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tome 1, Chapitre 5 « Poussière de souhaits » tome 1, Chapitre 5

— Qu’y a-t-il ? s’étonna l’étranger tandis que le bruit d’une charge furieuse se rapprochait.

Sa main posée fermement sur son plexus, elle sentait la force colossale présente dans ce bras. Affaiblie par la douleur et par le froid, elle demeurait incapable de bouger ; les yeux fixés sur sa dague toujours suspendue dans les airs. Soudain, une ombre passa derrière le corps massif de l’homme, à qui elle devait d’être encore en vie, et un hurlement jaillit du fond de la grotte ; dans les airs, sa lame se balançait doucement.

Lentement, l’étranger retira sa main, cependant qu’il tournait la tête en direction de la masse sombre qui revenait. Il lui sembla qu’elle traînait quelque chose qui aurait pu être une couverture sale et puante, tant l’odeur de fauve, qui s’en dégageait, la prit à la gorge. L’homme acquiesça d’un hochement de tête, puis l’ombre s’en revint à sa place première.

Furieuse, Esther roulait des yeux, mais la douleur, encore fraîche, l’empêchait de se mouvoir comme elle l’aurait désiré.

— Pourquoi ne pas me la rendre ?

— Es-tu sotte ? lui rétorqua l’étranger. Crois-tu qu’un tel objet, don de notre dame de la nuit, puisse demeurer dans notre monde sans attiser la convoitise des âmes faibles ? Les êtres de la nuit sont après elle.

Esther réprima un frisson. Qui étaient-ils, ces êtres de ténèbres qui traquaient son trésor ?

— Ils espèrent tous le salut.

L’ombre grogna. L’étranger siffla doucement pour la calmer. Esther devina qu’il s’agissait d’une bête qu’il avait dressée et qui montait la garde.

— J’espérais aussi le salut…, confessa Esther. J’espérais que la dame de la nuit m’accepterait et m’ouvrirait les portes de ma destinée. Je voulais être heureuse… À présent, je regrette mon père avec lequel j’étais déjà heureuse. Je me suis damnée.

— Vous trouverez votre salut. Mais ne laissez jamais la dame de la nuit prendre une part de vous-même comme monnaie d’échange.

L’étranger releva sa capuche tandis qu’il remuait les cendres dans l’âtre. Esther perçut à la lueur dorée du feu le trou béant qui ornait le côté droit de son visage.

— Vous avez eu votre chance. À présent, la dame de la nuit ne vous tendra plus la main sans récompense aucune, murmura-t-il d’une voix sourde.

À côté de lui, la chose ombre se coucha et tourna vers elle un mufle de cauchemar. Elle avait la figure d’un ours, mais non les proportions et, plus encore, ses yeux, ses yeux qui n’étaient plus que deux puits de ténèbres, au fond desquels brillaient des flammes, pareilles à des larmes de rage. D’une main amicale, il lui flatta l’encolure et arracha au foyer, encore brûlant, ce qui ressemblait à une pièce de viande et la lui jeta. L’ombre s’en saisit et grogna en signe de contentement, puis s’éloigna.

— Moi aussi, j’ai eu ma chance, poursuivit-il, amer. Cependant, j’ai eu la faiblesse d’y prendre goût et elle m’en a remercié de la manière que vous découvrez.

— Néanmoins, je ne l’ai jamais accablé, non plus que je n’ai éprouvé le moindre désir de vengeance à son égard, ajouta-t-il comme il se retourna, avant de s’emparer d’un large bol posé à quelques coudées de lui ; le visage fendu d’un sourire plein de mélancolie.

Ainsi plongé dans la lumière, son visage, malgré l’atroce mutilation qu’il avait subie, était encore pétri de grâce. Entre ses mains, il tenait une étrange pièce de cuir et de métal, qu’il plaça alors sur sa béance.

D’un bond, Esther s’extirpa de sa couche, arracha la dague du mur. L’étranger se retourna, la fixa avec surprise. Il voulut s’approcher d’elle, mais elle brandit la lame entre eux. Dans son unique œil couleur du crépuscule, elle pouvait percevoir son visage flétri par le gel.

— Je m’en vais, déclara-t-elle avec fermeté.

— Et où irez-vous ?

— J’irai au bout du monde ! J’irai déterrer la pierre de lune que mon père a enterrée ! Je la ramènerai à la dame de la nuit pour calmer sa rancœur envers moi ! J’ouvrirai les portes de ma destinée !

L’étranger la fixait gravement.

— Nul homme ne sait où il l’a enterrée.

— Voilà qui est heureux, murmura Esther pour elle-même.

Elle s’approcha de l’entrée de la caverne. La bête y somnolait en ronflant. Esther leva les yeux : la neige avait cessé de tomber, les nuages s’en étaient allés. Dans les ténèbres, elle pouvait percevoir des petites étoiles qui luisaient dans les cieux. Esther s’en sentit ragaillardie, rassurée.

— Si les hommes ne le peuvent, les habitants des cieux me montreront la voie.

— Fougue et fureur de la jeunesse, ricana doucement l’homme au coin du feu ; il n’avait pas bougé.


Texte publié par Yukino Yuri, 14 septembre 2020 à 09h40
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