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tome 3, Chapitre 1 tome 3, Chapitre 1

Les plaines de Blackgate se situaient à la limite ouest du comté de Gotham. Ces terres étaient peu fertiles, dénués de gibiers, ou d’une quelconque richesse. De plus l’endroit était éloigné des routes.

On avait parqué la tribu indienne locale dans cette prison à ciel ouvert, afin qu’elle y meure à petit feu. Ainsi on économisait en balles et en mauvaises consciences. Seulement il y avait eu un imprévu ou plutôt une imprévue. C’est justement ce qui attirait la docteur Harleen Quinzel en ces lieux.

A vrai dire elle n’y croyait pas tellement. Seulement il ne lui restait rien d’autre à tenter depuis la découverte de cet homme.

Il gisait dans la grande rue de Gotham avec son sac de voyage à coté de lui. Oswald voulait qu’on comprenne bien le message. Ce n’était pas une agression dans le but de le dépouiller mais une punition. Il l’avait seulement délesté le nouveau venu de ses papiers d’identité. Si on l’identifiait cela aurait pu causer des envies de vengeance chez d’éventuels proches.

Gordon n’obtint aucune information à ce sujet. Oswald connaissait trop bien les vices de ses concitoyens pour risquer une dénonciation.

Harleen se chargea de l’inconnu. Il avait subit une sacrée raclée. Les coups au niveau du crâne étaient particulièrement inquiétants. La docteur ne renonça pas pour autant. Elle était encore hantée par le cas de Harvey Dent, qu’elle considérait comme un échec personnel.

Et puis cet anonyme débarqué de nulle part, n’était-ce pas un signe du destin ? Alors elle s’acharna, ne quittant pas un instant le chevet de son patient, essayant tous les traitements possibles.

Malgré ses efforts l’inconnu était entrain de partir. Ce qui amenait Harleen à la rencontre de la shaman légendaire dirigeant à présent cette tribu.

Une lueur d’espoir transparut dans le regard de la docteur à l’approche du village. Un champ et des potagers bordaient l’endroit. Des générations de fermiers avaient pourtant renoncé, et déclaré cet endroit incultivable.

Si cette femme était à l’origine de ce miracle, elle pouvait peut-être en faire un deuxième.

Les indiens ne réagirent pas vraiment à l’arrivée de Harleen, en tous cas pas comme on était en droit de s’y attendre. Pourtant ce genre des visites étaient rares.

Certains habitants la regardaient juste à la dérobée sans vraiment sans préoccuper.

Il émanait de cet endroit une étrange sérénité. Tout le monde avait l’air bien portant. Personne ne présentait de signe de tristesse ou même de lassitude, bien qu’ils soient loin de tout.

Où la pauvre docteur était-elle tombée ?

Elle avait envie de crier :

« Je suis là ! »

Enfin un homme s’approcha. Son âge était difficile à évaluer. A sa chevelure grisonnante et à son visage ridé s’opposait une imposante musculature.

En revanche plusieurs signes allaient dans le même sens : l’air dur, les cicatrices, et l’oeil gauche manquant. Il s’agissait clairement d’un guerrier.

Qu’on envoie ce genre d’homme vers elle, n’était pas engageant. Harleen ne se démonta pas et regarda le borgne bien dans les yeux ou plutôt l’œil. Ensuite elle lui parla en prenant soin de bien appuyer ses mots pour être bien comprise.

« Bonjour...je...veux...parler....à....votre...chef. »

Le borgne l'examina en silence, puis étendit son inspection au véhicule.

« Elle ne devrait pas tarder. » Répliqua-t-il dans un anglais parfait.

Effectivement ce fut le cas. Harleen la repéra assez facilement.

Elle portait une espèce de tunique traditionnelle mais de couleur vert pâle visiblement unique dans les environs. Sa vaste chevelure arborait une teinture rouge vif. Physiquement elle disposait d’une musculature bien dessinée sans un soupçon de graisse.

Elle marchait d’un pas volontaire alors que se formait une sorte de haie d’honneur sur son passage. On aurait dit un gladiateur entrant dans l’arène. Il ne manquait que les vivats.

Le contraste entre l’allure guerrière de cette femme et celle enfantine d’Harleen, était presque caricatural. Peut-être est-ce que cela troubla la docteur ? Car elle eut du mal à trouver ses mots.

« Bonjour... je suis Harleen Quinzel. » Dit-elle finalement faute de mieux.

La femme l’observa à son tour mais d’une manière différente de celle du borgne. Son regard suivait sa silhouette avec un certain plaisir.

« Les vôtres m’appellent Ivy. Parce qu’ils ne sont pas capables de prononcer correctement mon véritable nom. »

Le ton employée était cinglant. La docteur était seule, sans arme, entourée de personnes lui étant totalement étrangères, et dont la meneuse affichait de l’hostilité. N’importe qui de censé aurait immédiatement déguerpit.

Il faut croire que Harleen n’entrait pas dans cette catégorie. Bien que toujours maladroite elle poursuivit ses explications :

« J’amène un homme malade. J’ai tout essayé pour le sauver. Il va bientôt mourir. Il parait que vous savez des... choses. Pouvez-vous l’aider ? »

Aider un blanc ! Cette suggestion était presque une insulte. Malgré tout Ivy ne songea pas à réparer cet affront. Cela risquerait d’attirer le regard des autorités sur sa communauté.

Elle lui fallait donc se contenter d’un simple refus accompagné éventuellement d’un prétexte crédible. Toutefois cette Harleen méritait un peu d’attention.

Déjà elle exprimait une demande au lieu d’une menace ou d’un ordre comme la plupart de ses semblables. Ensuite si on se fiait à ses dires elle était également une femme-médecine. Et surtout Harleen pensait que le savoir de sa consœur pouvait être efficace. Bref cette blanche faisait preuve d’un certain respect.

Puis derrière la cultivatrice, la guérisseuse, et la chef tribale se trouvait une femme, qui appréciait les autres femmes. Par conséquent Ivy n’était pas insensible au mélange de détermination et de vulnérabilité chez Harleen.

Alors elle s’approcha du malade, et eut une sorte de réticence en le voyant. Même tout juste vivant le nouveau venu dégageait un aspect inquiétant à ses yeux. Son apparence lui rappelait quelque chose de malfaisant, mais quoi ?

Rien que le fait de s’être placé à proximité du blessé était une forme d’engagement selon Ivy. Or elle respectait toujours ses engagements. Elle passa outre sa réticence, et débuta son examen.

Harleen reconnut dans son attitude le comportement d’une confrère. Elle reprit un peu espoir d’avoir dénichée cette aide.

« Il est déjà aux portes de la mort. »

« Vous ne pouvez vraiment rien faire ? » Demanda Harleen suppliante.

Ivy céda une nouvelle fois aux grands yeux expressifs de la blanche sans se douter des futures conséquences.

« Un de mes remèdes peut peut-être le sauver. On l’appelle le red hood, car il cause d’importants saignement au niveau du visage. Il provoque également une grande souffrance, qui change la personne à jamais. C’est pourquoi je ne l’utilise que très rarement. »

« Faites-le. »

Cette fois les paroles de Harleen sonnaient comme des ordres. Sous l’excitation elle venait de commettre une grave erreur. Heureusement qu’Ivy avait à sa façon déjà donné sa parole au sujet de la tentative de guérison du malade.

******************************

Une volonté de fer, un charisme naturel, et un don exceptionnel la liant à la terre. Malgré tout ce bagage impressionnant un rire suffisait à ébranler Ivy.

Et elle n’était pas la seule. Les autres membres de sa tribu eux aussi avaient connu une nuit difficile.

Ce rire si puissant couvrait une bonne partie de Blackgate, comme s’il voulait s’en emparer.

Normalement après avoir ingurgiter le red hood on poussait des cris de douleur. Pourquoi en allait-il différemment avec lui ?

Au lever du jour le silence se fit enfin entendre. Sans la moindre concertation tous les habitants se rassemblèrent autour du tipi où l’on avait logé le malade.

Tous sentaient que la suite serait importante

Le silence se révéla pire que le rire précédent. Il suggérait un vide, un mystère dont les conséquences étaient incertaines.

Au bout d’une trentaine de minutes il apparut. Même s’il était pâle et affaibli, il arborait un grand sourire. Et ce serait éternellement le cas. Cette nuit entière de ricanement avait causé une sorte de blocage facial. Ainsi la bouche du nouveau venu était étirée presque jusqu’aux oreilles.

Il était seulement vêtu de son pantalon et de sa veste. Ivy fut particulièrement marqué par son regard. Ces yeux semblaient prêts à sortir de leurs orbites.

Derrière se tenait Harleen. Bien qu’Ivy lui ait indiqué l’inutilité de cette action, elle avait tenu à rester au chevet de son patient.

Elle aussi avait changé. Bien que sale et les traits tirés, la docteur resplendissait, comme si elle était en état de grâce.

C’était donc cela l’objet de tant d’attente ? Un duo à l’allure cadavérique et à l’air hébété.

Le nouveau venu en percevant la foule autour de lui subit une véritable transformation. Il se redressa et s’avança d’une démarche chaloupée. Jamais on aurait crû qu’il venait de frôler la mort.

Ayant un public attentif le nouveau venu se décida à prendre la parole avec un timbre assez grandiloquent.

« Vous devez être Ivy je présume ? »

La femme limita sa réponse à un hochement de tête.

« La charmante dame à mes côtés m’a tout raconté. Je devrais vous remercier. »

Ivy demeura muette, attendant fièrement le fruit de ses efforts.

« Pourtant je ne le ferais pas. Car c’est ma chère docteur, qui a insisté au sujet du red hood. Vous ne vous en servez pas beaucoup, je parie ? »

N’acceptant pas qu’on la reprenne sur son rôle de guérisseuse, Ivy se décida enfin à répliquer.

« Le red hood est un remède puissant mais dangereux. »

« Dangereux pour qui ? » Rétorqua le nouveau venu en se rapprochant. « Ce breuvage a certaines vertues que vous préférez dissimuler. Car grâce à elle votre peuple pourrait reprendre ses terres et sortir de cette servitude où vous êtes la reine. »

« Le red hood soigne et rien d’autre. »

Ivy était troublée. Que cherchait-il à faire ? Il l’attaquait sur son propre domaine. De plus il s’agissait un domaine extrêmement secret, dont cet homme étrange ne pouvait en aucun cas avoir connaissance.

« Vraiment ? Prouvez-le alors ? » Déclara le nouveau venu en lui présentant un couteau par le manche. « Montrez à quel point le red hood m’a laissé ordinaire ? »

Décidément cela n’avait aucun sens. Peut-être était-ce un coup de bluff ? Il pensait qu’elle n’oserait pas tuer un blanc, et comptait utiliser son renoncement comme une sorte de preuve.

Ivy s’empara de la lame dans l’intention d’effectuer une blessure mineure et ainsi piéger cet homme.

Puis en le voyant de si près elle réalisa enfin l’origine de sa réticence passée à son égard. Son nez allongé, son sourire carnassier... un coyote voilà à quoi il ressemblait.

Le coyote dans les légendes était l’esprit perturbateur, celui qui ne respectait pas les convenances, celui qui trompait les humains. Comment n’avait-elle pas vu les signes ! Jamais elle n’aurait dû laissé cet être malfaisant pénétrer dans son village.

Il était encore temps de rattraper son erreur. Ivy planta le couteau en plein dans le ventre. Face à cette action le nouveau venu se contenta d’exprimer un « ouille » ironique.

Quant à Ivy complètement désemparée elle laissa tomber le couteau. Sa propre magie lui échappait !

Bien qu’ayant déjà durement atteint son adversaire le nouveau venu ne s’arrêta pas là.

Il s’écarta d’Ivy afin d’être plus visiblement par la foule et ouvrit sa veste en grand. Ainsi tous purent constater l’absence de blessure sur son ventre.

« Regardez ce dont elle vous a privé ! Avec un tel pouvoir vous auriez pu vaincre les blancs. Vous seriez encore des chasseurs et de guerriers. Au lieu de cela vous vous terrez, et mangez des navets. »

C’était du grand spectacle. Pas celui qui distrait le temps d’une soirée, mais qui change la perception des spectateurs.

Ainsi leur sauveuse avait menti. A la place de la récupération de la terre volée, de la justice, de la vengeance, et de la victoire, elle leur avait imposé cette petite vie paisible à Blackgate.

Toutes leurs frustrations qu’ils retenaient jusqu’alors, venaient enfin de trouver un exutoire. Quelques hommes s’approchèrent d’Ivy avec une attitude clairement hostile.

Après sa magie ce peuple qu’elle dirigeait depuis des années, lui tournait également le dos.

Acculée Ivy en revint à la pierre angulaire de sa vie : la communauté.

« C’est un blanc. Ne l’écoutez pas. »

A peine venait-elle de finir, que le nouveau venu enchaina. A croire qu’il avait tout prévu.

« Un blanc qui a été touché par votre magie, qui lui doit la vie, qui a été chassé par les autres blancs, qui connait vos ennemis, qui sait comment les vaincre, et surtout qui veut les vaincre contrairement à une certaine personne. »

Aussi excentrique soit-il le nouveau venu incarnait l’espoir. Là où Ivy se limitait à la survie. Le choix allait de soit.

« Tu nous as menti. » Balança violemment l’un des indiens à son ancienne dirigeante en reprenant sa marche vers elle.

C’est alors qu’il entra en scène. Il était le seul à être demeurer passif jusqu’à présent. Le borgne se plaça devant Ivy et rien de plus. Il ne portait même pas d’arme.

Pourtant cette simple action suffit à freiner les autres indiens avides de vengeance.

Suivi alors une sorte de duel silencieux. Le borgne savait qu’il le pourrait pas vaincre cette multitude. Tout comme les autres savaient que plusieurs d’entre eux périraient de ses mains avant qu’il ne soit à terre.

Un autre geste infime finit par briser l’impasse. Ivy mit sa main sur l’épaule du borgne et lui dit :

« Pas entre nous. »

Il répondit d’abord par un air triste avant de s’écarter docilement.

Ce fut ensuite au tour de ses agresseurs de recevoir un ordre.

« Pas devant lui. »

La seconde d’après elle leur tourna le dos sans même douter qu’on lui obéiraient, et s’engouffra dans son tipi.

D’abord prit au dépourvu les quelques hommes retrouvèrent leur colère et la suivirent à l’intérieur.

« Faites vous plaisir. » Leur dit le nouveau venu savourant sa victoire.

Puis quelqu’un gâcha la fête.

« Attendez.» S’écria une femme. « Il n’y a qu’elle qui sait préparer le red hood. »

Un léger rictus de contrariété passa sur le visage du nouveau venu, avant qu’il ne se reprenne.

« Pas d’inquiétude. Je suis venu avec une femme, qui saura très certainement percer le secret de sa fabrication. »

« Oui. Je trouverais. » Confirma Harleen d’une voix forte.

Être prit à parti fut comme une sorte de réveil. Jusqu’à présent elle avait observé son patient avec fascination. Il était pratiquement revenu des morts. Et voilà qu’en quelques instants il s’emparait du pouvoir.

Dès le début elle avait perçu quelque chose de particulier en lui. Et elle ne s’était pas trompée. Toutefois une question la taraudait. A son réveil elle lui avait immédiatement expliqué la situation sous l’urgence. A présent elle pouvait enfin lui demander.

« Qui êtes-vous ? » Lui souffla-t-elle en s’approchant.

Le nouveau venu eut d’abord un passage à vide. Il ne parvenait pas à se souvenir de son propre nom. Instinctivement il tâta ses vêtements à la recherche de ses papiers et y trouva tout autre chose : la fameuse carte à jouer. Étrangement il se souvenait parfaitement des événements récents liés à ce bout de papier.

Quel importance au fond qui il était. Ce qu’il pouvait ou plutôt voulait être, voilà ce qui comptait réellement. La vie n’était qu’un jeu. Et le meilleur moyen de gagner n’était-il pas de tricher, c’est-à-dire d’imposer ses propres règles ?

Alors il présenta la carte à cette femme visiblement médusée. Qu’il était agréable d’avoir un public si attentif.

« Je suis lui. Celui qui peut endosser tous les rôles, et permet de se sortir des mauvaises passes. »

Pas de doute la docteur était sous sa coupe. Elle s’était présentée précédemment à son réveil. Son nom et son prénom inspira brusquement l’auto-proclamé Joker.

« Quant à toi tu me rappelles mon personnage préférée de la commedia dell'arte : multicolore, inventif, et si énergique. Désormais tu es Harley Quinn. »

Alors qu’une femme agonisait un peu plus loin, une autre venait de prendre vie.


Texte publié par Jules Famas, 28 avril 2021 à 21h47
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