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Ma grossesse se déroula aussi bien que possible si l’on omettait ma mère qui profitait de toutes les occasions pour m’humilier et me frapper. La nouvelle lui avait donné un regain de force pour mon plus grand malheur. Par chance, elle marchait lentement et s’essoufflait vite comme si son esprit avait fini par convaincre son corps qu’il était malade. Ainsi, je parvenais à garder de la distance avec elle.

Lors de mes rares sorties, les femmes me jetaient des regards méchants. Je les entendis même plaindre mes parents d’avoir une fille comme moi. Ces propos m’abasourdissaient. Comment pouvaient-ils croire que j’avais fauté avec un étranger alors que je ne quittais jamais la maison ? La réponse était sous leurs yeux. Seulement pour eux, mon père était au-delà de tout soupçon. Après tout, c’était un médecin. Un homme de savoir qui se vouait à sauver des vies. Comment aurait-il pu avoir un mauvais côté ?

Mes anciennes amies avec qui j’avais été à l’école ne m’adressaient plus la parole. Lorsque je les croisais, elle détournait le regard. Face à ce comportement, je ne cherchais même plus à discuter. Je marchais la tête baissée. Parfois, un mot dit plus fort que les autres m’était destiné, mais je n’y prenais plus garde.

De même, je ne réagis pas lorsqu’une main, aventureuse, se posa sur mes fesses. Je me contentais de faire mes achats, en faisant abstraction de l’homme qui me chuchotait à l’oreille de sales paroles. Qu’importe que nous ayons été ensemble dans cette école, ce temps était révolu. Je n’étais plus qu’une mauvaise fille.

Par chance, avec ma grossesse de plus en plus visible, je perdis de l’intérêt aux yeux des garçons. J’en conclus un vif soulagement.

Malgré mon état, je ne prenais pas un instant pour me reposer. Chaque jour, je faisais mon possible pour préparer les repas de mes parents tout en tenant la maison propre. Faire la lessive se révélait difficile alors que mon ventre rebondi me gênait pour frotter les vêtements contre le battoir.

Seule consolation, le soir, mon père ne venait plus me voir dans mon lit. Sans doute n’étais-je plus désirable à ses yeux du fait de mon état ? Peut-être regrettait-il ce qui s’était passé ?

Les journées se suivaient semblables les unes aux autres. Je luttais souvent contre l’envie de pleurer. En boucle, je me répétais que j’allais attendre d’être allongée dans ma chambre pour le faire. Mais quand venait le temps de s’étendre sur son matelas, la fatigue me prenait.

Un soir, mon père me jeta des regards en fronçant les sourcils. Surprise de son comportement, je m’inquiétais d’un quelconque problème.

– La soupe n’était-elle pas à votre goût, papa ?

– Ça va, grogna-t-il.

Le silence se fit. Je n’osais plus poser ma cuillère dans l’assiette de peur de les faire tinter.

– Vu ton état, tu vas bientôt mettre bas ! Tu as intérêt à ce que ce soit un fils. Que cette humiliation est au moins un sens !

Ma main se plaqua sur mon ventre. Comment aurais-je pu savoir si le bébé était garçon ou fille ? Je me préoccupais plus de sa santé que de ce problème. Mais en cet instant, j’espérais juste qu’il satisfasse celui qui me faisait face afin que sa vie soit meilleure que la mienne. En étant homme, il ne connaîtrait pas le malheur de voir mon père, mais aussi le sien, le rejoindre la nuit dans son lit.

– Un fils… Je pourrais en faire mon digne successeur. Mon petit-fils prendrait soin des gens du village. Ce serait un homme reconnu par tous.

En entendant le terme de petit-fils, mon cœur manqua un battement. Je comprenais que mon enfant grandirait dans le mensonge, cherchant sur le visage de chaque homme un père potentiel sans savoir que le sien l’attendrait à la maison, sourire aux lèvres. Mais serait-ce mieux d’apprendre que son grand-père avait un double rôle ? Devrais-je lui mentir pour son bien ou lui avouer la vérité pour la même raison ?

– Marck n’aurait jamais fait un bon médecin… Il était beaucoup trop sensible… Mis à part jouer les héros…

Je n’écoutais déjà plus. Mes pensées allaient vers mon aîné qui manquait tant. Si seulement, il avait été là, rien de tout ceci ne serait arrivé. J’en avais la certitude. Marck apportait une stabilité à notre foyer qui avait disparu avec sa mort.


Texte publié par Nascana, 9 février 2022 à 16h16
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