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Cher A.

Ah, quelle surprise cela doit être pour toi de retrouver ma plume après tous ces mois ! Eh oui, j’ai décidé de sortir du silence. Pas pour te dire que tu me manques, que je me surprends à regretter nos moments de complicité… Mais pour te dire que je t’emmerde.

« Tu n’as rien fait de mal », me diras-tu. C’est vrai, tu ne m’as pas violée, tu n’as pas tué l’entièreté de ma famille, tu ne m’as pas escroquée ou battue…Mais le harcèlement moral et les violences domestiques, ça reste l’enfer. La pression psychologique également. Alors oui, à l’échelle humaine, tu n’as rien fait. Tu as juste été une raclure comme certains peuvent l’être, prêt à détruire une à une les parties importantes de ma vie pour qu’il ne me reste plus rien et que je tombe à genoux.

Spoiler : tu as détruit ma vie, tu n’as pas réussi à me faire flancher. Bravo à toi, 50% de réussite!

C’est bizarre, comme rien ne nous prédestinait à cette conclusion aussi cruelle que grotesque. Meilleurs amis, toujours fourrés ensembles, partageant l’amour des belles-lettres, de la musique, notre aversion pour nos semblables… Le parfait tableau ! On était les « best buddies », c’était toujours « A. et C. », parce qu’on était toujours ensembles à discuter, à se marrer, à se soutenir. Déjà à cette époque, on parlait de faire une coloc, parce que vivre avec mes parents me pesait et que tu ne supportais pas tes colocs. « Des conasses ! », disais-tu, pour te citer. « Des salopes qui parlent derrière mon dos au propriétaire et gueulent parce que j’invite des gens chez moi ! ». A ce moment-là, je partageais ton avis, parce que je n’avais que ton avis, justement. Pour moi, ces filles-là étaient des gamines incapables de régler leurs problèmes en face, acariâtres et intolérantes. Je pensais qu’elles n’étaient pas faites pour vivre avec d’autres gens, qu’elles feraient mieux de se trouver un appart pour vivre fissa en solo.

Comme j’avais tort.

Le seul qui ne savait pas vivre en communauté, c’était toi.

La situation est partie en sucette quand tu as commencé à sortir avec M. Une nana gentille mais fragile, manipulable. Car c’est cela qui te plaisait : qu’elle soit manipulable à ta guise et soumise à tes décisions. Et moi, en tant que son amie, je digérais mal que tu ne sortes avec elle que parce qu’elle était aveugle et désireuse d’être aimée. Même par le dernier des connards.

Il y a eu elle, puis moi, puis A.. Nous toutes, tu nous aimais. Tu te prétendais poly amoureux, mais ne voulait pas en parler à ta copine. Alors tu la trompais. Mais ça, tu le sais. On était là tous les deux. On ne va pas refaire le passé.

Elle a fini par te larguer. Et toi, tu as décidé que c’était moi qui avais tout fait foirer. Tu t’es retranché dans ce silence de merde que tu utilises pour fuir tes responsabilités, et passais tes nerfs sur moi. Parce que c’était drôle ? Peut-être. Parce que, conne que je suis, je revenais à chaque rejet pour t’apporter mon soutien ? Sûrement, ouais.

A ce moment-là, on avait signé le bail pour notre coloc. Et tu veux savoir un truc ? Je sentais déjà que ça allait être la merde.

Alors pour toi, tu n’as rien fait. Parce que tu n’as jamais rien fait. C’est le monde qui t’en veut, les gens qui ne te comprennent pas, tes amis qui sont trop cons. Mais tu veux la vérité ? T’es juste imbu de ta personne, drogué aux propos de merde de ton daron comme quoi « les gens sont tous nuls à chier », mais que toi, tu es « meilleur qu’eux ». Mais t’es pas meilleur que les autres. Tu n’as rien qui te mette au-dessus d’un autre.

Plutôt que de régler tes problèmes, tes vrais problèmes d’alcoolisme, relationnels, d’exorciser tes démons comme un adulte –comme l’adulte que tu prétendais être-, tu as préféré me faire payer ton malheur. Parce que j’étais la seule coupable. Parce que, contrairement à toi, je ne voulais pas stagner dans cette relation toxique qui me faisait plus de mal que de bien. Tu ne supportais pas l’idée que je ne te considère plus que comme un colocataire, et plus comme un ami. Pour toi, « j’allais revenir », comme toujours. Jamais.

Les premières semaines ont été cordiales et froides. Chacun faisait sa vie, chacun allait à son travail, ses cours, ramenait son monde dans l’intimité de nos chambres. Puis tu as commencé à partir en steak, et là j’ai compris que j’allais en baver.

Tu voulais être « l’homme de la maison », le « chef de la maison » parce que tu as cette bite entre les jambes qui ne servait guère qu’à « fourrer des meufs ». Tu n’as que cela, comme beaucoup de connards qui se pensent supérieurs parce qu’ils sont du bon côté du genre, parce qu’ils pensent que les autres ne sont que des victimes, des larves juste bonnes à se soumettre à leurs désirs et à les sucer quand ça les arrange. Tu n’étais pas « l’homme de la maison ». Tu n’étais qu’une mauviette chialant dans sa vodka, incapable de réparer un pauvre siphon de cuisine ou de gérer un contrôle de chaudière.

Le monde devait se soumettre à tes désirs, tes exigences, tes lubies. Le monde devait se soumettre à tes croyances, tes idées reçues, ta petitesse d’esprit. Avec tes « amis », tu utilisais ce même procédé de force, rejetant les uns, encensant les autres. Derrière, tu leur crachais à la gueule, parce que les défauts des autres t’étaient insupportables.

Il y a eu A., ta « perle », « la meilleure fille que tu aies jamais rencontré » mais qui ne voulait pas parler de cul (d’un autre côté, à part parler de « baise », tu ne savais faire que cela).

Il y eu M., une amie commune, que tu trouvais conne et incapable de gérer sa vie,

T. qui était insipide et peu digne d’intérêt…sauf pour sa thune.

Devant eux, c’était les câlins, les compliments, les sourires. Tel le putain de faux-cul que tu étais –et es sûrement encore-, tu te plaisais à te faire bien voir, alors que tu n’étais remplis que de merde.

Tous ont fini aux oubliettes. Pourtant, ils cédaient. T’encensaient. T’encaissaient. Te voyais comme un messie, un héros, un gars sûr. Mais rien. Ils ne cédaient pas assez pour toi.

Est-ce que j’allais céder ? Non. Est-ce que, huit mois après la fin de notre collocation, je considère avoir cédé ? Non plus.

Petit rappel donc : tes messages agressifs, des pavés de méchanceté et d’amertume pour m’engueuler d’avoir laissé une cuillère dans l’évier, de prendre ma douche à minuit, d’être responsable des moisissures dans la salle de bain…Combien en ai-je eus ? Dix ? Vingt ? Cent ? Tout était prétexte à embrouille, à tel point que mon cœur me faisait mal quand je voyais ton nom s’afficher sur mon portable. Le mal était fait : j’avais peur de toi. Je me disais à chaque fois « qu’ai-je fait encore ? » et promettais de faire des efforts, de faire attention, de me plier à tes règles et non pas à nos règles. En revanche, laisser tes potes gueuler dans le salon tard le soir ou tôt le matin, picoler comme un trou dans le salon, entrer dans ma chambre après m’avoir menacée de rentrer de force si je n’ouvrais pas sous dix secondes (et comptant comme un paternel rigide devant la porte close), violer mon intimité, abîmer mes affaires, te défaire de tes responsabilités de locataire…Cela ne semblait pas te déranger. Inviter ta nouvelle meuf à vivre gratuitement dans notre appart pendant trois mois non plus, alors que tu osais réclamer à mon petit-ami –ton meilleur ami d’ailleurs !- un apport financier (qu’heureusement, il ne t’a jamais donné) pour les week-ends qu’il passait sur Paris.

Il y avait ces fois où tu me demandais sans subtilité si « vous m’aviez réveillés ? » parce que « vous aviez baisé » avec ta meuf. Cette fille, si elle apprend un jour que tu tirais grande fierté de vos ébats, aurait tout intérêt à te quitter. Car même en étant à mes yeux qu'une squatteuse insipide, elle mérite mieux que la loque que tu es. Ces fois où je te demandais d’arrêter de parler de ça, et que tu me faisais subir un interrogatoire sur ma propre sexualité. Gênant et écœurant.

C'était MA faute. C'était MOI qui te faisais enrager, vivre l'enfer. Je n'avais qu'à m'adapter à TOI, à TA vision des choses. A ta bipolarité, tes avis changeants qui ne valaient rien, ta mauvaise foi, ta méchanceté gratuite… Putain, ça fait beaucoup là, non ?

Tout pour toi, ta petite gueule de prétentieux, et moi les miettes, et encore ! Voilà, mine de rien, on y est. Ce procédé de culpabilisation constante se nomme « harcèlement moral ». Et sous mon propre toit, j’en étais victime. Tu m’imposais tes règles, et je devais les suivre, sans quoi c’était des heures et des heures d’embrouilles, de dialogues de sourds, de cris et de mots blessants.

Puis les coups sur ma porte, les insultes. « Salope », « sale pute », « conasse »…Tu ne peux pas les nier -ou si, si tu veux, puisque tu n'étais "qu'énervé"-, car nous savons tous les deux qu’elles sortaient de ta bouche quand j’osais me rebiffer. Je refusais de te parler ? « T’es qu’une salope ». Je t’envoyais péter au bout de deux heures de SMS harassants ? « Sale pute! ». Jamais de violence physique, toujours morale. Ça ne se voit pas. Et c’est si dur à prouver.

Alors à l’usure, plutôt que de me soumettre à tes volontés, tu m’as appris à relativiser. Mieux, à être blasée. Rentrer était une torture, mais ne pas rentrer t’aurait fait trop plaisir. J’avais constamment cette appréhension en poussant la porte de te trouver dans le salon avec ta meuf, car te voir seulement me donnait la gerbe. Mais tu n’étais plus rien pour moi. Alors j’ai décidé que tu n’existais plus. Et ça, ça te faisait chier ! Parce que personne ne peut penser que le grand A., le magnifique A. ne soit qu’une sombre merde à peine digne d’intérêt. Tu as décidé de répandre des rumeurs sur moi auprès de mes amies, de tous ceux qui avaient un lien avec moi. Ta rage, tu la leur vomissais. J’étais caractérielle, folle, lunatique, salope… Tu les as retournés contre moi, je me suis retrouvée seule.

Et ce jour-là, tu te souviens ce que tu m’as dit ?

« Tu vois ce que ça fait d’être seule. Tu vois ce que ça fait de te retourner contre moi »

Tu avais détruit toute ma vie, détruit les amitiés que je nourrissais depuis des années, brisé mes liens. Tu avais fait de moi une paria.

Puis tu t’es cassé de l’appart comme un voleur -sans état des lieux-, me laissant me débrouiller seule pour finir le bail de ce logement trop grand. Pendant des semaines, ton spectre hantait les lieux. Ta chambre était comme un sanctuaire dans lequel je ne pouvais pas rentrer. Et je suis partie finalement, moi aussi. Pour de bon.

Tout ça pour te dire quoi ?

Que tout ce mal que tu m’as fait m’a permis d’accéder à une vie qui me convient pleinement, m’a permis de prendre un nouveau départ. J’ai mis du temps à me reconstruire, à redécouvrir les codes de la vie en communauté, à réaliser qu’une assiette sale dans un évier, ce n’est rien de bien grave. Mais je me suis relevée, sans ceux qui m’ont reniée, sans ceux qui ont cru à tes mensonges sans se poser de questions. Avec l’affection de ceux qui ne se sont pas laissé atteindre par ta rage et tes démons.

Si un jour tu lis cette lettre, sache que je sais que tu ne te remettras jamais en question. Je ne l'ai pas écrite pour cela. Juste pour te dire ceci:

Tu ne m’as pas eue.

Tu ne m’auras plus.

Je ne te souhaiterai pas tous les malheurs du monde, ni le cancer, ni même d’attraper la COVID. Je n’ai qu’une dernière chose à te dire : adieu.

Adieu, pour de bon cette fois.

C.


Texte publié par Yukino Yuri, 17 novembre 2020 à 19h45
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