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tome 1, Chapitre 35 tome 1, Chapitre 35

Toulouse, mercredi 16 juin 2032

« Je reviens vite ! »

Papiers sous le bras, rouleau de scotch dans la poche, Théodore enfila une paire de savates et sortit. Un voile de nuages masquait le ciel, ce matin. L’air chaud, chargé d’humidité, promettait une journée désagréable ; il pouvait presque sentir son poids sur les épaules.

Il n’eut pas le temps d’atteindre la rue que la porte d’entrée se rouvrit en trombe derrière lui.

« Théodooore ! »

Il se retourna, les yeux roulant dans ses orbites. Que lui voulait-elle, encore ? Ce qu’elle était fatigante ces jours-ci… À surveiller ses allers et venues, façon mère poule, elle lui rendait la vie de plus en plus compliquée.

« Oui ?

— Tu vas où ?

— Mais voyons, tu sais bien… Je dois afficher ça, pour le chat. Et acheter le pain, aussi. »

Pour une fois, c’était vrai. Pas de rendez-vous à la clinique aujourd’hui. Pas besoin de mentir en lui disant qu’il se rendait, encore une fois, à la bibliothèque.

« Ne va pas trop loin, quand même. Avec cette température… Tu as ton téléphone avec toi ? »

Il hocha la tête et tapota la poche arrière de son pantalon ; c’est là qu’il transportait son mobile.

« Tu ne prends pas ta casquette ?

— Il n’y a même pas de soleil… »

Suzanne leva le nez, puis examina les cieux d’un œil expert. Elle tordait ses lèvres, en proie au doute.

« Mmh… Ça va peut-être se dégager. Ne bouge pas, je vais te la chercher ! »

Soupir.

Elle revint bientôt avec son couvre-chef – une antiquité qui portait encore le logo de son club d’escrime, décolorée et déformée par ses nombreux lavages. Elle se mit sur les pointes et la lui vissa sur la tête. Théodore se pencha pour lui faciliter la tâche.

« Merci. Je peux y aller maintenant ? »

Elle planta son regard dans le sien, avec la même intensité que si elle essayait de lire dans ses pensées. Enfin, elle hocha la tête à contre-cœur. On voyait que ça ne lui plaisait pas de le laisser partir. Elle se comportait comme une midinette qui, sur le quai d’une gare, fait ses aurevoirs à son soupirant. Théodore esquissa une moue perplexe. Après cinquante et un an de mariage, que lui valait cette résurgence de passion amoureuse ? Il n’avait pourtant rien fait de spécial. Rien offert de particulier…

Aaaah, les femmes… Vous croyez les comprendre, elles vous surprennent toujours.

« Bien. À tout à l’heure, ma Suzon. Ne t’inquiète pas, je ne vais pas me perdre. »

Il s’éloigna avec un signe de main, puis s’engagea dans la rue où il s’arrêta le temps de soupirer de soulagement. Ouf, un peu d’air… ! Et plus besoin de faire semblant. Ses yeux balayèrent le voisinage, à la recherche de sa première cible : le lampadaire du trottoir d’en face ferait parfaitement l’affaire. Il traversa, déroula l’une des affiches qu’il tenait sous le bras, l’appliqua sur le poteau et l’y fixa de quelques bouts de scotch. Bien à hauteur des yeux. Ses doigts s’attardèrent sur la photo, la caressèrent d’un geste plein de regrets.

« Chat perdu ! Ernestine, femelle à poils roux, 7 ans, tatouée. Contacter Théodore et Suzanne Leroux. »

C’était la première fois qu’elle disparaissait. Après les élans passionnels de Suzanne, Ernestine qui fuguait face aux affres d’une crise d’ado tardive ? Que se passait-il dans cette maison ?

Les paupières lourdes de chagrin, les épaules basses, le pas traînant, Théodore se remit en route. Son cœur se serrait à la pensée qu’il ne la reverrait peut-être jamais. Sa chère partenaire de lecture… Son adorable boule de poils à moteur. Partie… Disparue. Pourvu qu’elle n’ait pas fini sous les roues d’une voiture, son corps jeté dans la première poubelle…

Son stock d'affiches écoulé, Théodore erra encore un peu en promenant son regard à la recherche de l’animal. Il croisa plusieurs félins, mais pas d’Ernestine. Bredouille, il finit par renoncer et se dirigea vers la boulangerie. Et c’est là, au détour d’une propriété, qu’un nouveau malaise le saisit. Sa tête se mit à tourner, ses bras et ses jambes à fourmiller. Sa vision se troubla. Il chercha un banc à proximité, n’en trouva aucun. Faute de mieux, il s’appuya contre un mur d’enceinte et ferma les yeux.

Des épisodes du même genre, il en arrivait de plus en plus souvent. Quand ce n'étaient pas des migraines ou des nausées qui lui coupaient l’appétit. Il avait d’ailleurs bien maigri depuis quelques semaines. Combien de temps avant que Suzanne ne s’en aperçoive ? À moins qu’elle ne s’en soit déjà rendue compte, ce qui expliquerait pourquoi on mangeait si gras, dernièrement. Il n’en pouvait plus des gratins et des lasagnes !

Lorsqu’il reprit possession de ses sens, il lâcha la muraille et reprit sa marche. Il progressait d’un pas lent. Ses yeux s’arrêtaient ici et là, sur des petits détails pourtant familiers : le cerisier d’un voisin qui donnait ses premiers fruits ; les graffitis colorés d’une boite aux lettres publique ; un père Noël en plastique, toujours accroché à son balcon en plein mois de juin.

À la boulangerie, il acheta sa baguette de campagne et fit demi-tour. À mi-chemin, ses genoux lui crièrent de se reposer. Il avisa un banc à l’orée d’un petit parc à chiens et s’y installa, le temps de souffler un peu. Quelques passants le dépassèrent sans le voir. Théodore les suivit des yeux, envieux de leur apparente insouciance. Deux moineaux s’approchèrent de ses pieds. Il les observa picorer le trottoir. Dans un élan de générosité, il arracha le quignon de sa baguette et leur jeta quelques morceaux.

Ces oiseaux… Avaient-ils été humains, autrefois ? Le deviendraient-ils à leur mort ?

Il essaya de s’imaginer, lui-même, en oiseau. Quel effet ça ferait, de voler au-dessus des toits ? Sans autre préoccupation que son prochain repas… ou la recherche d’un partenaire d’accouplement. Il faudrait aussi veiller à ne pas finir sous la dent d’un chat. Ou contre le pare-brise d’un camion… Théodore frissonna, à cette idée. Hop ! Il leur lança quelques miettes de plus. Pour la route, et par solidarité inter-espèce.

Tandis qu’ils se disputaient les plus gros bouts, une silhouette, un peu loin, accrocha son regard. Il releva la tête, plissa les yeux et s’inclina pour mieux voir.

Mon cerveau doit encore me jouer des tours.

Il se releva en gémissant et, bras ballants, dévisagea la personne qui s’approchait en traînant un lourd bagage.

Charlotte ?

C’était bien sa fille qui s’avançait vers lui. Même qu’elle riait de sa déconvenue !

« Bonjour, papa ! On se promène ?

— Mais… Ton travail ?

— C’est terminé. »

Il afficha un air mi-peiné mi-incrédule. Après Suzanne et Ernestine, voilà Charlotte qui perdait, elle aussi, la raison !

« Mais enfin, pourquoi ?

— Je suis partie. J’ai fini ce que j’avais à faire là-bas. Et puis... tu me manquais. »

Elle coupa court à toutes ses interrogations en le serrant dans ses bras. Malgré son trouble, il lui rendit son étreinte.

« On rentre ? » lui dit-elle simplement.

Il hocha la tête en s’écartant.

« Ta mère est au courant ? »

Elle lui répondit d’un sourire malicieux.

« Pourquoi on ne me dit jamais rien, à moi ?

— Rooh… Je voulais juste te faire la surprise. Pas la peine de ronchonner. Tu viens ? »

Elle lui proposa son bras ; il passa le sien dans la boucle et elle l’entraîna vers la maison. Il ne fallut que quelques minutes pour qu’ils évoquent les dernières recherches de Rhapsody Blue. Même si Charlotte n’y travaillait plus, elle semblait toujours aussi passionnée. Théodore l’écouta avec plaisir, commenta et rebondit plusieurs fois.

« Quel dommage que tu ne fasses plus partie de l’équipe, lui dit-il à quelques pas du portail de chez lui.

— Désolée… Il va falloir te contenter des news, maintenant. Et pareil pour moi ! »

Dès qu’ils poussèrent la porte, Suzanne les accueillit avec effusion. Elle donnait l’impression d’avoir guetté son retour… ou peut-être l’arrivée de Charlotte ? Probablement les deux.

« Charlotte ! Te voilà ! Oh, mais vous rentrez ensemble ?

— Oui, je l’ai ramassé sur le trottoir, plaisanta sa fille. »

Le visage de Suzanne se décomposa.

« Comment ? Tu es tombé ?

— Mais non… Arrête !

— C’était juste une façon de parler, précisa Charlotte.

— Ne me faites pas peur comme ça ! Et puis regarde comme il a maigri… »

Suzanne tira sur sa chemise ; Théodore la repoussa d’un air agacé. Ses doutes se confirmaient : elle s’était bien aperçue de sa perte de poids. Il l’avait sous-estimé, comme souvent.

« C’est vrai, oui. Tu as les joues toutes creuses, papa. Tu manges bien, quand même ? »

L’air attristé de Charlotte le fit sortir de ses gonds.

« Mais qu’est-ce qui vous arrive, à la fin ! Tu ne vas pas t’y mettre, toi aussi ? Et puis laissez-moi entrer, j’ai chaud ! »

Les dames s’écartèrent. Il franchit le seuil, fit voler sa casquette sur un meuble et partit déposer le pain dans la cuisine. Il se servit un verre d’eau et s’apprêtait à revenir au salon… quand il vit sa femme et sa fille échanger des messes basses dans l’entrée. Il fronça les sourcils.

Qu’est-ce qu’il y a, encore ? Ce n’est pourtant pas mon anniversaire ?

Une vague appréhension s’invita au creux de son estomac. Et si elles savaient ? Si elles avaient découvert son secret ? Il devait s’en assurer… Il les rejoignit, son verre à la main, et se gratta la gorge de façon peu subtile.

« Bon, et si on m’expliquait ce qui se passe, ici ? »

Elles se tournèrent vers lui et le dévisagèrent comme si elles n’avaient pas compris sa question. Théodore se sentait perdre pied. Ce silence, il lui évoquait le calme qui précédait les tempêtes. Et la façon dont Suzanne venait de placer ses mains, bien à plat sur ses hanches, lui donna envie de fuir en cuisine et de barricader la porte.

Théodore vit sa femme jeter un coup d’œil à Charlotte, qui hocha la tête. Les voilà devenues télépathes...

« Ce qui se passe ? dit Suzanne dont la voix chevrotante trahissait sa colère. Ce ne serait pas plutôt à toi de nous le dire ? Théodore… J’ai trouvé ta lettre. »

Oh non…

« Elle date de janvier, peu après ton enregistrement. Je sais qu’ils ont détecté quelque chose… Je ne sais juste pas quoi. Pourquoi tu m’as caché ça ? Tu pensais que je ne m’en apercevrais pas ? »

Théodore sentit le vide envahir son esprit. Il lui sembla tomber de haut, comme cette fois où il avait prétendu trébucher sur un câble. Il tendit le bras pour s’appuyer sur la commode de l’entrée. La lettre… Évidemment. Mais Suzanne n’était pas encore prête ! Il n’avait pas su la convaincre à temps. Comment allait-elle réagir s’il lui avouait maintenant ?

« On devrait peut-être s’asseoir ? » suggéra Charlotte.

Il sursauta lorsque sa fille posa une main sur son épaule. Ce contact le ramena à la réalité. Il approuva sa proposition et se laissa guider jusqu’au sofa. À quoi bon résister ? Il avait passé l’âge des caprices. Et ce n’est pas comme s’il pouvait renverser les choses, ni remonter le temps.

Lorsqu’ils furent tous assis, Suzanne récupéra le classeur rouge et en tira la fameuse enveloppe. Par réflexe, il esquissa un mouvement pour l’en empêcher, avant de réaliser la futilité de son geste.

Ça ne sert à rien. Il est trop tard…

Le regard accusateur de Suzanne lui fit mal au cœur. Il n’aurait peut-être pas dû essayer de la protéger. Peut-être qu’elle ne voulait pas l’être…

« Pourquoi tu n’as rien dit ? »

Il baissa la tête et chercha ses mots, mais aucun ne lui semblait vraiment approprié.

« Théodore ?

— Désolé. Je… J’imagine que… c’était plus facile de faire comme si de rien n’était. Je ne voulais pas qu’on me traite ou qu’on me regarde de façon différente. Je ne voulais pas vous inquiéter. Ni vous attrister. »

Il vit Suzanne secouer la tête de gauche à droite. Atterrée. Déçue. Rien n’était aussi douloureux que le mépris qu’il lisait dans ses yeux.

« Mais je pensais vraiment te le dire ! Je te le promets, Suzon. Et à toi aussi, Charlotte, évidemment.

— Me dire quoi ? On ne sait toujours pas ce que tu as. »

Dis-le… Prononce-le… Allez !

— Une… tumeur. Au cerveau. Cancéreuse. »

Et voilà. Ce qu’il redoutait le plus : la pitié, dans leur regard. S’y ajoutèrent l’horreur et la panique. Suzanne se cachait la bouche d’une main ; Charlotte se pinçait les lèvres, les yeux écarquillés.

« Tu suis un traitement ? demanda sa fille, une fois le choc passé.

— Non… Mais je suis suivi par un médecin.

— Tu… n’as pas de traitement ?

— Le traitement, pour les tumeurs au cerveau, c’est la chirurgie. »

Il avait réussi à le dire plus facilement, cette fois. Il était fier de lui.

« Et sans doute une chimio en plus. Ou une radiothérapie. Les risques d’échec sont élevés… Alors pour l’instant, on surveille l’évolution. »

Suzanne laissa échapper un bruit de gorge, comme un début de sanglot.

« Et tu… Tu attendais quoi au juste, pour nous le dire ? »

Il resta silencieux, le regard tourné vers le tapis.

Tu ne comprendrais pas…

« Théodore… réponds-moi. S’il te plait.

— J’attendais que tu sois prête.

— Quoi ? … Prête à quoi ?

— Prête à… l’entendre. Je ne voulais pas que t’imagines que j’allais disparaître. Que j’allais t’abandonner.

— Je ne comprends pas… Ce n’est pas ta faute, si tu es malade.

— J’ai pensé que… si tu… Je veux bien t’expliquer, mais ne te mets pas en colère, s’il te plait. Écoute-moi jusqu’au bout. »

Elle hocha la tête pour l’inviter à continuer. D’un signe de la main, Charlotte lui demanda s’il préférait qu’elle sorte. Il lui indiqua que ce n’était pas nécessaire.

« Je pensais que si j’arrivais à te convaincre que je ne m’en irais pas tout à fait… alors, cette nouvelle… cette… maladie, serait plus facile à accepter pour toi. Plus facile à vivre pour nous deux. Que nous aurions pu voir ça comme… un adieu temporaire – de quelques mois ou années – avant de se retrouver autrement. Mais pas dans le ciel ! Ici, sur terre, bien vivants tous les deux. »

Suzanne semblait perdue. Il allait devoir se montrer plus explicite…

« Tu sais, si… j’arrivais à me réincarner quelque part, dans ton entourage. Je pensais que si je le voulais très fort, alors j’y parviendrais. Mais que tu devais y croire aussi, sinon ça ne marcherait pas. Sinon, tu ne me chercherais pas. Est-ce que tu comprends ? »

Les lèvres de sa femme se mirent à trembler. Et soudain, les vannes s’ouvrirent et un torrent de larmes inonda ses joues. Théodore avait échoué… Il était le pire des hommes et des époux. Désolé, il tenta de l’apaiser en lui prenant la main. Du coin de l’œil, il vit sa fille pleurer aussi, mais plus discrètement. Elle regardait ailleurs, pudique.

« Ce n’était pas nécessaire… Même si tu pars en premier, je sais que je te retrouverai plus tard. Au ciel.

— Suzanne… Je n’y crois pas. Tu le sais, non ?

— Et je ne crois pas à la réincarnation… »

Théodore hocha la tête. Ça, il l’avait bien compris. Malheureusement.

« Pour tout t’avouer, je pense qu’en voulant te convaincre toi, j’essayais aussi de m’en convaincre moi-même. J’avais besoin de solide pour ne plus avoir peur. Si on était deux à le penser, alors ce serait devenu concret. Ce serait devenu vrai, dans ma tête. C’est ce que j’imaginais. »

Il observa le tracé des larmes sur les joues de sa femme. Rien ne semblait pouvoir la consoler.

« Oh Théodore… Tu aurais dû m’en parler.

— J’ai essayé… Pardon. J’ai… »

Il se tut quand Suzanne le serra dans ses bras. Attendri, la gorge nouée par la culpabilité, il appuya sa tête sur son épaule et l’enveloppa à son tour.

« Et cette tumeur… elle en est où ? risqua sa fille, la voix cassée.

— Le médecin conseille d’opérer rapidement. »

Charlotte soupira.

« Tu ne veux vraiment pas essayer ? »

Suzanne s’écarta et saisit ses bras comme si elle voulait le secouer.

« Théodore, sois raisonnable ! S’il y a une chance, il faut la saisir…

— À quoi bon ? Il y a tellement de chances d’échec… Je préfèrerais que tout finisse ici, plutôt qu’à l’hôpital dans un état végétatif. Au moins, je serais plus proche de la zone où je voudrais renaître. »

Charlotte secoua la tête, désapprobatrice.

« Oh papa… Si j’avais su que nos discussions t’inciteraient à ne pas te soigner !

— Ça n’aurait rien changé. J’aurais fait le même choix. Mais grâce à toi et aux recherches de Rhapsody Blue, j’ai un peu moins peur... Même s’il y a des jours où je ne peux pas m’empêcher de douter. C’est difficile à intégrer totalement. La réincarnation… En fait… En fait, tu sais quoi ? J’ai toujours envié ta mère, de croire en Dieu. Et surtout au Paradis. »

Une vérité si difficile à avouer qu’il n’osait plus regarder sa femme dans les yeux.

« J’aurais aimé être aussi convaincu de l’existence d’une âme, éternelle, qui monte au ciel après la mort de son porteur. C’est tellement plus rassurant ! Plutôt que de ne croire qu’au néant. À l’écran noir. À la machine qu’on débranche. »

En face de lui, son classeur rouge reposait, grand ouvert, sur la table basse à la catégorie des voyages spatiaux.

« Pourquoi vous croyez que j’entasse toute cette paperasse ? s’exclama-t-il en montrant ses articles. Que je me passionne autant pour les études de Rhapsody Blue ? Parce que je suis mort de trouille ! Voilà pourquoi ! »

Ne t’énerve pas… Ce n’est pas leur faute.

Ses aveux flottèrent un instant, comme suspendus dans les airs. Théodore prit une longue inspiration, qu’il relâcha bruyamment. Il savait que sa femme et sa fille l’observaient, dans l’attente. Sauf qu’il n’avait plus rien à dire.

« Oh Théodore, gémit Suzanne lorsque le silence devint malaisant.

— Pardon pour tout ça. Je sais que je n’ai pas été facile à vivre ces quelques mois… »

Il passa une main sur son visage, pour en effacer la fatigue et rassembler son courage.

« Dites… Est-ce que vous m’aiderez ? Si j’accepte… »

Elles le regardèrent, sans comprendre.

« Si j’accepte l’opération. J’aimerais essayer, finalement. Pour prolonger un peu le temps passé avec vous… »

Même si je renais et qu’on se retrouve, je ne me souviendrai peut-être pas de vous… Je ne serai sans doute qu’un inconnu. Et non plus un père ou un époux.

Leurs visages s’illuminèrent d’un sourire. La seconde qui suivit, Théodore croula sous les démonstrations de tendresse qu’il accueillit d’un grognement. Il était le premier surpris par sa décision, mais il ne regrettait rien. Au moins, maintenant, il avait des câlins.

« Mais bien sûr, lui dit sa femme, qui riait à travers ses larmes. Tu penses vraiment qu’on va te laisser seul à l’hôpital ?

— On va se battre avec toi, acquiesça Charlotte. »

On sonna à la porte.

« Oh zut… Antoine ! Je l’avais complètement oublié, s’affola Suzanne. Il doit venir déjeuner. Je pensais attendre qu’il soit là pour parler de tout ça. Tant pis… Et le repas qui n’est pas prêt ! »

Elle s’écarta et partit ouvrir à leur fils.

Charlotte lui tendit la main en souriant. Il la prit, en soupirant d’un air soulagé. Ça ne s’était pas si mal passé, finalement… Mieux qu’il ne l’avait espéré.


Texte publié par Natsu, 23 juillet 2021 à 06h31
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