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tome 1, Chapitre 4 « Poussière d'étoiles » tome 1, Chapitre 4

Esther crut mourir. Le froid était devenu son dernier linceul, et tandis qu’elle se sentait faiblir, elle eut une dernière pensée pour son père adoré. Et alors qu’elle croyait définitivement se perdre, elle sentit des bras puissants la soulever.

Un breuvage d’herbes amer, glissé dans sa gorge, la fit sortir de sa torpeur.

— Vous pensiez vraiment que la dame de la nuit vous accepterait ainsi ?

Esther cligna des paupières, tentant de s’habituer à la lueur du foyer qui inondait une caverne, que la main de l’homme avait taillée et modelée pour en créer une habitation. Elle voulut se redresser sur la paillasse de paille, sur laquelle on l’avait allongée, quand une main puissante l’immobilisa, la força à se recoucher.

— Laissez-moi, s’il vous plaît… pria-t-elle d’une voix enrouée.

— C’est à vous ?

Il lui présenta la dague. Elle voulut le reprendre. Mais, il l’en empêcha.

Furieuse, elle voulut se redresser, mais une violente quinte de toux l’emporta et lui déchira la poitrine, lui arrachant un cri de douleur. Penché sur elle, la figure toujours dissimulée par sa capuche, elle n’entrevoyait presque rien de son visage, dont les traits avaient été durcis par les épreuves et le temps, cependant qu’elle croyait entendre vers l’entrée de la grotte un puissant grondement.

— Reposez-vous ! lui ordonna-t-il d’une voix dont elle n’aurait sur dire si elle appartenait à un homme ou à une femme.

Un étrange sourire illumina soudain sa figure.

— Je vais répondre à votre question. Ainsi, vous ne gaspillerez pas en d’inutiles paroles votre souffle. Il y a longtemps que j’ai fait don d’une certaine part de mon anatomie à la dame de la nuit.

Posée au creux de sa paume, la dague luisait d’un étrange éclat. Brandie face à lui, il murmura quelques mots, puis la baisa avant de la suspendre au mur, non loin du foyer ; à l’entrée, l’ombre remua.

Esther ne put empêcher la colère de lui ronger le cœur tandis qu’elle voyait la dague – sa dague ! – suspendue au mur tel un vulgaire ornement. Le seul souvenir qu’elle avait de son père lui avait été arraché sans scrupule et retenu loin d’elle, à seule portée de vue, comme pour la narguer. Ivre d’envie de la reprendre, elle ne prêtait qu’une distraite oreille aux dires de l’être qui l’avait recueillie.

— Tout comme votre père après moi, la Lune a réalisé mon souhait. Ce qui était enraciné en moi, ce qui grossissait dans mes entrailles contre mon gré, la dame de la nuit me les a retirées.

L’ombre grogna à nouveau.

— Ainsi est-elle. Parfois, elle retire. Parfois, elle donne. Mais rien n’est jamais gratuit.

Il saisit un pan de sa cape et dévoila son torse mutilé.

— Rien n’est jamais gratuit, répéta-t-il pour mieux imprimer dans l’esprit d’Esther cet avertissement.

Esther réprima un cri d’horreur. À l’entrée, l’ombre se mouvait furieusement. Puis, sans prévenir, elle s’engouffra vivement dans la caverne.


Texte publié par Yukino Yuri, 10 septembre 2020 à 10h57
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