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tome 1, Chapitre 9 « 9 - Elférad - Y en a marre » tome 1, Chapitre 9

Elférad et Gzadien avaient des codes. On n'était jamais trop prudent après tout et l'héritier d'argent ne s'était pas arrangé pour parler des vêtements du garçon par simple plaisanterie. C'était le genre de commentaire qu'il faisait en privé. Alors qu'ils s'en retournaient vers leur classe, Elférad profita d'un moment d'inattention de ses amis pour fouiller les poches de son pantalon. Il en sortit un bout de papier plié en quatre. Il l'ouvrit discrètement. Une phrase toute simple :

J'ai trouvé.

L'adolescent s'arrêta brusquement pour relire ce qu'il avait sous les yeux, puis se ressaisit. Il s'empressa de ranger le papier avant que ses amis ne se demandent ce qu'il était en train de faire. Le reste de la journée passa avec une lenteur effarante. Après la dernière heure, le garçon dût se retenir de ne pas se précipiter hors de la salle pour retrouver Gzadien. On se calme. On n'attire pas l'attention. Ils allaient prendre l'escalier qui montait au dortoir quand ils croisèrent l'héritier d'argent qui descendait. Neghttris leva un bras pour le saluer :

-Hey ! Tu vas où ?

L'interpellé sourit :

-Je dois passer à la bibliothèque.

Lyert ricana :

-Comme si ça aidait à se concentrer.

Gzadien leva les yeux au ciel en riant, continuant sa descente. Elférad salua ses amis en disant :

-Je vais avec lui, à plus.

Ils lui rendirent son salut avant de continuer leur route. Gzadien attendait l'adolescent au bas de l'escalier. Ils marchèrent main dans la main, l'air de rien en direction de la bibliothèque.

-Alors ? C'est qui ?

-Une fille de première année.

Elférad se tut lorsqu'ils croisèrent un élève et attendit un peu pour être sûr qu'il était assez loin, avant de demander :

-Comment tu as su ?

-J'ai écouté. Je traînais vers la cour nord à la pause et des gars parlaient d'une fille qu'ils croisaient quand ils allaient à la douche. Ils l'ont déjà vu plusieurs fois. Je pense que ce doit être elle.

Elférad y réfléchit un instant avant de relever :

-Mais, on la verrait. Tu sais, je l'ai dit ce matin. Je l'aurais vu en sortant. Il n'y a pas moyen qu'elle ait atteint les escaliers avant.

Gzadien eu un sourire mystérieux :

-Peut-être parce qu'elle n'a pas atteint l'escalier.

Elférad sourit à son tour :

-Parce qu'elle entrait dans une chambre.

L'héritier d'argent claqua des doigts :

-Exact ! Bon, aucun n'a pu me dire quelle chambre c'était, mais oui.

-Ils ont pu te dire quel clan ? Ils t'ont décrit son blason.

Gzadien lui sourit d'un air désolé et Elférad se souvint soudain qu'ils avaient tous retiré leur blason pour le "jeu des souhaits". Il passa une main sur sa poche de poitrine où le rond de métal manqué.

-Ils ont pu me dire qu'elle était assez petite, mince, des cheveux noirs et blancs. Elle est héritière d'argent. Avec ça, je vais bien réussir à la retrouver.

Elférad proposa :

-Je pourrais chercher de mon côté aussi.

Gzadien eut un petit rire :

-Laisse tomber, tu vas te faire remarquer. Je la trouverai, je t'assure.

-Je n'en doute pas, mais tu m'attends pour l'interroger.

-Promis.

Elférad restait quand même frustré. Cela faisait deux semaines qu'il se retenait. Il avait d'abord voulu taper à toutes les portes pour interroger chacun des garçons du dortoir, mais Gzadien lui avait gentiment fait remarquer qu'à courir comme un fou, tout le monde aurait vu qu'il avait un problème. Et un héritier d'or avec un problème, à peine deux semaines après la rentrée, cela pouvait donner des idées aux autres. Pourquoi pas se débarrasser du taré qui frappait à toutes les portes de bon matin ? Puis, l'héritier d'or avait voulu interroger tout le monde, n'importe qui et , à nouveau, Gzadien l'avait arrêté pour les mêmes raisons. Il lui avait fait remarquer que le seul à pouvoir se balader en posant des questions, c'était lui. Avec son blason, personne ne lui aurait parlé, mais à présent, on se méfiait moins. De plus, un héritier d'argent curieux attirait moins l'attention qu'un héritier d'or.

-Mais qu'est-ce qu'on a là ?

Elférad se mit à râler en voyant surgir des secondes années de derrière un mur :

-Non, mais si vous vous planquez maintenant, aussi.

L'adolescent aux broderies d'or qui leur faisait face, croisa les bras :

-C'est le seul moyen qu'on ait pour choper quelques premières années.

Il se tourna vers ses camarades :

-Alors, les gars ? On leur demande quoi aux amoureux ?

Il y eut un conciliabule qui ne dura pas bien longtemps avant que l'héritier d'or ne dise :

-Nous souhaitons... que chacun de vous face cinquante pompes.

Une fille du groupe ajouta :

-Et torse nu.

Elférad et Gzadien échangèrent un regard, puis l'héritier d'argent proposa :

-On en fait cent et on garde nos chemises.

Le groupe se consulta pour finalement acquiescer. Ils posèrent sacs et vestons, mais avant de commencer, Elférad demanda :

-Si l'un de nous lâche, l'autre peut finir à sa place ?

Après un nouvel échange de regard, on leur donna la permission. Ils commencèrent.

Comme de nombreux héritiers d'or, Elférad avait reçu un entraînement physique plutôt intense. Faire des pompes ne l'inquiétait pas outre mesure. Il se débrouillait aussi pas mal avec une arme à feu ou une arme blanche. En revanche, la famille de Gzadien n'avait sans doute pas eu l'argent pour lui payer un professeur particulier après l'école. C'est déjà un miracle qu'il soit entré dans cet établissement.

A la fin de l'année dernière, Elférad s'était préparé à des adieux déchirants, persuadé que Gzadien continuerait sa scolarité dans une école commune. Celui-ci l'avait surpris en disant qu'il serait avec lui à l'école des héritiers. Il ne faisait aucun doute que sa famille avait encore réussi à baratiner la grande famille de leur nouveau clan.

Il surveilla les efforts de Gzadien du coin de l’œil. Au bout de quarante, il vit qu'il commençait à faiblir. Elférad continua assez tranquillement. L'héritier d'argent laissa tomber en arrivant à quatre-vingt et le groupe lança :

-Te voilà avec vingt de plus.

L'adolescent laissa vagabonder son esprit. Une fois habitué à l'effort, peu importait le nombre de pompes à faire. Il s'occupa en réfléchissant à cette histoire de notes. Il ne revint à l'instant présent qu'en entendant le groupe qui commençait le décompte :

-5, 4, 3, 2, 1, 0.

Il eut droit à une ovation tandis qu'il se relevait.

-Merci, merci.

Lorsque les secondes années cessèrent d’applaudir, il demanda :

-On peut y aller ?

Ils s'écartèrent pour leur laisser le passage.

Les deux garçons travaillèrent à la bibliothèque sans reparler de la fille. Cependant, alors qu'ils allaient manger, Elférad ne put s'empêcher de relancer :

-On pourrait sortit tôt demain matin pour la choper sur le fait.

Gzadien passa un bras autour de ses épaules :

-Tu veux qu'on se planque dans le couloir dès que les portes sont ouvrables ? Parce qu'on y avait déjà pensé, je te rappelle, mais il n'y a pas d'endroit où se cacher dans le couloir.

Elférad lui envoya un coup dans les côtes :

-Bien sûr, je sais ça. Je m'en souviens.

Gzadien répliqua en lui envoyant un coup dans le dos que l'héritier d'or évita :

-Bah alors, de quoi tu parles ?

-On va au-devant d'elle. On ne se cache pas.

Le jeune homme n'eut pas besoin de réfléchir pour répondre :

-Mais on risque de se faire remarquer. Deux gars qui agressent une fille dans un couloir, ça ne passera pas inaperçu.

Elférad leva les yeux au ciel :

-Agresser, tout de suite. On va lui parler. Ça aura l'air d'une discussion entre amis.

Gzadien sourit en le ramenant vers lui :

-Si c'est moi, oui, mais toi, non. Tu vas lui hurler dessus jusqu'à la faire pleurer, je le sais.

L'adolescent plissa les yeux :

-Vraiment ? Tu as si peu d'estime pour moi ?

Ils passèrent la porte du réfectoire.

-J'irais au-devant d'elle demain et je te la ramène, ça te va ?

Elférad fit la moue :

-Mouais. T'as pas répondu à la question. Tu crois que je ne l'ai pas remarqué ?

L'appel de Lyert attira leur attention :

-Les gars !

Ils rejoignirent les trois garçons et mangèrent en parlant d'autre chose.

Elférad fut réveillé par une porte qui claque. Voyant l'heure sur le réveil, il grommela en rejetant la couverture sur sa tête. Quelle idée de sortir à cette heure. Il allait se rendormir quand il rouvrit soudainement les yeux . Merde, la fille. Le garçon repoussa la couverture, bondit hors du lit pour enfiler son uniforme, notant au passage le lit vide de Gzadien, avant de sortir précipitamment dans le couloir. Il fit faire un bond à Matior qui sortait de sa chambre en pyjama pour aller à la douche :

-Putain, tu m'as fait peur. Qu'est-ce que tu fous ? Tu dors pas ?

Elférad se figea, réfléchissant à une réponse qui ne lui mettrait pas la puce à l'oreille. Finalement, il opta pour un simple :

-Je t'en pose des questions ?

Puis, partit à la recherche de Gzadien, il arriva sur le palier de l’étage. En face s'ouvrait le couloir du dortoir des filles.

-Hey, Elf !

Gzadien remontait les marches vers lui :

-Tu l'as vu ? Tu l'as trouvé ?

L'adolescent secoua la tête :

-J'ai fait les trois étages des filles. Je l'ai pas vu, mais j'ai une nouvelle idée.

Il retourna dans leur couloir.

-Quoi ? C'est quoi ?

-Si, comme on le pense, on ne la voit pas parce qu'elle entre dans une chambre, je me suis dit que peut-être elle ne se contentait pas d'y entrer, mais qu'elle en sortait aussi.

Elférad dû accélérer le pas pour revenir à sa hauteur :

-Tu crois qu'elle dort là ?

Gzadien acquiesça :

-Le problème c'est que si c'est ça...

Il ouvrit la porte de leur chambre. Une feuille vola doucement sur le sol. Elférad ragea :

-Y en a marre.

Il allait se lancer dans un porte à porte furieux, mais Gzadien le rattrapa et le ramena dans leur chambre :

-Non, je le ferais. Commence pas à déconner ou c'est foutu.

Elférad se dégagea avec humeur :

-C'est bon. Je sais.

Gzadien prit doucement sa tête entre ses mains :

-C'est sérieux, Elf. On ne sait toujours pas si on est vraiment menacé ou pas. Alors, dans le doute, on va rester calme. Avec les info que j'ai maintenant, je te jure que ce soir, je te l'amène.

En réponse, l'adolescent posa un baiser sur ses lèvres, sa joue, son cou et le serra fortement dans ses bras :

-Je sais. Je n'en doute pas un instant.

Gzadien lui rendit son étreinte en souriant :

-On se retrouve sur le toit de la bibliothèque à la fin des cours.

-Ça marche.

Ils s'embrassèrent, puis Elférad se dirigea vers la porte. Avec une pointe de méfiance, Gzadien demanda :

-Où tu vas ?

Elférad répondit en passant la porte :

-Dans un élan de folie, je vais manger.


Texte publié par Astiacle, 21 janvier 2021 à 11h53
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