois le soutien d’anciens frères d’armes qui n’étaient pourtant pas si nombreux à être rattachés au programme Atlantis.

« Avez-vous repris contact avec votre ex-femme, comme nous en avions convenu ?

— Non, c‘est compliqué.

— Pensez-vous toujours à elle ?

— J’ai fait le deuil de mon mariage.

— Mais ?

— J’ai eu besoin d’elle à mon retour au pays.

— Je vois. »

Le médecin connaissait bien l’histoire personnelle du patient : l’accident pendant une mission de couverture à Kaboul et les conséquences désastreuses sur sa psychée ; le départ précipité de sa femme qui n’avait pas supporté de voir son mari lui revenir à ce point changé. Elle n’était pas plus malheureuse que celle de ses anciens équipiers, mais il l’avait vécu comme un abandon à un virage critique de sa vie où il avait eu besoin de soutien. Lorsque le poste de membre du corps de la sécurité pour une entreprise privée lui fut proposé, il n’avait aucune raison de la refuser, de partir et commencer une nouvelle vie loin de son passé, loin d’elle.

« Honnêtement je n’ai pas envie de reprendre contact.

— Et c’est une bonne chose. Faire le deuil d’une relation est une preuve d’acceptation et ne peut signifier que votre désir d’avancer dans cette nouvelle vie.

— Elle ne m’a pas attendu pour ça de toute façon.

— Parlez-moi plutôt de vous, James.

— Il n’y a rien à en dire.

— Pourtant les rapports font mention d’une jeune femme.

— Rien en dehors de ma mission. »

Le psychologue l’observa d’un œil circonspect ; il ne voulait pas empiéter sur la vie privée de son patient, mais simplement tester ses réactions, sa réponse émotionnelle face à une question potentiellement dérangeante.

« Je n’insisterais pas… »

Depuis son intégration au projet, jamais l’ex-capitaine des forces armées de Terre américaines n’avait perdu son sang-froid ; bien sûr il avait eu des petits gestes qui trahissaient une certaine nervosité, mais rien de significatif. Geoffrey Saint-Jean avait bien noté une nette amélioration de son comportement, et même s’il restait un loup solitaire, tout rapprochement était une preuve suffisante de rémission.

Il s’attarda dans les couloirs qui bordaient la baie au dernier étage de la tour du personnel, là où résidaient les employés de la compagnie ; la vue y était incomparable et donnait une impression de tranquillité qu’il était impossible de retrouver ailleurs.

« C’est magnifique, n’est-ce pas ? dit une jeune femme en s’avançant vers lui.

— Reposant, répondit-il.

— Vous avez raison. »

La jeune femme observa les multiples constellations d’herbages scintillantes dans l’eau. Depuis la construction des installations d’Atlantis et la mise à contribution des différentes strates de cerveaux, plusieurs espèces génétiquement modifiées avaient réussi à traverser les conduits de vidange.

Plusieurs rapports mentionnaient les variétés végétales concernées pour lequel le lac constituait une parfaite zone de test en l’absence de lumière, des températures extrêmes et un sol presque stérile du fait de la forte acidité de l’eau.

« Rares sont les hommes de votre équipe à venir ici, dit-elle avec malice, un léger accent au bout de lèvres.

— C’est en partie pour cela que j’aime être ici. »

Helena prit place à côté de lui, le regard tourné vers l’immensité obscure de l’eau qui s’étendait face à eux ; elle avait de lointains souvenirs d’enfance des paysages glacés des montagnes entourant son village, pourtant elle éprouvait une certaine sérénité devant ce spectacle sombre et froid. La tranquillité l’emportait sur un passé trouble et teinté de réminiscences qu’elle aurait préféré oublier.

« Vous avez raison… Tout semble si calme. »

Helena sourit distraitement, captivée par la noirceur de l’eau à cette profondeur et la constellation luisante des fonds marins ; au loin elle percevait les impulsions lasses et furtives de la bête qui vivait là. L’ombre gigantesque se mouvait entre les rochers, jouant avec l’obscurité et se réfugiant occasionnellement dans les abysses d’une crevasse immergée. Tous les deux restaient installés ainsi, parfois pendant des heures avant que l’heure du service du soir n’arrive, sans dire un mot.

Le repas insipide et léger avalé, James gagna ses quartiers sans mot-dire aux collègues croisés sur le chemin du retour ; au début ceux-ci avaient tenté de lui faire découvrir les endroits où il devait être pour s’amuser comme le Bar de Bob où la majorité de l’équipe de sécurité dépensait des fortunes en alcools forts et autres substances censées accroitre l’euphorie. Mais il n’en fut rien et après un mois d’âpres négociations, ils abandonnèrent l’ex marine à ses réflexions nocturnes.

Lorsque la porte coulissante se refermait derrière lui, l’ancien soldat récupérait le carnet de notes dissimulé sous les t-shirts propres de sa commode et s’installa au bureau pour écrire. Bien sûr, rien de ce qu’il s’apprêtait à marquer n’était destiné à être lu par autrui alors il se permettait d’être totalement sincère ; selon Saint-Jean c’était la condition nécessaire pour que ses mots le libèrent d’un poids important sans qu’ils puissent lui nuire.


Texte publié par Théâs, 25 février 2016 à 20h21
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