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tome 1, Chapitre 7 « Fille d'étoiles » tome 1, Chapitre 7

Soudain, un rugissement résonna dans la forêt, des arbres se couchèrent, puis ce fut le silence. Couchée dans la neige, Esther se releva, les membres encore roidis par le froid ; derrière elle, Stjörauga n’avait pas bougé ; agenouillé dans la neige, appuyé sur la chose-ombre, son œil luisait dans les ténèbres. Pourquoi la suivait-il ? Il n’était pas son chaperon et, ainsi qu’il l’avait laissé entendre, il n’avait pas vocation à l’être. Alors, pourquoi ? Chassant l’inopportune interrogation, elle s’avança dans l’épaisse poudreuse et découvrit dans des cratères, trois pierres ; là-haut le ciel illuminait les ténèbres.

— Merci, souffla-t-elle.

Elle se saisit des pierres, les scruta avec attention. Sous la surface lisse, il lui semblait que des milliers d’étincelles explosaient en petites étoiles timides. Elle resta ainsi, hypnotisée par le ballet de lumière qui se déroulait sous ses yeux puis réalisa que les astres enfermés se laissaient voguer vers le nord. Esther leva les yeux. Un rai de lumière que la Lune ne pouvait éclipser illuminait un sentier à peine tracé qui serpentait dans la vallée.

— Suivez-moi.

Serrant la dague contre sa poitrine, elle se retourna vers Stjörauga. Il demeurait immobile, l’œil dans le vague. Parfois, ses lèvres remuaient silencieusement et son iris doré se posait sur elle. Esther soutenait alors son regard avec orgueil. Dans le secret de son cœur, elle savait ce qu’elle faisait. Les étoiles lui murmuraient la bonne marche à suivre.

Elle savait où elle allait.

La neige étouffait le bruit de leur pas, cependant que résonnaient les échos d’une nuit qui semblait ne connaître aucune fin. Éclairé des pierres, le sentier s’enfonçait toujours plus loin dans la forêt, là où poussaient les arbres les plus vieux et les plus sages. Noueux, leurs troncs formidables s’élançaient à l’assaut du ciel, dont ils effleuraient à peine la surface. Parfois, sous ses pieds, le manteau blanc cédait et alors elle chutait. Mais, jamais, Stjörauga ne lui tendait la main ; elle l’aurait refusée, elle ne céderait rien ni à lui ni à personne, elle trouverait la pierre de lune et accomplirait sa destinée, ainsi qu’elle en avait fait le serment. Dans le ciel, la lune semblait se moquer de ses efforts comme elle lui présentait sa face ricanante et grimaçante.

— Oh, mon enfant, croyait-elle entendre. Te rendras-tu là où nul ne peut se rendre ?

Mais elle repoussait alors ces voix et avançait derechef au prix de l’épuisement.

— Arrêtez-vous, Esther ! lui intima soudain Stjörauga.

Mais elle ne l’écoutait pas et poursuivait sa marche.

— Je pensais que vous n’étiez ni mon père, ni mon chaperon.

— En effet, je ne le suis point. Pourtant, vos jambes chancellent et votre pas est moins assuré ; vous risquez de vous blesser. J’ai aperçu un arbre creux, assez vaste pour nous y abriter, le temps de la nuitée.

— Taisez-vous ! ordonna vivement Esther tandis qu’elle s’entourait de ses bras pour se réchauffer. Tentez-vous à nouveau de me détourner de mon chemin ? N’êtes-vous là que pour cela ?!

Stjörauga la fixa sans mot dire. Esther crut lire dans ses traits figés une affection paternelle qui lui creva le cœur. Elle ne voulait pas d’un père de substitution. Elle avait son père à elle. Elle voulait garder pour lui l’amour filial qu’elle entretenait en son sein.

— Cessez donc de vous entêter. Regardez vos doigts. Du repos vous serait bénéfique.

Esther sursauta, baissa ses yeux sur ses mains encore crispées sur la dague. Le gel avait recouvert sa chair, ses ongles étaient devenus aussi cassants que de la glace. Des flocons semblaient imprimés sous sa peau, son sang n’affluait plus.

Elle leva vers Stjörauga un regard effaré.

— L’hiver en cette forêt aura raison de vous avant que vous n’ayez raison de lui. Écoutez mon conseil, reposez-vous.

Et comme il voyait dans les yeux d’Esther un désir farouche de lui tenir tête, il ajouta :

— Vous êtes courageuse et déterminée. Ne laissez pas ces dons du ciel se flétrir sous les assauts du gel par votre seul entêtement.

Ces mots étaient comme une morsure douloureuse dans sa chair. Cependant, elle s’inclina, acquiesçant humblement.


Texte publié par Yukino Yuri, 16 septembre 2020 à 21h08
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