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Murphy Robin et le chant des flaques d'eau
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La pluie battait son plein. Les feuilles mortes tapissaient les allées humides de la ville de Cherbourg. Les écouteurs enfoncés dans les oreilles, Murphy Robin, jeune adolescente de treize ans, traversait le passage piéton. Elle avait encore raté le bus ce soir et avait oublié son parapluie par dessus le marché. C’était une de ces journées sans fin où l’on se demandait pourquoi s’était-on levé. L’eau dégoulinant sur ses cheveux noirs, elle grimaçait. C’est sûr, elle aurait préféré rester au lit.

La journée avait été banale au possible. Dans cette ville de Cherbourg, en cette fin d’octobre 2009, les habitants avaient leurs coutumes et habitudes. Le boulanger envoyait son commît tous les jours à sept heures vendre des pains chauds. Le facteur s'arrêtait toujours chez Mme Delarue, la patronne de l'épicerie pour boire un café et parler de la crise économique. La poissonnière ouvrait son magasin toujours avant que sa voisine la bouchère n'ouvre le sien, juste pour que l'odeur du poisson envahisse son coin de rue et pas celle de la viande. Les enfants courraient après l'école se poser dans le parc du centre ville avant de rentrer chez eux.

L’été avait beau tenir à montrer qu’il pouvait être brûlant même dans le nord de la France, la pluie revenait toujours. Battante et grincheuse. Murphy faisait la moue sous le ciel chargé. Murphy Ulysse Robin était un nom imposant pour un fille. Elle se nommait comme une catastrophe ambulante, le deuxième prénom renvoyait à l’illustre marin dont le voyage aurait duré dix ans et le nom de famille directement à un hors la loi défiant les hiérarchies. C’était une enfant qui avait toujours vécu en Normandie malgré ses parents anglais. De taille moyenne, les traits xanthodermes, les yeux noirs ainsi qu’une coupe au carré dotée d’une frange, elle passait inaperçue dans la rue.

La saison préférée de Murphy avait tiré sur sa fin. L’école avait repris depuis deux mois déjà et la plupart des gens de son collège semblaient avoir passé un été à voyager, à aller à la piscine entre amis et se plaindre de la chaleur. Murphy grimaça à cette pensée. L’été c’était justement fabuleux de par ses températures hautes, du fait de porter peu de vêtements sur soi, du bleu intense du ciel sans nuage. L’été demeurait une saison colorée, chaude et où l’école n’était qu’un lointain souvenir. Une saison de tranquillité. Le bonheur pour Murphy. Mais le mauvais temps était revenu, prêt à tapisser les horizons de gris et d’humidité tels des nuances d’aquarelle délavées. La pluie parsemait son visage, ses cils presque transparents retenaient les gouttes comme des éventails brumeux sur son regard.

La famille avait toujours été quelque chose qui taraudait bien l'esprit des humains. Quelque chose qui nous poussait à penser aux diverses valeurs, aux qualités et aux défauts que la filiation peut bien faire hériter. Quand un bébé venait à naître, les membres de la famille proclamaient souvent ce genre de petites phrases comme « Elle a le menton de sa mère » ou « Il a les yeux de son père. » Alors ils imaginaient plus tard si oui ou non l'enfant ressemblera à ses proches. Sera-t'il séduisant comme sa tante ou perfide comme son cousin. Ainsi la personnalité de l'être qui grandit était, de près ou de loin examinée, et influencée. Murphy n’avait jamais aimé les histoires qui font peur. Les vampires la terrifiaient, les sorcières l’angoissaient et les démons étaient son pire cauchemar. Elle était du genre à sursauter devant un dessin animé s’il avait le malheur d’être - ne serait qu’un tout petit peu – plongé dans le noir, et ce même du haut de ses treize ans. Non, Murphy n’avait pas beaucoup d’imagination et ça l’arrangeait bien. Elle se contentait d’être bonne à l’école et de lire le soir dans son lit. Avoir les pieds sur terre lui semblait être l’attitude la plus rassurante, même si elle restait déterminée et n’hésitait pas à faire les choses. Pour cela, en effet, elle tenait de ses parents. Ils étaient tous les deux très travailleurs, n’avaient absolument aucune imagination et ne parlait que d’un schéma bien commun : travaille bien à l’école, gagne bien ta vie et ensuite tu auras de beaux enfants et un gentil mari, Murphy. Sous ces préceptes archaïques, Murphy avait retenu surtout la première partie. Apprendre était enrichissant et très simple à ses yeux pour autant. On avait toujours dit à Murphy qu’elle deviendrait quelqu’un d’accompli, une doctoresse ou une avocate par exemple. Mais pour ce qui était de l’emploi et la petite famille parfaite, elle n’avait pas réussi à y trouver un grand intérêt. Elle avait donc choisi d’ignorer ces détails et de camoufler ce choix par un sourire entendu.

Murphy Ulysse Robin était née le neuf avril. Ce qui fait qu'en ce 31 octobre 2018, elle avait un peu plus de treize ans. De ce fait, malgré son adolescence, Murphy restait une enfant plutôt introvertie et solitaire. Elle était fille unique et passait clairement son temps dans sa chambre. La maison dans laquelle elle vivait était un peu éloignée du reste de la ville et la surplombait d’une manière presque prétentieuse. De plus, ses parents avaient toujours préféré une éducation stricte pour leur fille et ainsi elle n’avait quasiment jamais invité qui que ce soit.

Cherbourg n’était pas non plus la ville la plus excitante au monde. Il n'y avait que de ces maisons très étroites et hautes ainsi que des passants portants des couleurs tristes. Murphy, comme vous vous en doutiez, se plaignait assez peu du manque de rebondissements à Cherbourg. Cela ne l’empêchait pas de faire moult balades en vélo et peut être de s’autoriser un moment de rêvasseries. Cependant, très vite elle commençait à lister tous les points irréalistes de ces pensées les plus folles qui au final ne se soldait qu’à imaginer une vie dans une plus grande ville.

Qui plus est, la classe de Murphy était la même depuis longtemps. Une des conséquences du fait de vivre dans la seule ville à des kilomètres à la ronde, les enfants restaient ensemble tout le long de leur scolarité. Et cela, pour le meilleur et pour le pire. Murphy n’était pas le souffre douleur des autres enfants, mais elle ne passait pas non plus pour la plus populaire de l’école. Quand bien même le collège ne fut un bon souvenir pour personne, il fallait bien admettre que tous les enfants n’étaient pas des monstres.

Murphy malgré son caractère restait une fille de treize ans. Alors, peut être me diriez vous que l’idée d’être aussi morose pour une adolescente comme elle vous semblait étrange ? Elle devrait sens doute rêver d’un monde merveilleux et magique, d’animaux qui parlent, du prince charmant, le fameux, qui prendrait l’apparence d’un garçon de sa classe ou encore d’autres fantasmes qui vous touchaient à son âge ? Il n’y avait, sans nul doute, pas plus sensée comme interrogation. Une autorité supérieure comme le hasard, la destinée, le sort ou que sais-je, avait soigneusement fait en sorte que Murphy n’échapperait pas à cette règle étrange qu’est l’imagination prédominant notre enfance et adolescence. Et ce, dès ce fameux jour.

Monsieur et madame Robin étaient des parents tout à fait banaux. Monsieur Robin travaillait dans une entreprise de chauffages et madame Robin dans une droguerie. Le premier était assez petit, mince et très souriant. La deuxième restait très sobre et ne s’habillait que dans tes tons beiges et blancs. Leur vie semblait sans accroc, tout à faire ordinaire. Rien ni personne ne pouvait perturber cela. Enfin, c’est ce qu’ils pensaient. Leur demeure se situait en face d’un cimetière dans les hauteurs du centre ville. C’était une maison qu’ils avaient acheté il y a peu, en vérité cela ne faisait qu’une poignée de mois. Autrefois, ils vivaient dans une petite bicoque qu’ils louaient bien plus éloignée de la ville. Murphy avait un peu de mal à se faire à cette nouvelle maison, notamment sa chambre. Ceci expliquait certainement son humeur ronchonne de ce jour, en plus de la pluie et du bus manqué ; en effet Murphy avait très mal dormi. Elle avait passé la nuit à se tourner et retourner dans les draps de son lit, les yeux grands ouverts, le sommeil lui faisant faux bond. Oui, elle aurait préféré avoir sa grasse matinée mais ce ne fut pas le cas. L’eau s’infiltrait dans les ourlets de son jean, le rendant humide et désagréable. C’était sans parler de ses chaussettes de plus en plus mouillées. Elle grommela de nouveau. Vraiment, elle n’aimait ni la pluie ni le froid. Elle passa, comme à son habitude, devant le cimetière de la ville. Il était étonnamment en pente. Murphy s’imaginait parfois les squelettes rouler les uns sur les autres et s’amasser dans le fin fond de la descente. Un frisson lui parcourait alors le bas de l’échine. Une mausolée massive et inquiétante prenait place derrières les barreaux de fer du cimetière. Murphy en connaissait chacune des pierres abîmées et avait appris à ne plus en avoir peur. Elle passa donc devant sans se retourner, sans y jeter un seul regard.

Ainsi, elle ne fit pas attention à l’énorme flaque qui se tenait devant elle. Une flaque, que dis-je ? Une mare, un lac noir et sans fond, sans le moindre reflet brillant et prévenant.Ainsi les vêtements déjà fortement humides de Murphy n’allait pas échapper à cette malédiction automnale. Alors que ses chaussures de cuir glissaient sur les feuilles mortes collées au bitume, elle marchait lentement, le regard flânant vers le ciel. Le moment arriva alors. Ce fut la sensation de douche froide dégoulinante dans sa chaussette qui l’interpella. Ses orteils se crispèrent sous le rappel glacial. Elle regarda vers le sol et vit ses chevilles enfoncées dans une flaque d’eau sombre et gelée.Ce fut alors la cerise sur le gâteau. Entre la mauvaise nuit, la pluie battante, le froid précoce, le collège on ne peut plus ennuyant, la monotonie de l’automne et de sa vie de pré adolescente coincée dans un village, Murphy n’en pouvait plus. C’en était trop. Ainsi, elle poussa un cri suraiguë dans la rue.

Diana Goupil était ce qu’on appelle un rayon de soleil. Entre sa longue chevelure blonde platine et bouclée, ses grands yeux marron, ses dents du bonheur et ses lunettes rondes bien trop grandes pour son visage, elle inspirait le sourire aux gens qu’elle croisait. Que ce soit par sa surprenante habitude de chantonner en permanence à ses vêtements colorés et désaccordés, elle détonnait dans les rues mornes et pluvieuses de Cherbourg. Elle avait emménagé il y a peu en ville avec sa famille. Il y a un an pour être précise. Ses parents avaient loué une maison dans les hauteurs, très étroite et aux multiples étages. En arrivant ici, ils plaisantèrent longuement sur comment cette porte était assortie à Diana : très grande et fine, de couleur verte. En effet, il s’agissait de sa couleur préférée. Et si un adjectif correspondait bien à Diana c’était « filiforme » tellement elle ressemblait à une allumette sur pattes.

Ce jour-ci, comme ça son habitude, Diana avait choisi de rentrer à pieds afin d’écouter de la musique le plus longtemps possible. Abritée sous un parapluie multicolore et bon marché, elle chantonnait, ignorant la pluie tapissant les trottoirs. Elle n’adressa aucun regard aux voitures qui renversaient l’intégralité des flaques sur les passants. Elle fit attention de ne pas glisser sur les feuilles mortes tandis que le mois d’octobre tirait sur sa fin. Diana était ce genre d’adolescent terriblement gentil et aimé de tous, évidemment cela était bien aidé par sa beauté naturelle, mais sa bienveillance et sa bonne humeur rayonnaient indéniablement. C’était également une personne avec peu de curiosité. Elle s’était vite fait des amis et n’avait pas d’intérêt à s’intéresser à de nouvelles personnes. Cette jeune fille passait tellement de temps la tête dans la lune, que l’on pourrait se demander si en vérité, elle était si heureuse que ça. Alors qu’Elton John s’égosillait dans ses oreilles, un cri perçant l’arracha à sa rêverie. Elle se rendit compte alors que non seulement elle avait largement dépassé le chemin de sa maison, mais qui plus est une adolescente se tenait devant elle. Cette dernière était trempée jusqu’aux os. Vêtue d’un pull orange et d’un jean serré, cette dernière lui disait quelque chose. Diana se demanda si elles n’étaient pas dans la même classe, en tout cas le même collège de centre ville.

Murphy grommela face à sa réaction amorphe :

« Tu pourrais m’abriter avec ton parapluie, ou je sais pas, en tout cas ne pas rester plantée là ! »

La jeune fille sursauta et se précipita afin de l’abriter. Murphy avait les larmes aux yeux et grelottait de haut en bas. Diana sorti un paquet de mouchoirs de son sac, et lui tendit d’un regard compatissant. Murphy se moucha alors bruyamment avant d’en saisir un autre pour s’essuyer le visage et les mains. Diana retira alors son ciré jaune et marin et lui tendit afin qu’elle puisse se réchauffer. L’adolescente fut perturbée par ce geste bienveillant et s’enveloppa sans un mot dans le manteau coloré. Gênée, la blonde brisa la glace :

« Tu es dans mon collège n’est ce pas ? »

Murphy grimaça de nouveau avant de lui répondre.

« Oui.  Tu es Diana Goupil. »

Cette dernière n’osa répondre, en effet elle ignorait totalement le nom de sa camarade. Elle avait beau l’avoir, en quelque sorte, reconnu, il n’empêche qu’elle ne pouvait pas se souvenir de son identité.

« Haha, c’est rigolo tu es justement pile devant le caveau familial. Ma mère vient d’ici. », tenta-t-elle alors.

Murphy frissonna alors que ces mots furent prononcés. Elles levèrent les yeux en même temps face à la mausolée qui se dressait de leur côté. Les pieds près de l’énorme flaque d’eau, un silence de mort les surplomba. Instinctivement, elles se collèrent l’une à l’autre face à l’ambiance morbide qui s’était installée. Comme si leurs pensées avaient été entendues par le ciel, ce dernier décida de gronder violemment. La pluie en l’espace de quelques secondes se transforma en grêle et agressa les jeunes filles. Les nuages noirs s’installèrent, cachant les rares rayons de soleil pâle qui avait réussi à percer ici et là dans la journée.

« Suis moi ! »

Diana saisit la main glacée de Murphy et l’emmena alors dans le cimetière. Cette dernière n’osa protester alors que la peur la saisissait, tel un mort sortant de la tombe l’attrapant par les mollets. Elle serra alors de plus belle la poigne de sa camarade alors que cette dernière l’emmenait à l’intérieur de l’objet de ses frayeurs : la mausolée.

Alors que le tintamarre de la pluie résonnait sur les murs de pierre, Diana et Murphy descendaient les escaliers froids de la mausolée. Diana jetait des coups d’œil partout autour d’elle, à la fois frigorifiée et intriguée par la situation. Murphy quant à elle claquait des dents et ne semblait aucunement rassurée. Elle cacha ses mains glacées dans les replis de son pull. Elles posèrent chacune leurs pieds sur le sol humide de la mausolée. Le dos tourné vers l’escalier, elles firent face à une gigantesque crypte. Des colonnes recouvertes d’une mousse verte putride entouraient un large couloir sombre. Le bruit de la tempête ressemblait à un écho venant d’outre-tombe, se dit Murphy, avant de réaliser que c’était elle et sa camarade qui figuraient sous terre. Elle serra de plus belle la mâchoire à cette idée. Non, vraiment, Murphy Robin n’était pas l’héroïne à la soif d’aventures.

Sans un mot, elles longèrent la suite de colonnes maintenant la mausolée au dessus de la crypte. Il faisait sombre mais des torches avaient été allumées le long des murs. C’est alors que Murphy réalisa ce que cela signifiait : elle n’était pas les premières à pénétrer cet endroit aujourd’hui. Elle laissa échapper un couinement effrayé. Diana se tourna alors vers elle, un sourire rassurant aux lèvres.

« Ne t’en fais pas, c’est sûrement le monsieur qui s’occupe du cimetière ! »

C’était en effet, une réponse censée. Cela suffit à rassurer la jeune fille tandis qu’elles passèrent devant un autel érigé. Une petite nappe rouge bordeaux y était dressé ainsi que des bougies. La cire dégoulinait, les flammes rougeoyaient contre les murs humides. Une relique en forme de main y était également déposée. Alors que Murphy grelottaient à cause des chaussettes mouillées au fond de ses chaussures, Diana restait d’un calme olympien. Un portrait était affiché au dessus de l’autel. Un cadre doré entourait un daguerréotype. On y voyait un homme doté d’une moustache étonnante et touffue, son œil droit caché derrière un élégant monocle et ses mains posées sur un costume de qualité. Un vrai dandy. On pouvait lire en dessous de la photographie « Édouard Goupil ».

« C’était un monsieur de ta famille ?, demanda aussitôt Murphy.

Diana semblait rêvasser, elle regardait au loin, vers le noir de l’obscurité. Son amie se racla la gorge afin de la ramener dans le monde des vivants.

« Oh oui, excuse moi, oui c’est un parent. », gloussa Diana.

Murphy se dit qu’elle n’avait pas encore fait attention à combien sa compagne avait le teint blafard. Les ombres des flammes dansantes lui donnaient un air morbide. Chassant cette sombre idée de la tête, l’adolescente attrapa les quelques pierres figurant sur l’autel. Elle les approcha de son visage et fronça les sourcils face à son reflet déformé. C’est alors que Diana sursauta d’un seul coup. Murphy lâcha la pierre et se tourna vers elle, paniquée.

« Quoi ? Qu’est ce qu’il y a ? »

Diana ne répondit rien. Sa bouche formait un O parfait. La surprise se lisait dans ses yeux ainsi qu’un peu d’effroi.

« Diana, s’il te plaît répond moi ! »

Alors, cette dernière leva la main et pointa l’obscurité tapissant le fond de la crypte.

« Tu ne le vois pas ? C’est lui. A-avec son costume, son monocle ! » bredouilla Diana.

Diana se tourna vers Murphy, complètement paniquée et tremblante. Son amie la regardait les yeux éberlués, pleine d’incompréhension.

« Je ne vois rien !

- Il faut partir d’ici, suis moi, allons nous en ! » s’égosillait la blonde.

Sa voix montait de plus en plus dans les aigus. Elle attrapa la main de Murphy tandis que des chauves souris sortirent d’un des couloirs pour atteindre la sortie. Murphy se laissa tomber au sol sous la panique faisan trébucher sa camarade. Angoissées, elles se couvrirent les oreilles de leurs mains afin de fuir les cris de ces animaux volants. Les genoux endoloris, elles fermèrent les yeux de plus belle. Murphy pouvait sentir son cœur battre la chamade comme s’il comptait sortir de sa poitrine. Alors que les hurlements prirent fin et que la pluie gronda de nouveau par dessus tout autre bruit, l’une comme l’autre se redressèrent. Murphy fixa les torches allumées, prête à surprendre un homme à tout moment. De son côté, Diana claquait des dents, les larmes aux yeux. La première s’approcha alors de son amie et la serra contre elle. Dans la peur, on oublie parfois qu’on ne se connaît que depuis moins d’une heure.

Ce qu’elle ignorait, c’est qu’au dessus de son épaule, une ombre se projetait. Un homme les regardait bien, derrière son monocle élégant. Son costume était en velours vert, les épaulettes bien ajustées. Sa chemise blanche dotée d’un col garni de fioritures dépassait. Sa moustache grise se terminait en une virgule surprenante de chaque côté de ses pommettes. Mais le plus surprenant était son corps. Son corps qui n’existait plus en réalité. Il ne restait que le squelette froid et fin de ce qu’était autrefois Édouard Goupil. Son nez n’était plus que deux trous, sa bouche un assemblage de dents jaunies, et le haut de son crâne arborait une fissure. Il avança ses doigts sans chair vers les deux adolescentes enlacées.

Murphy vit d’abord une ombre se dessinait sur le sol, montrant distinctement la silhouette d’un adulte. Elle poussa le premier hurlement. Diana sursauta de nouveau et se retourna. Elle vit alors le squelette les dévisager. Elle hurla alors à son tour. L’effrayant intrus recula, effaré, et sous les yeux brillants de larmes des deux enfants, il cria aussi. Ce son d’outre tombe glaça les deux jeunes filles sur place, elles ne pipèrent mot et se serrèrent l’une contre l’autre de plus belle.

Edouard Goupil se laissa tomber au sol et et éclata en sanglots sous le regard interloqué et effrayé des adolescentes. Le bruit des os claquant sur la pierre les firent sursauter. Un écho étrange résonna dans la crypte. Devant cette scène absurde, Murphy sécha ses larmes. Elle pensa très fort alors que, décidément, les histoires de fantômes n’étaient pas sa tasse de thé.

« Tu le vois là ?, demanda Diana.

- Oui et non, je vois son ombre par terre…

- Tu l’entends ?

- J’entends ses os grincer... »

Diana soupira, comme soulagée. Elle se leva et attrapa la main de Murphy afin de l’aider à se redresser.

« Moi je le vois en entier, et je l’entends pleurer. Crois-moi sur parole, tu n’as pas envie de l’entendre, c’est… déprimant. »

Murphy n’avait surtout pas envie d’entendre un squelette pleurer pour l’absurdité de la situation mais elle ne broncha pas. Elles s’avancèrent lentement vers le monstre en question.

« Tu vas nous faire du mal ?, bredouilla Murphy.

- Il secoue la tête négativement. », lui répondit alors son amie.

Au moment où elle allait proposer de partir à Diana, l’adolescente sursauta de plus belle. Un bruit d’effondrement sourd retentit. Des pierres roulèrent sur le sol tandis que des nuages de poussières envahirent la mausolée. L’effondrement fut la goutte de trop, Murphy fondit en larmes. Elle couru vers la sortie, les mains tremblantes. Elle en oublia les ecchymoses sur ses genoux qui lui tiraient sur la peau. Secouée de sanglots, elle faisait face à l’entrée de la mausolée recouverte de pierres, bloquant ainsi sa voie de sortie.

« Co-comment on va faire ??? On doit sortir d’ici ! Nos parents ne savent même pas qu’on est là ! »

Diana resta muette. Seuls les sanglots claquant sur les dents du squelette répondaient aux lamentations de Murphy. Son visage était recouvert par la poussière tandis que ses larmes s’y mélangeaient.

« Je connais une sortie si tu veux. », annonça Diana d’une voix plate.

Murphy se tourna alors vers elle. Les bruits des os qui claquaient s’arrêtèrent. L’ombre du squelette bougea sur le sol, elle se mouva vers Diana et leva les bras de manière frénétique.

« Que dit-il ?

- Que tu dois me suivre ! »

Cependant, le squelette attrapa Diana par l’épaule. Il semblait énervé. Sa longue tenue se secouait dans tous les sens et Murphy vit même l’ombre du monocle tomber de son visage.

« Que dit-il ??

- A mon avis, il vaut mieux fuir, il me fait peur…, déclara son amie.

Murphy sentait sa peau frissonner, chacun de ses poils s’hérisser. L’odeur étrange des moisissures sur les colonnes lui saisissait le nez de plus en plus fort. Alors, elle jeta un regard de détresse à Diana qui compris à l’instant quoi faire. Elle reprit la main de Murphy et se mit à courir. Les deux jeunes filles passèrent devant l’autel. Leurs talons claquèrent sur le sol humide tandis que l’air glacé de la mausolée fouettait leurs visage. Alors qu’elles contournèrent colonne après colonne, Murphy perdit le sens de l’orientation. Diana prenait tant et tant de diagonales dans le noir que la jeune fille ne saurait dire combien de temps elles prirent à arriver alors à bon port. En effet, Diana alors tâtonna contre un mur. Murphy distinguait à peine les traits du visage de son amie, les torches s’étant éteintes avec l’éboulement. Elle entendit sa camarade compter jusqu’à trois et un grincement terrible retentit. Les deux adolescentes sentirent leurs pieds trembler sur le sol et la poussière se soulever de plus belle. Le mur de pierres se décala alors lentement. Angoissée, Murphy entendit les claquement des os retentir de nouveau.

Clic clic clic.

Murphy cria à cet écho, elle poussa Diana qui s’empressa de s’engouffrer dans l’ouverture du mur. Les deux jeunes filles se collèrent de l’autre côté du mur tandis que la jeune fille blonde recompta jusqu’à trois et que le mur recula doucement. Les os qui se tapaient les uns contre les autres s’approchèrent.

« Il arrive ! » s’exclama Diana.

Mais ce fut trop tard pour le squelette inquiétant, le mur s’était refermé.

Seule la respiration essoufflée de Murphy brisait le silence de plomb. Ses épaules se soulevaient petit à petit au rythme de ses inspirations. Elle passa ses mains glacées sur son pantalon. Ses genoux étaient en feux. Dans sa tête, son cœur battait avec fracas. Tel un tintamarre incessant, il ne suffisait cependant pas à couvrir les légers claquements d’os. Le squelette attendait derrière le mur.

Alors que l’angoisse se lovait en elle, telle un chaton sur un plaid douillet, une main réconfortante se posa sur son épaule gauche. Murphy cligna des yeux et discerna les traits troubles de Diana. Elle tenait une petite bougie dans la main, à peine allumée.

« Il y avait des allumettes encore sèches sur le vase., expliqua sobrement la jeune fille.

Murphy regarda autour d’elle et réussit à apercevoir des larges pots contenant des plantes séchées. Une odeur de lavande traînait un peu ici et là, ne masquant cependant pas les effluves de la moisissure. Elle se redressa et plissa des yeux un peu plus. Devant elles, se dressait un long couloir. Le plafond était en forme de dôme et une porte imposante fermait cette allée. Alors que ses yeux s’habituaient à l’obscurité, elles observa une multitudes de gargouilles se dressant les unes après les autres. Les ombres exagérées accentuaient leurs regards menaçants et leurs crocs grotesques. Les cernes qui entouraient les globes de leurs yeux ressemblaient à des bourrelets. Leurs babines retroussées firent frissonner Murphy de plus belle.

- Il y a quoi derrière la porte ?, bredouilla-t-elle.

- Oh, c’est une espère de remise avec tous les vieux objets de la famille.

- Comment une mausolée peut-elle être aussi grande ?

- Franchement, j’en sais rien. Ils avaient beaucoup de sous, je suppose., grommela Diana.

Murphy ne releva pas la dernière remarque de son amie. Son ton indiquait un agacement certain. Elle attrapa alors sa main et la serra avec tout le réconfort qu’elle pouvait transmettre en cette soirée épouvantable. La jeune fille fut secouée par le froid qui se dégageait des phalanges de sa compagne. Elle attrapa alors la bougie délicatement et approcha leurs doigts enlacés près de la flamme. Le visage de Diana fut fendu d’un sourire timide mais sincère.

- Allons nous y réfugier, nous y trouverons de quoi allumer un plus grand feu. », proposa-t-elle d’une voix plus apaisée.

Elles gardèrent leurs mains l’une dans l’autre et marchèrent vers la porte. L’humidité s’était logée dans les chaussettes de Murphy et seul le grincement mouillé de ses chaussures résonnaient sur la pierre. Les deux jeunes filles passèrent devant les visages difformes de ces terribles gargouilles. Des gnomes à ailes de chauves souris, des dragons aux cornes asymétriques, des gorgones dotées d’un troisième œil et des harpies tentaculaires souriaient dans le noir. Murphy fut presque tentée d’en toucher une.

Diana attrapa la poignée de la porte de bois et la poussa. L’odeur de renfermé attaqua le nez des jeunes filles avec violence. Alors que la blonde couru allumer des bougies installées sur une table recouverte de papiers, Murphy laissa son regard vagabonder. Au fur et à mesure que la lumière augmentait, des livres étaient entassés les uns sur les autres traînaient ici et là. C’était pour beaucoup des contes, des histoires pour les enfants et des récits d’aventure. Elle remarqua l’intégralité des livres Narnia écrits par C.S Lewis. La poussière recouvrait les visages gravés sur les couvertures bleues. Elle laissa ses doigts effleurer le papier tandis qu’elle lista les autres œuvres dans sa tête ; Alice aux pays des merveilles, Peter Pan, des récits arthuriens, les Hauts de Hurlevent, Jane Eyre… Alors qu’elle était complètement captivée par ce qu’elle regardait, Diana la dévisageait lentement. Elle s’arrêta sur la bouche pulpeuse de Murphy, sur son nez rebondi aux narines évasées, sa peau si laiteuse et sans tâche, ses yeux en amande noirs, puis ses sourcils épais. Elle détailla l’étroitesse de ses paupières, le grain de beauté sur le devant de son cou élancé. La jeune fille se fit la remarque qu’en grandissant, Murphy serait comme elle, maigrelette et étirée en longueur. Sa chevelure noire de jais nettement coupée quelques centimètres au dessus de ses épaules osseuses semblait danser à chacun de ses mouvements. Diana sourit. Elle pensa que Murphy serait une très belle meilleure amie pour l’éternité. Une bouffée de chaleur lui saisit la gorge et le ventre. Elle n’avait qu’une idée en tête : la protéger.

Murphy se tourna alors vers la table de bois. Sur le dessus, se trouvait un vieux morceau de tissu doté d’oreilles rondes, comme une très vieille peluche. Les chandelles chatoyaient de leurs flammes rouges. Des tas de coupures de journaux et des cahiers étaient disposés les uns sur les autres. Elle en attrapa quelques uns et les lu les uns après les autres.

« Septembre 1957 : Le collège des Bosquets devient mixte, il ouvre ses potes aux garçons de Cherbourg. »

Une photographie en noir et blanc affichait des élèves rangés les uns à côtés des autres, comme une vieille photo de classe. Murphy s’exclama alors :

« Oh regarde c’est notre collège ! »

Diana jeta un très vite regard sur les papiers. Elle marmonna un oui désintéressé. Elle se tourna vers les tas de livres avant d’en attraper un. Elle s’agenouilla sur le sol, accompagné d’une bougie allumée. C’est ainsi qu’elle commença la lecture du dernier tome de Narnia, La Dernière Bataille.

Murphy retourna alors à ses coupures de journaux.

« Le harcèlement scolaire vu par le psychologue Dan Olweus. », annonçait l’une.

« Un enfant retrouvé morte enfermé dans un placard du collège des Bosquets. » affirmait l’autre.

Un morceau de l’article figurait en dessous de l’entête. Elle lu alors avec minutie.

«  En ce matin d’octobre 1957, les policiers ont enfin retrouvé le corps de l’enfant disparu. Les garçons soupçonnés coupables de ce crime ont, cependant, été relâchés, faute de preuves. En effet, selon le médecin légiste, le corps ne comportait aucune blessure, mais il a pu diagnostiquer une profonde déshydratation. »

Murphy grimaça. La personne qui se cachait dans cette partie de la mausolée ne semblait pas avoir toute sa tête entre les livres d’aventures et les coupures de journaux de faits divers cherbourgeois. Elle pensa au squelette d’Edouard Goupil. Il avait coursé les deux jeunes filles et conservait des morceaux d’articles morbides. De son vivant comme dans la mort, cet affreux personnage semblait complètement cinglé. Elle frissonna de plus belle.

Elle attrapa alors l’un des cahiers figurant sur la table et l’ouvrit. La plupart des pages étaient effacées par le temps. On ne voyait plus les écritures, si ce n’est des taches jaunes. Elle chercha quelques indices et trouva quelques bribes encore lisibles.

« Ils m’embêtent tous les jours. Papa et maman ne veulent rien savoir. »

« Ils ne me croient pas. Comme si l’idée d’inventer ça me ferait rire ! »

« Hier, ils m’ont étranglé avec mon écharpe, j’ai failli étouffer. »

« Ils font que de me menacer de m’enfermer dans le placard. »

Murphy sentit son cœur rater un battement.

Et si Édouard était le père de l’enfant laissé pour mort ? Et si son fantôme hantait les couloirs en attendant de pouvoir venger son fils ?

« Diana ! Regarde ! »

Murphy déposa tous les morceaux de textes qu’elle avait lu sous les yeux de son amie. Cette dernière semblait embêtée d’avoir été dérangée dans sa lecture mais ferma quand bien même son livre. Elle les déchiffra en diagonales avant de lancer un regard interrogateur à sa compagne.

« Et bien ?

- Il suffit qu’on dise à Edouard que nous n’y sommes pour rien. Et il nous laissera tranquille, il nous laissera sortir !

- Tu crois que c’est lié au squelette ?

- J’en suis certaine. Je vais de ce pas retourner de l’autre côté du mur et lui montrer. Tu verras, je suis sûre que nous sortirons. »

Murphy souriait de toutes ses dents. Elle ne s’était jamais sentie aussi courageuse de sa vie. Une sensation chaude emplissait ses joues et sa respiration s’accélérait. Elle n’avait jamais été aussi sûre d’elle non plus.

Au moment où elle se redressa, soudainement une énorme bourrasque de vent la fit sursauter. Les lumières s’éteignirent alors, les plongeant de nouveau dans le noir.

Les cliquetis du corps du squelette s’étaient amplifiés. Alors que le noir complet avait pris place autour des jeunes filles, Murphy bredouilla en claquant des dents :

« A mon avis, il a réussi à ouvrir le premier passage…

En unique réponse, Diana soupira bruyamment. Murphy distingua le bruit de froissement de ses vêtements et devina qu’elle était en train de se redresser. Le froissement de l’allumette contre la boîte retentit et une première bougie fut allumée près du visage de son amie. Cette dernière n’affichait aucune émotion, son sourire avait disparu et elle fermait presque les yeux.

- Tu savais qu’à la fin de Narnia, Susan est la seule à ne pas mourir ? C’était la seule à être passée à autre chose et à avoir arrêté d’y croire. Du coup, elle ne rejoint pas Narnia qui représente le paradis.

Murphy secoua la tête négativement. Elle n’avait jamais lu Narnia.

- Tu te rappelles quand tu m’as croisé pour la première fois, Murphy ?

Cette dernière fit la moue et commença à fouiller dans ses souvenirs. Elle vit les couloirs vitrés de leur collège, les nombreux escaliers et les salles de permanence, le CDI aux nombreuses affiches de livres, la salle informatique à son entrée, le préau à l’extérieur qui abritait les vélos, les scooters et les casiers jaunes. Elle pensa aux élèves. Les garçons qui couraient partout montrant à quel point ils peuvent être turbulents, les filles qui marchaient en groupe dans la cour faisant des allers et retours.

- Non, pas vraiment. Sûrement avec Grégory et Paulo.

Ces deux garçons étaient insupportables et Murphy soupirait à chacune de leurs interventions. Ils semblaient également, à sa plus grande surprise, être les coqueluches du collège.

- Non, tu te trompes. Réfléchis bien.

La jeune fille haussa les sourcils de surprise. Le ton employé par Diana s’était refroidi.

- Je ne vois vraiment pas, désolée. En tout cas, je ne t’avais jamais adressé la parole avant aujourd’hui.

- Pense à la cantine.

Murphy s’assit sur une des chaises qui trônaient dans la pièce. Le bois, clairement humide, émis un petit grincement. Elle visualisa les tables de quatre, séparées par des panneaux jaunâtres, le self service avec l’odeur étrange de la chantilly sur les ananas. Elle n’avait jamais compris le succès de ce dessert. La jeune fille plissa des paupières comme pour réfléchir plus fort. Elle se souvint de la surveillante qui faisait l’appel à l’entrée de la cantine, en sommant à différentes classes de passer selon leurs emplois du temps. Puis elle se mordit la lèvre. Elle se remémora le portrait accroché au dessus de la tête de la surveillante. Une jeune fille blonde aux lunettes rondes et aux dents du bonheur y était photographiée. Elle souriait avec chaleur et portrait des rubans aux différentes nuances en plus de son uniforme. Son nom était indiqué sur des dorures en dessous de la photographie. Diana Goupil.

« Diana Goupil, morte en 1957. », récita d’une voix monotone sa camarade.

Murphy ne répondit pas. Son cerveau semblait surchauffer et les informations se multipliaient dans sa tête.

« Ces abrutis m’embêtaient tous les jours, j’avais dit à mes parents que je n’aimais pas les nouveaux élèves. Ils étaient stupides et me rabrouaient sans cesse. Mais comme d’habitude, ils ne m’ont pas écouté. Ils m’ont dit que c’était sûrement de ma faute, je ne m’intégrais pas bien. Comme les garçons, j’étais nouvelle.

Elle marqua une pause. Son regard passa sur Murphy qui restait crispée sur sa chaise. Ses mains s’étaient enserrées autour du des barreaux de son siège, ses phalanges blanchissaient à vue d’œil. Diana s’avança vers une autre chandelle et l’alluma. Murphy remarqua que les mains de son interlocutrice devenaient de plus en plus translucides.

« Ils se sont amusés à voler mes rubans d’abord. Puis abandonner des mulots morts dans mon casier. Mettre des grenouilles dans mon sac. Me couper le bout des cheveux en cours. Ils se moquaient de mes chaussettes multicolores, de mon parapluie en arc en ciel. Pourtant j’avais beaucoup d’amis, ce n’était pas le problème. Ils avaient juste décidé que ce serait de cette façon qu’ils gagneraient mon attention. En tout cas, c’est ce que mon père m’a dit. Ils t’embêtent parce qu’ils t’aiment bien, tu sais, Diana.

Murphy déglutit. Au loin, elle entendait les sanglots du squelette, formant une mélopée on ne peut plus déchirante.

« Un jour, ce fut la blague de trop. J’étais près des chambres de l’internat. C’était tout en haut du collège. La plupart des chambres ne servaient plus. Je m’y cachais alors, afin d’être tranquille. Sauf que ce jour-là, ils m’ont suivi. Ils m’ont suivi tout en haut du collège et m’ont sauté dessus. J’ai eu peur et j’ai couru dans le fond du couloir. Ils avaient réussi à déchirer le bas de ma jupe.

Les larmes montèrent aux yeux des deux filles. Les raisons demeuraient obscures, était-ce la douleur des souvenirs pour Diana ou le fait que son plan tirait à sa fin ? Murphy pleurait-elle par empathie devant l’horrible histoire de sa camarade ou la peur prenait le dessus ?

« Je me suis caché dans le placard. Il y avait un escalier à l’intérieur. J’ai voulu bloquer la porte, mais je l’ai rouverte sans faire exprès. Ils ont tapé de leurs épaules dessus et j’ai trébuché. Je suis tombée en bas des marches. Je me suis cognée la tête. Quand j’ai repris mes esprits, la porte avait été fermée à clé. J’ai donc attendu, tellement attendu. Des jours et des jours. J’ai pleuré, j’ai appelé, mais j’avais tellement soif que je n’avais plus de voix. Et puis, à un moment, une dame a ouverte la porte. C’était une des cantinières. Elle est descendue et s’est mise à hurler. Après, elle a laissé la porte ouverte donc je suis sortie, je suis retournée dans la cour et personne ne faisait attention à moi. Comme si, avec ma jupe déchirée et ma disparition tout le monde ne voulait plus de moi. Je suis rentrée chez moi en courant et en pleurant, mais mes parents n’étaient pas là. Après, je suis restée dans ma chambre plusieurs heures. J’ai sangloté des heures dans mon lit. Quand ce fut le soir, je suis descendue dans la salle à manger. Mes parents pleuraient eux aussi, je ne les avais jamais vu comme ça. La police leur parlait. Mais personne ne faisait attention à moi, j’ai tiré sur leurs manches, j’ai crié. C’est comme si je n’étais pas dans la pièce avec eux…

Et là le policier a cité mon nom. J’ai cru que c’était l’émotion, ils étaient trop occupés. Et puis là, ils ont dit que j’étais morte.

Mon corps a été retrouvé par la cantinière dans le placard de l’internat. Ils ont parlé de déshydratation et morte depuis plusieurs jours. Ces abrutis m’ont enfermés dans le placard et ne sont jamais venus me chercher.

J’ai passé beaucoup de temps chez mes parents à ne plus sortir. Je refusais l’idée d’être un fantôme, mais encore pire, que les garçons qui m’avaient fait ça reste impunis. Aucune preuve contre eux n’avait été trouvé suffisante. Mes parents se sont battus, surtout ma maman. Elle était persuadée que c’était de leur faute. Elle s’est battu bec et ongles. Tout ce qu’elle a obtenu c’est mon portait dans la cuisine, et mon père a reçu un gros chèque de la part des parents des garçons pour qu’ils arrêtent les poursuites, les enquêtes.

J’ai donc quitté la maison de mes parents, je ne pouvais pas regarder mon père. Je suis retournée au collège plusieurs fois, j’ai cherché leurs dossiers, j’ai trouvé les lycées où ils sont allés et j’ai commencé à leur faire peur. Je leur volais leurs affaires, je les mettais dans les casiers des uns et des autres, ils se disputaient sans cesse. J’ai écrit des petits mots pour leur faire savoir que j’étais toujours là. Ils restaient persuadés que c’était l’un d’entre eux qui orchestrait chacune de ses entourloupes. Lentement mais sûrement, j’ai donc d’abord causé la fin de leur amitié. Ensuite, j’ai provoqué quelques accidents. Leurs vêtements accrochés aux poignets de portes et qui se déchirent. Les portes qui se fermaient sur leurs visages. Une chute dans les escaliers. L’un d’entre eux a failli en mourir. Mais après cette fois-là, ils ont tous les trois changé d’établissement et je ne les ai jamais retrouvé.

J’ai donc erré dans Cherbourg sans cesse. Je suis souvent revenue au collège. Je m’amusais à provoquer des petites catastrophes auprès de ceux qui embêtent les autres. Je n’ai pas vu le temps passer. J’ai aussi élu domicile dans cette mausolée. J’ai rencontré un de mes ancêtres, Edouard Goupil. Il m’a fait mille fois la leçon de laisser tranquilles les vivants, qu’ils n’étaient plus de mon monde et que je devais faire la paix avec eux pour pouvoir passer de l’autre côté. Je m’en fichais, j’avais pas envie de partir. J’adore cette mausolée. J’y venais déjà petite, seule. Cette pièce m’avait été montrée par ma grand-mère à mon arrivée. J’avais ramené mes livres préférées. Maintenant, je découpe les coupures de journal qui parle de ce qui m’est arrivé. Qui parle de ce qui arrive à plein d’enfants, alors que tout le monde s’en fiche.

De ce qui arrive à pleins de filles parce que les garçons qui les embêtent c’est bien connu, c’est parce qu’ils les aiment bien. »

Diana avait allumé chacune des bougies de la pièce. Petit à petit, son corps devenait de plus en plus transparent. Murphy tremblait de la tête aux pieds. Étrangement, l’idée qu’un squelette les attendait derrière la porte l’effrayait bien moins. Elles étaient deux face à lui. Mais le fait que Diana fut un fantôme la tétanisait.

« Edouard est quelqu’un de plutôt gentil. A aucun moment, il voulait nous attaquer. Il voulait te ramener à la surface, m’empêcher de t’expliquer.

Tu es si gentille Murphy, si tranquille. Je t’ai observé, tu es solitaire et tu n’embêtes personne. Tu es souvent dans ton coin au collège, à écouter de la musique. Tu es douce, et pourtant tellement peureuse. Je peux te rendre courageuse, rien ni personne ne t’atteindra. On s’entend bien, non ? Tu étais rassurée à mes côtés, non ? »

Murphy bredouilla un « oui » presque muet. Sa tête rentrait dans ses épaules au fur et à mesure que Diana parlait.

« Je le savais. C’est pour ça que je t’ai amené jusque ici. J’ai fermé l’entrée de la mausolée pour que tu m’écoutes jusqu’au bout. Sinon, j’aurais provoqué l’éboulement sur toi si tu n’étais pas si indiquée. »

Alors qu’elle continuait son récit, Diana tournait autour de son amie. Son regard était dur mais un sourire carnassier fendait son visage en deux. Elle posa ses mains sur les accoudoirs de la chaise et se rapprocha de plus belle de Murphy.

« Tu es toute indiquée pour devenir ma meilleure amie pour la vie. »

Murphy hurla si fort que Diana sursauta. La chaise tomba en arrière dans un fracas redoublé par l’écho de la mausolée. Des bougies s’éclatèrent sur le sol. La plupart des lumières s’éteignirent de nouveau. Les romans et les grimoires s’effondrèrent dans un nuage de poussières. Murphy se glissa par terre et rampa jusqu’à la porte. Son amie soupira presque d’amusement.

« Cela ne sert à rien, tu ferais mieux de rester avec moi. De toute façon, qu’est ce qui t’attend dehors ? Des amis ? J’ai cru comprendre que ce n’était pas le cas.

L’adolescente cria de plus belle, le visage noyé dans des larmes de frayeur. Elle grelottait des pieds à la tête. Morte de peur, elle griffa les pierres de ses maigres ongles. Le sang commençait à jaillir sur la pulpe de ses doigts. Une odeur de plus en plus putride envahissait la pièce, comme annonciatrice de la venue de la faucheuse prête à la condamner. Diana s’avança vers elle, dans ses mains une fiole de couleur verte.

- C’est un poison rapide, tu ne sentiras aucune douleur, et normalement tu hanteras Cherbourg avec moi. Tu verras c’est déjà amusant seule, alors à deux ça sera génial ! Comme une soirée pyjama qui ne s’arrête jamais !

Elle s’agenouilla près de Murphy, le regard vide et un sourire grinçant atteignant presque ses oreilles. Sa peau de plus en plus translucide et ses cheveux perdant petit à petit leur éclat effrayaient la jeune fille. Diana posa une main glacée sur l’épaule de son amie. Une sensation de brise légère caressa la manche de son pull.

- Je te promets, tout se passera bien. Je prendrais soin de toi. Tu es spéciale, Murphy. Peu de personnes prennent le temps de remarquer les fantômes qui les entourent. Toi, tu m’as vu tout de suite. Et tu as tellement l’habitude de voir ma photo que j’étais réelle pour toi dès le début. J’étais encore en vie à tes yeux. C’est le plus beau compliment que l’on m’ait fait depuis longtemps, voire depuis toujours.

Murphy sanglotait, les yeux fixés sur le poison.

- Si tu préfères faire ça autrement, j’ai une dague dans le fond de mes affaires, quelque part. Je t’avoue que je préférerais éviter ça, je ne sais pas trop ce que ça donne un fantôme qui a été assassiné aussi brutalement.

Diana marqua une pause, comme perturbée. Elle passa une main sur sa gorge.

- Tu vois, moi par exemple j’ai toujours cette sensation de soif… Elle ne me sert à rien car boire de l’eau ne me désaltéra plus jamais mais… Elle reste là. »

Murphy profita de ce semblant d’absence pour repousser la jeune fille puis rouler sur le côté. Elle se redressa promptement et ouvrit la porte violemment. Elle entendit le fracas du verre, tandis que le poison se déversait sur le sol. Diana poussa un cri de colère face à ce désastre. Elle fulmina, ses yeux de plus en plus sombres semblaient sortir de leurs orbites.

Déterminée, poussée par son instinct de survie, Murphy couru à toute vitesse à travers le couloir. Elle passa de nouveau devant les gargouilles, plus menaçantes que jamais. Le maigre éclairage amplifiaient leurs expressions horrifiques. Murphy entendait comme un brouillard que seule sa respiration saccadée et essoufflée réussissait à percer.

Alors que Murphy arriva jusqu’au mur de sortie, elle frappa de toutes ses forces sur chacune des pierres. Dans son dos, Diana arrivait en trombe. Son expression était tellement haineuse que la jeune fille cru qu’elle allait mourir de frayeur. Appuyée contre le mur, Murphy se cacha le visage de ses bras. De son oreille gauche elle distingua alors le cliquetis des os.

Clic, clic, clic.

Alors le mur s’ouvrit. Surprise, Murphy s’affala en arrière sur le sol. Un vent terrible secoua ses cheveux dans tous les sens, sa frange se mît dans ses yeux. Diana sauta alors sur le corps de son amie. Elle attrapa le col de son pull, le visage figé par la colère.

« Tu ne vas pas m’abandonner ! » lui hurla-t-elle dessus.

Murphy lui donna un coup de coude dans les dents, faisant jaillir du sang de ses lèvres. Diana cria de plus belle, les mains sur sa bouche boursouflée. Puis, par surprise, quelque chose attrapa la fantôme par les cheveux la tirant vers le couloir caché de la mausolée. Murphy ne s’arrêta pas pour savoir ce qu’il se passait, elle se releva et couru. L’entrée restée bouchée par l’éboulement de pierres, elle entreprit d’aller dans la direction opposée. Par chance, les torches étaient de nouveau allumées. Elle contourna les colonnes moisies et arriva dans une antichambre. Un sarcophage se tenait au milieu de la pièce entourés de calices et d’artefacts. Murphy ne réfléchissait presque plus, seule son adrénaline persistait. Elle se cacha derrière la cuve prête à accueillir un quelconque cadavre. Elle ferma les yeux. Elle se concentra pour que sa respiration se calme afin de faire un maximum de silence. Elle plaqua ses mains ensanglantées sur ses genoux couverts de bleus et se mordit la lèvre, priant pour que les larmes cessent de couler. Concentrée par ce rituel, elle ne vit pas l’ombre apparaître sur le sol à ses côtés. C’est alors qu’une douleur aiguë transperça la chair de son épaule. Murphy cria alors que le sang se mit à jaillir de nouveau. Elle leva les yeux sur Diana, qui avait le regard bouleversé par des sanglots. Dans sa main se tenait une lame recouverte d’hémoglobine. Elle ne disait rien, seul le désespoir s’exprimait sur son visage éthéré. Ses yeux écarquillés, à la limite du grotesque, la fixait. Sa bouche entrouverte ne laissait sortir qu’une plainte presque lointaine, à la limite de la mélopée. Murphy se mit à pleurer de plus belle. La scène morbide qui se tenait face à elle lui déchirait le cœur autant qu’elle l’effrayait. La main sur sa blessure, elle recula quelque peu. Diana en réponse, s’avança dans la même lenteur.

« Diana, s’il te plaît… Laisse moi partir…

- Tu vas m’abandonner comme les autres, et tu n’auras jamais d’amis si tu sors d’ici, ils te feront du mal eux aussi. » sanglota la fantôme.

A cet instant, malgré le nombre de décennies où Diana était restée hanter la ville, on ne voyait qu’une pauvre petite fille de treize ans, victime de choses qui n’auraient jamais dû être commises et de l’injustice. Murphy se leva, comme résignée. Il n’y avait aucune sortie, aucune issue. Elle leva une main vers Diana pour l’attirer vers elle. Sans un mot, elle plongea sa tête dans la chevelure transparente de cette dernière. Sans rien dire, elle ferma les yeux et serra fort la jeune fille contre elle. Dans le silence, Diana leva la lame en l’air afin de l’abattre.

Murphy se mordit la lèvre.

Elle enlaça tellement fort son amie contre elle qu’elle sentait chacun de ses os.

Le goût salé de ses larmes emplissait sa bouche.

Le sang coulait le long de son bras.

Mais rien ne vint.

Les secondes passèrent, rien ne vint.

Entre ses doigts, elle ne sentait plus le corps de Diana. Interloquée, elle rouvrit les yeux et s’écarta. La jeune fille était toujours là mais inconsistante. Son corps semblait délavé flottait quelques centimètres au dessus du sol. Son visage n’affichait plus qu’un profond chagrin. La lame tomba au sol tandis que Diana essuyait les larmes qui perlaient sur son visage. Elle ne dit rien mais ses yeux exprimaient tout. La douleur, l’abandon, la solitude, le regret également. Mais aussi, le deuil. Lentement mais décidée, Diana tourna le dos à Murphy et s’avança vers le sarcophage. Sous les yeux éberlués de son amie, elle s’y coucha les bras croisés. Un couvercle descendit en lévitation et ferma la cuve.

« Diana ? », bredouilla Murphy.

Désemparée, cette dernière ressentit pleins d’émotions contraires. Alors qu’un soulagement certain envahissait son corps, la panique s’exprimait également. Elle tapa des poings sur le couvercle qui recouvrait son amie. Elle hurla son nom vainement alors que son corps était secoué par les soubresauts des sanglots. Une main délicate se posa sur le haut de son crâne. Elle se retourna alors. Un squelette se tenait près d’elle. Une moustache finement brossée trônait sous un monocle élégant. Son costume de bonne facture lui donnait une allure très digne. Son regard portait toute la bienveillance et la compassion du monde.

« Elle est partie. Elle a compris qu’elle ne serait pas plus heureuse ainsi et qu’elle te condamnerait aussi. C’était une enfant terriblement seule… J’ai tenté de l’arrêter mais elle n’avait plus que la peur de l’abandon qui l’animait. C’était très fort, elle paraissait presque humaine encore.

- Mais où est-elle maintenant ?, demanda tristement Murphy.

- Là où les morts vont quand ils sont enfin en paix avec eux-mêmes. Là où je tentais de la guider depuis si longtemps.

- Mais qui êtes-vous ?

- Elle m’appelait Edouard. C’était un membre de sa famille dont elle avait vu maintes fois le portrait. En vérité, j’avais pris son apparence pour la rassurer. Mais tes semblables m’appellent la Mort ou la Faucheuse. Je ne suis pas humain.e, je suis une entité. Je n’ai ni genre ni passé. J’ai essayé de te prévenir, te dire de partir, tu pouvais à peine m’entendre mais tu ne pouvais pas me voir. J’étais désespéré.e. On ne peut pas me voir avant d’avoir vu quelqu’un mourir sous ses yeux.

- Mais elle était déjà…

- Déjà morte ? Oui et non. D’un point de vue scientifique tout à fait, mais elle le refusait. Alors elle hantait Cherbourg afin de se venger ou de se sentir moins seule. Un fantôme n’est pas quelqu’un qui n’a pas accompli ce qu’il devait faire au cours de sa vie, vous n’avez pas de but prédéfini, un fantôme est un mort qui a encore peur de mourir. »

Sous les yeux de Murphy, le monsieur disparut en une fumée noire afin de laisser apparaître une figure bien connue. Enveloppé.e dans une cape noire, débarrassé.e du monocle et la moustache, armé d’une faux, la Mort la dévisageait toujours.

« Il n’est pas du tout l’heure pour toi de mourir, jeune fille. Donc tu vas me faire plaisir de remonter à la surface et de rentrer chez toi. C’est peut être la nuit d’Halloween, mais ce n’est pas une raison d’inquiéter plus tes parents…

- Je ne peux pas rentrer dans cet état., remarqua Murphy, les vêtements et les mains recouverts de tâches de sang.

- Mmmm… En effet. »

La Faucheuse tourna sa faux dans sa main, comme une baguette magique. Une brise à l’odeur répugnante entoura Murphy qui grimaça. Son pantalon fut réparé, son pull lavé de toutes traces de cette nuit, et sa blessure se referma ne laissant qu’une cicatrice blanche près de ses clavicules.

« J’ai des petites astuces. », gloussa la Mort dans ses phalanges.

Elle tendit la main à l’adolescente qui la saisit sans hésiter. D’un coup de faux, elles se trouvèrent dans le cimetière. L’odeur putride stagnait encore un peu mais Murphy était dehors. Il faisait nuit et l’air semblait frais et humide. Mais elle était enfin dehors.

« Nous ne sommes pas censé.e.s se revoir avant bien longtemps, mon enfant. Mais quelque chose me dit que je vais te recroiser sur mon chemin.

- Bah, honnêtement, je n’espère pas. », conclut Murphy.

La Mort explosa d’un rire tonitruant, tel un pirate fier de sa dernière aventure. Sur ce, la Faucheuse disparut, ne laissant que l’écho de ses éclats de rire.

Murphy se trouva seule au milieu des tombes. La mausolée était toujours dans son dos, l’entrée bouchée par l’éboulement de pierres. Elle se tourna alors, le regard bouleversé. Elle toucha du bout des doigts sa cicatrice, le souffle court. La jeune fille ne savait pas quoi tirer comme leçon de cette nuit. Elle marcha vers le portail du cimetière, les chaussures toujours humides du temps de ce mois d’octobre, les flaques se dressant sur son chemin et les feuilles mortes gorgées de pluie collant à ses chevilles. Elle passa alors devant une petite tombe qui ne payait pas de mine. Sobre, elle arborait un petit portrait en noir et blanc coincé dans un écrin doré. On y voyait Diana souriante, ses lunettes trop grandes pour son visage. Murphy sourit en touchant du bout des doigts la tombe de son amie disparue. Elle y envoya un baiser du bout des lèvres, les yeux humides, avant de partir du cimetière sans se retourner. Ce soir-là, ses parents furent un peu inquiets mais ne lui posèrent pas de question. Murpy retourna la semaine d’après au collège tranquillement. Elle ne parla jamais de cette nuit là elle n’oublia jamais la petite fille seule et en colère qui hantait la mausolée.

Elle y pensa chaque année, à chaque Halloween.

Fairy tales are more than true: not because they tell us that

dragons exist, but because they tell us that dragons can be

beaten.

—G. K. Chesterton


Texte publié par eliestonem, 11 octobre 2020 à 18h09
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