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tome 1, Chapitre 9 « Mirages nocturnes » tome 1, Chapitre 9

— Esther…

Esther étouffa un cri, fit volte-face. Il lui avait semblé que celui ou celle qui l’appelait se tenait tout contre son oreille. Pourtant, personne ne prit la fuite, personne ne s’éloigna d’elle. Elle était seule.

La chose-ombre s’était redressée, humant l’air. Aux aguets, elle fixait les bois, reniflant régulièrement. Et tandis qu’Esther s’assurait que tout allait bien, la bête grogna furieusement.

— Esther…

Elle était cernée. Tout autour d’elle, des voiles de lumières s’étaient déroulées du ciel, l’avaient enveloppée de leur lueur. Des petites étincelles allaient et venaient, virevoltaient à ses côtés. À bien y regarder, Esther s’aperçut qu’elles étaient des étoiles filantes et que leurs petites bouches minuscules murmuraient de concert, comme une prière, ce même nom :

— Esther…

— Je suis là, souffla-t-elle à l’attention des êtres célestes qui dansaient autour d’elle.

La bête dans son dos grognait plus fort, se grossissait pour imposer sa puissance aux nuisibles. Mais Esther, d’un geste doux, lui imposa le calme. Hypnotisée par le ballet incandescent, elle murmura de nouveau :

— Je suis là.

— Je suis là, avait-elle répété.

Autour d’elle, les minuscules lueurs tournoyaient, et se confondaient. Bientôt, un corps s’esquissa, tout d’abord le torse, puis des membres, des hanches, puis des cuisses, des jambes, puis des pieds ; de même, des bras se matérialisèrent, puis des avant-bras, des poignets et des mains ; des mains qu’elle ne reconnaissait que trop ; des mains qui, toute son enfance, l’avaient bercée, l’avaient tenue, lui avaient enseigné. Les yeux mouillés de larmes, elle ne distinguait qu’imparfaitement le visage, mais elle le reconnaissait déjà. À côté d’elle la chose ombre s’était retirée et elle lui en fut grée.

— Esther, murmurèrent les lèvres imparfaites.

— Pè… mais sa voix se brisa dans un sanglot.

— Ce n’est rien, Esther, soupira-t-il, les bras tendus.

Elle voyait ses mains calleuses qui lui avaient montré tant de choses, belles et moins belles.

— Viens.

Sa voix éteinte était moins qu’un souffle, mais elle ne la reconnaissait que trop. Éperdue, elle s’avança en direction de l’apparition. Mais elle n’eut pas fait plus de deux pas qu’une main puissante s’abattait sur son bras.

D’un geste brusque, elle voulut s’en arracher, mais l’étreinte était trop forte. Rageuse, elle se tourna vers Stjörauga, mais la sévérité de son regard, le flamboiement de son œil vide, éteignit en elle tout désir de révolte. De l’index, elle pointait la poitrine de l’être de lumière.

— Mais… osa-t-elle murmurer. Il…

— Ce n’est qu’une illusion, un mirage. Si vous vous laissiez toucher par elle, vous seriez perdue.

Le visage d’Esther se froissa. Une infinie tristesse, là où s’était imprimée une émotion joyeuse, vint raidir ses traits. Elle se mordit la lèvre pour contenir dans sa gorge, le flot de larmes qui lui montait aux yeux.

Devant elle, l’illusion déjà s’évanouissait, redevenait ce ballet délicat de petits astres. Puis, comme happés par un souffle venu des bois, ils se glissèrent dans les ramures, illuminèrent le chemin.


Texte publié par Yukino Yuri, 16 septembre 2020 à 21h14
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