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tome 1, Chapitre 38 « Fête du samedi soir partie 4 » tome 1, Chapitre 38

Clifford 2000 (39 ans)

Le goûter, c’est fait. À présent, Valia joue avec des figurines de chevalier et leur château-fort. Au moins, elle est occupée. Je me suis installé sur la banquette face à la table pour continuer à lire mon roman policier, tout en finissant mon café. Ma tasse vide, je replace le marque-page dans le livre avant de le déposer sur le meuble proche de l’entrée.

Il est temps de faire le repas de ce soir, au lieu de paresser. En plus, j’ai de la chance, la gamine est sage. Aucun cri, aucune pleure…

Je récupère les oignons que nous avons achetés. Recette simple pour succès garanti. Des pâtes à la bolognaise me paraissaient une bonne idée. Évidemment, en me voyant bouger, Valia se relève d’un coup pour venir observer chacun de mes gestes. J’ai l’impression d’avoir un inspecteur des travaux finis sur le dos.

– Tu fais quoi, papa ?

– Le repas.

– Je peux t’aider ?

Voilà qu’elle me demande ça, alors que je sors un couteau aiguisé du tiroir. Je n’aime pas la savoir proche de ce type d’armes. C’est dangereux. Seulement, vu le manque de place dans le camping-car, il va falloir que je fasse avec.

– D’accord. Tu peux aller chercher les lardons dans le frigo pendant que papa coupe les oignons.

– Oui.

Et là voilà parti à fouiller. J’espère juste qu’ils ne sont pas rangés trop haut pour elle. Cela dit, je profite de ma liberté de mouvement pour tailler des lamelles. Les larmes me montent aux yeux. Ces bestioles sont agressives.

Valia revient à toute allure pour me jeter une barquette en plastique sur la table.

– Tu as bien fermé la porte du frigo ?

Elle repart vérifier. J’obtiens quelques secondes de répit.

– C’est bon, papa.

D’un air déterminé, elle s’installe sur la chaise qui fait face à la planche à découper. À regret, je détourne les yeux de la table pour sortir une poêle dans laquelle je verse un peu d’huile d’olive. Valia se lève pour venir voir. Sur la pointe des pieds, elle essaie de discerner ce qui se passe sur la plaque.

– Tu arriverais à m’ouvrir les lardons ?

– Oui.

Lorsque je me retourne pour attraper les oignons, mon cœur loupe un battement. La gamine a pris le couteau pour tenter de percer l’emballage. Heureusement que je ne suis pas loin, je n’ai qu’à tendre le bras pour récupérer la lame. Putain, quel con ! Mo m’avait bien dit de ne pas la quitter des yeux, je ne pensais pas c’était à ce point-là.

– Ne touche pas au couteau !

J’ai dû parler un peu fort parce qu’elle baisse la tête toute triste. Mon ventre se noue à l’idée de l’avoir blessé. Je ne veux pas lui faire du mal. En plus, c’est ma faute. Qu’est-ce que je peux faire dans cette situation ?

Déjà, j’éloigne le couteau d’elle. Ensuite, je m’approche. Il faut que je lui fasse comprendre que je ne suis pas fâché. Merde, Mo saurait tellement mieux que moi comment réagir. Parler ou la prendre dans mes bras ? Les deux ?

– Valia…

Une boule se forme au fond de ma gorge, la rendant sèche et douloureuse.

– Papa n’est pas en colère contre toi…

– Mais tu as crié, me fait-elle remarquer d’une petite voix.

Sur ce point, elle a raison.

– Je sais. Mais c’est juste parce que j’ai eu peur.

Je reprends mon souffle.

– Peur que tu te blesses.

Alors que je laisse tomber le couteau dans l’évier, elle reste immobile. Rapidement, je dépose les oignons coupés dans la poêle. Maintenant, j’ai toute la latitude nécessaire pour m’occuper de Valia. Ma main passe dans ses cheveux pour la rassurer. Elle relève ses grands yeux vers moi. Du doigt, je chasse ses larmes.

– Tes doigts piquent les yeux, papa…

Merde ! J’aurais dû les laver. Le roi des cons…

Avec un soupir, je me saisis du savon. Il n’y a plus qu’à espérer que ça fera disparaître l’odeur. Pendant que je frotte ma peau, je réfléchis. Il faut que j’occupe la gamine.

– Tu veux cuisiner avec papa ?

Elle hoche la tête. Je me retiens de soupirer. Il faudra faire avec. Un coup d’œil à ma montre m’apprend que Mo sera bientôt là. Encore une demi-heure, seul avec la petite.

– Bon, on fait cuire les oignons pour qu’ils soient dorés.

– Dorés ?

– Lorsqu’ils sont un peu grillés.

J’ai l’impression d’être un grand chef alors que je fais une recette basique. Comme elle ne dit rien, j’en profite pour récupérer la boite de lardon. Pour une fois, l’ouverture facile sert à autre chose que faire beau. Sauf que le bruit de la colle brusquement arraché est une plaie pour les oreilles. Peut-être aurais-je dû utiliser un couteau ? Je verse rapidement le contenu dans la poêle avant de tourner.

Évidemment, Valia curieuse, décide se dresser sur la pointe des pieds pour voir ce qui se passe sur la plaque de cuisson. J’avale mes mots pour éviter de râler et de l’effrayer encore. J’opte pour la solution simple : la prendre dans mes bras. Ainsi, elle ne sera pas dans mes pattes. La gamine ne dit rien, mais s’accroche à moi.

– Les oignons et les lardons. Maintenant qu’est-ce qu’on met dans la poêle ?

Parler pour cacher son agacement.

– Des pâtes ?

Au moins, elle a tenté.

– Non, les pâtes, on les cuit dans la casserole.

– Avec de l’eau ?

– Oui, c’est ça.

J’ouvre la porte du frigo pour y récupérer de la viande hachée. Rapidement, je la verse dans la poêle.

– Qu’est-ce qu’on met d’autre ?

– Des tomates ?

Lorsqu’elle prononce ces mots, elle a l’air si heureuse en me regardant que ça me touche. Comment une simple recette de cuisine peut lui plaire à ce point-là ? Alors nous continuons à surveiller la cuisson des ingrédients. De temps à autre, je laisse Valia tourner la préparation. Au bout de quelques minutes, je la pose au sol.

– Maintenant, il faut attendre. Va donc jouer.

Et la voilà partie. Le soulagement m’envahit, lorsque résonne le bruit d’un moteur devant le camping-car. J’ai réussi à gérer la gamine, seul, pendant plus de deux heures.

La porte s’ouvre.

– Je suis rentrée.

– Maman !

Valia se jette dans ses bras, en criant. Cette scène m’arrache un sourire. Sa mère est si importante pour elle. Plus que je ne pourrais sans doute jamais l’être. Malgré tout, je fais de mon mieux. Même si je suis en retrait, je veux aussi être présent pour elle.

– Maman ! Papa est venu me chercher à l’école ! On a acheté des pains au chocholat ! Et on a fait des pâtes !

La gamine s’agite pour raconter son histoire. Alors délicatement, Mo lui caresse les cheveux. Sa main passe dans le dos de Valia pour la faire s’avancer, ainsi elle peut déposer le casque de moto sur le siège avant du camping-car.

La petite fille sautille vers le coin cuisine. Mo la couve du regard. Moi, je ne bouge pas. Mon attention est toute prise par la femme que j’aime. Par ses détails d’elle que je connais par cœur. Ses fossettes lorsqu’un sourire éclaire son visage. Ses grands yeux bleu pâle qui se posent sur moi, avec tant d’amour.

– On mange des pâtes ! continue à crier Valia.

Avant que j’aie fait le moindre mouvement, les lèvres de Mo sont sur les miennes. Mes bras enserrent sa taille. L’espace d’un instant, il n’existe plus rien autour de nous. Enfin, c’est de très courte durée puisque notre fille s’accroche à nos jambes. Alors que nous nous détachons, ma femme a ses mots si tendre pour moi.

– Je suis rentrée, beau gosse.

Cette phrase me remonte le moral. Elle est là. Comme elle me l’avait promis, mon ange est revenu. Déjà, elle se penche vers Valia, le temps a repris son cours.

– On mange des pâtes qu’on a fait tous les deux avec papa, continue la gamine.

– J’ai hâte de goûter. Tu veux bien mettre la table ? Je te donne les assiettes.

À nouveau, elle sautille vers la table, alors qu’un bruit de vaisselle résonne dans le camping-car. À mon tour, j’ouvre le tiroir pour en sortir les couverts. Nous sommes en famille, et je me sens bien.


Texte publié par Nascana, 16 février 2022 à 23h30
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