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Eriune, Fille de la Lune

© Rose P. Katell (tous droits réservés)

Le code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur est illicite et constitue une contrefaçon, aux termes de l’article L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

A Aislune, dont l'un des pseudonymes m'a inspiré cette histoire.

J'espère que le clin d'œil à ton roman te plaira.

Comme toutes les nuits, à l’instar de ses sœurs éparpillées sur leur bel astre, Eriune, Fille de la Lune, s’éveilla sitôt le soleil disparu.

Allongée au milieu de la portion de Fleurs de Lune dont elle était la gardienne, elle papillonna des paupières, s’assit dans un mouvement volubile, puis étira son corps nu et bleuté, presque diaphane, avec lenteur. L’éclat des végétaux qui l’encerclaient, si cristallin, si pur, lui arracha un soupir de bien-être – peu importait le nombre d’années qui composaient son existence, elle se doutait en son sein qu’elle ne se lasserait pas du spectacle qu’ils représentaient.

Un fin sourire aux lèvres, elle se dressa sur ses pieds, avant d’inspirer profondément.

L’heure d’accomplir son rôle quotidien, celui-là même pour lequel elle était née, était survenue. Devrait-elle partir en excursion, ou n’exécuterait-elle qu’une simple ronde ?

D’un pas aérien, Eriune commença à effectuer le tour de sa parcelle. Elle s’arrêta devant la moindre Fleur, détailla sa brillance, la texture de ses pétales fermés les uns sur les autres, sa position…

Un chant mélodieux se faufila hors de sa gorge et l’accompagna dans sa tâche. Cette dernière, répétitive, ne l’ennuyait pas. Jamais. Non seulement Eriune aimait être au contact de ses protégées, mais en plus, elle connaissait l’importance qu’arborait son rituel.

Vérifier que chaque fragment de lumière demeurait vif était l’unique moyen de s’assurer que l’univers ne plonge pas dans une totale noirceur sitôt le jour couché – sans eux, les étoiles elles-mêmes s’éteindraient, incapables de se refléter.

Oui, Eriune était fière de son travail. Du travail de ses semblables.

Un bouton au miroitement plus faible entra dans son champ de vision. Elle le rejoignit en quelques enjambées apeurées, s’agenouilla face à lui. Elle l’entoura de ses paumes et apposa ses doigts contre lui, se concentrant afin de percevoir son énergie…

Le soulagement l’envahit au bout d’une dizaine de secondes. Elle n’avait commis aucun manquement : la perte lumineuse ne datait pas de sa précédente inspection, mais de son sommeil. Elle avait le loisir d’agir.

D’un rapide coup d’œil, Eriune contrôla la lueur dégagée par les Fleurs encore non examinées. Elle estima qu’elles ne courraient pas de risque.

Elle s’accorda deux ou trois respirations profondes. Puis, d’une démarche résolue, elle gagna le rocher témoin de ses sauvetages, où elle déroula l’immense corde qu’elle y avait fixée. Eriune la regarda tomber, tomber, tomber… jusqu’à approcher de la surface de la Terre.

Le destin avait parlé. Cette nuit ne serait pas une nuit de simple ronde.

Elle agrippa le lien tressé d’une main ferme, y enroula sa cheville. Elle se laissa glisser et prit de la vitesse au détriment du danger. Malgré elle, un rire extatique se faufila hors de sa bouche ; elle adorait autant se sentir chuter qu’être fouettée par le vent.

Eriune se délecta du moment. Chacune de ses descentes lui procurait l’impression d’être plus vivante. S’il n’y avait eu la crainte omniprésente de voir une Fleur mourir, toutes auraient constitué l’aspect préféré de sa vie, elle le devinait !

Bientôt, le sol dur se rapprocha. Elle ralentit sa course, et sauta dès que son instinct lui affirma que l’instant était propice.

Elle se réceptionna en douceur, sans que nulle douleur ne frappe ses chevilles.

Satisfaite, Eriune observa les alentours. Plutôt curieuse, découvrir où la rotation de la planète bleue l’avait fait atterrir la titillait…

Environnée par un décor plus rural qu’urbain, elle se tenait juste à côté d’une maison aux lumières éteintes, dont les habitants étaient selon toute logique endormis soit bercés par le calme enveloppant l’endroit, soit par le son de la brise.

Eriune abaissa ses paupières. Il lui fallait désormais trouver le seul nectar en mesure de sauvegarder l’éclat de la Fleur malade. Il lui fallait trouver une âme en peine.

Elle déambula à l’aveugle. Elle se fiait entièrement à son intuition, forte et fidèle, afin d’atteindre son but et n’appréhendait pas d’échouer ; d’abord parce qu’elle se savait douée, ensuite parce que rentrer bredouille lui était inenvisageable, elle ne l’accepterait pas.

Focalisée sur ses ressentis, Eriune ne parvint pas à estimer le temps qu’elle mit à dénicher la fameuse âme en peine. Toutefois, lorsqu’elle éprouva la conviction d’en être proche et s’autorisa à user de sa vue, elle se situait dans un verger, dont l’atmosphère apaisante lui rappela aussitôt son chez-elle.

Alors qu’un sourire naissait sur sa bouche, son attention fut attirée par un sakura en pleine floraison.

Une intonation émerveillée lui échappa. L’arbre était si grand, si majestueux… Et ses multiples fleurs blanches, agitées par la caresse de l’air, paraissaient par leur beauté même remercier la Lune de les sublimer de ses rayons !

Subjuguée par le spectacle qu’il offrait, Eriune eut besoin de plusieurs secondes pour réaliser que ce qu’elle était venue quérir siégeait là. Assise dans l’herbe, le dos appuyé sur le tronc de la merveille, une jeune femme cherchait son souffle dans la solitude du lieu. Les genoux repliés contre son buste, les bras croisés autour de ceux-ci, tout dans son attitude indiquait qu’elle était la proie d’un quelconque tourment.

Eriune s’avança dans sa direction. Invisible aux yeux des mortels et consciente de l’être, elle s’accroupit devant elle sans manière, puis plaça l’une de ses paumes sur sa pommette…

Grâce au don d’empathie propre aux siennes, elle l’aida à expulser son émoi de son corps, la guida sur la voie du soulagement.

Une première larme roula sur la joue de la Terrienne. Eriune la récupéra du bout d’un doigt, avant de la fixer dans ses cheveux comme un bijou précieux.

Elle recommença la manœuvre à chaque nouvelle perle salée, et ne relâcha son emprise qu’une fois les pleurs de la femme taris… Lorsqu’elle s’en éloigna, sa chevelure scintillant de mille feux, celle-ci avait recouvré une respiration normale.

Eriune rebroussa chemin jusqu’à la corde déroulée. Déjà, son esprit n’allait plus qu’au bouton pâlissant, qu’elle avait maintenant moyen de sauver. Oh ! Elle en frissonnait de plaisir anticipé.

Sa lente ascension vers son foyer débuta. Légère, elle grimpa avec habileté et agilité. Ses mouvements étaient sûrs, précis. Déterminés. Eriune veillait à ce qu’aucune des précieuses gouttes ne glisse de sa coiffure, percevant leur poids et la ferveur des émotions humaines qu’elles renfermaient – unique source assez belle et puissante pour entretenir le miroitement de ses protégées.

Eriune ne compta pas les minutes passées à rejoindre l’astre nocturne, pas plus qu’elle ne se concentra sur sa fatigue ou ses muscles douloureux. Elle se contenta de continuer sa progression, toujours au même rythme, toujours avec la même hâte au cœur.

Quand enfin elle posa les pieds sur son sol natal, elle ne s’accorda pas davantage le loisir de souffler : elle hissa la corde à ses côtés avec une rapidité digne de son impatience puis, sans se soucier de l’enrouler correctement, galopa vers la Fleur souffrante.

Une expression ravie gagna ses traits sitôt qu’elle se planta devant elle. Elle avait réussi… Sa lueur ne resterait pas faible plus longtemps !

Le chant qu’elle entonnait plus tôt jaillit derechef de sa gorge. Eriune lissa ses longues mèches, récolta les larmes dans ses mains. Fébrile, elle les versa ensuite sur le végétal. Et tandis que l’eau s’écoulait, une seule question l’envahit…

Les sentiments de la jeune femme seraient-ils suffisamment purs et sincères pour que la Fleur éclose en plus de guérir ? Pour qu’elle donne naissance à l’une des siennes ?


Texte publié par Rose P. Katell, 17 septembre 2020 à 10h49
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