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tome 1, Chapitre 7 tome 1, Chapitre 7

De retour à la maison, Oana goûta tranquillement devant ses séries préférées, comme si de rien n’était. Elle était contente de ne plus sentir le poids de l’angoisse, même si c’était dû à une dispute. Pour se changer complètement les idées, elle se concentra sur ses devoirs, recopia dans un carnet les dessins qu'elle avait fait dans les marges de ses cahiers puis éteignit la télé pour relire ses leçons. Les apprendre était un bien grand mot mais, après les notes des premières semaines, elle avait compris qu'elle ne pourrait plus se contenter d'écouter en classe comme elle le faisait au collège. Alors elle s'était résignée à relire les cours soir après soir. Ça avait l'air de fonctionner pour l'instant.

Ses parents rentrèrent, discutèrent avec elle de leurs journées respectives. Elle parla peu de sa discussion avec Pierre, parce qu’elle ne voulait pas remuer la vase dans son esprit. Elle ne leur parla pas non plus de son impression devant chez Simon. Enfin, anciennement chez lui. Non pas qu'elle voulait le leur cacher : elle avait si bien rempli sa tête entretemps qu'elle avait réellement oublié.

Cependant vint la nuit. À l'endormissement, ce furent d'abord les paroles de Pierre qui lui revinrent. C’est sûr qu’elle n’avait pas été très joyeuse depuis qu’ils s’étaient mis ensemble. Elle avait joué de malchance, avec ce brouillard qui l’entourait comme un spleen, alors même qu’elle aurait dû être au sommet. En même temps, s’il tenait à elle, il devrait s’inquiéter de sa baisse de forme plutôt que de la lui reprocher… Elle se rendait compte qu'elle aurait bien aimé avoir plus d'importance à ses yeux. Être tout pour lui ? C'est un peu présomptueux, ça. De quel droit, petite ? Qui crois-tu être, toi qui as laissé ton meilleur ami dans la panade en plein été pour aller te pavaner sur une scène ?

Les images de Pierre et de Simon se superposaient dans son esprit engourdi et fusionnèrent sous la forme d'un père noël qui venait voler les œufs de Pâques dans le jardin de sa grand-mère. Il la fixait, sourcils froncés, en criant d'une voix d'outre-tombe : « Tu ne l'as pas mérité ! »

— Non, je ne l'ai pas mérité, répéta-t-elle tout bas. Je n'ai pas mérité ça.

Un sourire s'afficha alors sur ses lèvres. Elle ramena un coin de la couette entre ses bras et la serra comme elle l'aurait fait avec un ours en peluche. Puis elle s'endormit tout-à-fait.

Quand le réveil sonna, elle émergeait encore d'une maison pleine de brume, mais cette fois-ci sa vision était très nette. Et le sentiment que ce n'était pas un rêve était chevillé en elle. Elle descendit.

— Quel pas décidé ! fit remarquer son père. Je t'ai fait ton chocolat. Tu es sûre que tu ne veux pas le boire chaud ?

— Je t'ai dit cent fois déjà, que de me lever si tôt me coupe l'appétit. Impossible de boire du lait chaud maintenant ! Il n'y a que froid que ça passe.

— Pourquoi pas des céréales dans ce cas ?

— Trop long à manger !

— Tu n'as pas essayé le thé ?

— Bon, tu me lâches ? Il y a des trucs plus importants dans la vie !

Son père la regarda, interloqué. Elle baissa les yeux mais ne dit rien.

Elle emporta son bol au bout de la table et se tourna de sorte à ne voir que le mur et le ciel, qui commençait à peine à s'éclaircir, à travers la fenêtre. Elle se concentra pour rassembler les morceaux de son rêve.

Elle entrait dans la maison, elle ne se souvenait plus de quelle façon. Elle montait jusqu'à la chambre de Simon. Il n'y avait plus rien dedans, juste de la moquette par terre et la vieille armoire à glace au fond. Le soleil faisait danser la poussière dans le rond de lumière qu'il projetait sur le sol. Des petits grains qui brillaient et allaient se déposer ailleurs. Il y en avait toujours plus. Ils bloquaient la porte, elle n'avait pas d'issue : impossible de se sauver par l’œil de bœuf, bien trop étroit, et de toute façon il donnait à vingt-cinq mètres au-dessus du sol ! Acculée, elle avait saisi la poignée de l'armoire, alors qu'elle savait bien, depuis le temps qu'elle faisait ce rêve, que la lourde porte allait lui tomber dessus !

Elle partit au lycée en effleurant à peine la joue de son père. Le rationalisme qu'il manifestait en toute chose empêchait qu'elle se confie à lui. D'ailleurs, elle ne comprenait pas encore de quoi il s'agissait. Non, il fallait plutôt qu'elle en discute avec Matthias et Zoé. Zoé, surtout : peut-être que ses connaissances en sorcellerie pourraient lui être d'un certain secours.

— La porte, c'est le passage entre les mondes, expliqua celle-ci lorsqu'Oana lui eut raconté sa nuit.

— Mais pourtant, tout est vide et abandonné là-bas...

— Justement. C'est vide de présence humaine, physique. Mais peut-être qu'il y a des créatures d'outre-monde. Ce qui expliquerait le rideau que tu as vu bouger. Il faudrait qu'on aille y faire un tour...

— Tu... tu es en train de me dire qu'il y a des fantômes dans la baraque, et tu veux y aller ? T'es complètement tarée !

— Non, mais les fantômes, c'est pas ce que tu crois... On a peur parce qu'on ne connaît pas. Souvent, ce sont juste des âmes en peine qui ne savent pas comment aller au-delà. Qui ne se sont même pas rendu compte qu'elles étaient mortes, d'ailleurs. Suffit de leur ouvrir un petit tunnel de lumière et de leur expliquer gentiment pourquoi elles ont tout intérêt à profiter du passage.

— Tu sais faire ça, toi ?

— Ouvrir un tunel ? Ce n'est pas ultra compliqué, faut juste être en forme et concentrée.

— Et, tu accepterais de m'accompagner ?

— Tu n’as pas peur, finalement ? Je suis partante, mais plutôt un jour où on n'a pas cours l'après-midi. Genre, demain : je pourrais prendre le bus avec toi à treize heures et on irait direct, puisque c'est en face de l'arrêt, c'est bien ça ?

— Hey, les filles ! les coupa Matthias, de quoi vous parlez, toutes les deux, à voix si basse ! Est-ce que ça croustille ?

— Chut, c'est pas tes oignons ! le tança Zoé.

— Comment ça, pas mes oignons ? Tu sais que tu parles à un journaliste, là ? Tu sais que je vais vouloir tout savoir si tu me dis ça ?

— Ah ben tiens, on va voir quelle sorte de journaliste : le secrétaire de rédac, bien au chaud dans son bureau à recopier les dépêches de l'agence France Presse, ou le reporter de guerre prêt à se coltiner tous les dangers pour avoir une info de première main ?

— Euh... j'espère être plutôt du deuxième type... de quoi il s'agit ?

Quelques paroles plus tard, il était décidé que Matthias aussi prendrait le bus vers chez Oana le lendemain.


Texte publié par Lilitor, 26 octobre 2020 à 12h07
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