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volume 1, Chapitre 1 « La Légende du Géant dans le Ciel » volume 1, Chapitre 1

Il était tard, c’était le soir et le géant peignait dans le noir. C’était le soir et la nuit était noire, car le géant les avait peintes en noir. Même la lune avec sa face pâle et écrue avait disparu, dissimulée par les pinceaux formidables du géant qui évoluaient dans le noir. De toute part, des cris jaillissaient, des gosiers s’égosillaient, des myriades de créatures paniquaient. Mais dans le noir, le géant n’entendait pas et éteignait une à une toutes les lumières qui le gênaient, car la nuit il dormait. Mais, une jeune femme qui passait par là, à bord d’une montgolfière aux couleurs des ténèbres, s’en approcha. Hélas, le géant ne la voyait pas, car il avait peint ses paupières en noir pour que plus jamais la lumière ne les traverse. Alors comme elle devinait son cœur empli de ténèbres, elle s’approcha de son oreille et lui murmura ces quelques mots.

— Pourquoi, géant du ciel, obscurcis-tu le firmament ? Pourquoi éteins-tu toutes les chandelles du ciel ?

Mais le géant perdu dans son travail harassant n’entendait point les mots qui s’en allaient frapper son âme défaillante. Alors, la jeune femme se saisit d’une immense feuille de papier et en fit un cornet qu’elle glissa dans le creux de l’oreille, puis s’en alla de nouveau murmurer.

— M’entends-tu géant du ciel. Pourquoi ta palette est-elle de la même couleur que les ténèbres ? Pourquoi avoir obscurci tes paupières, au point d’avoir changé la lumière en ténèbres ?

Le géant ne réagissait toujours pas, pourtant sa main se faisait moins alerte et ses doigts tremblaient lorsqu’il prenait sa couleur sur sa palette. Ce n’était plus des coups vifs et précis, mais des tâches, lancées en toute hâte, disparates.

— M’entends-tu, géant du ciel, parla à voix haute la jeune femme. Pourquoi as-tu voilé le ciel de tes ténèbres ? Pourquoi peins-tu l’obscurité des ténèbres ?

Maintenant, le géant entendait, mais ce n’était qu’un vague murmure qui, seulement, l’indisposait. Toutefois, son geste était moins sûr et chaque nouveau coup de pinceau était semblable à une hésitation. Chaque assaut au ciel n’était plus qu’une vague trace et bientôt il cessa.

— M’entends-tu, géant du ciel, s’époumona la jeune femme. Pourquoi pares-tu la nuit d’une couleur aussi terrible ? Pourquoi n’entends-tu point les cris de ceux que la folie habite ?

À présent, le géant entendait parfaitement . Ce n’était qu’une voix minuscule et suraiguë, mais dont il saisissait toutes les paroles. Étonné, il posa sa palette sur une montagne, qui émergeait largement au-dessus des mers, et son pinceau dans le cône d’un volcan éteint, puis se tourna en direction de la voix. Alors il aperçut la jeune femme, debout dans un panier suspendu à un étrange ballon, penchée vers lui.

— Géant du ciel ! pépia la jeune femme. Pourquoi as-tu éteint le ciel ? Pourquoi en avoir soufflé toutes les chandelles ?

— C’est que j’ai sommeil et malgré mes noires paupières leurs lumières me blessaient toujours.

— J’entends, géant du ciel. Mais n’as-tu point non plus entendu les pleurs de tous ces enfants ? N’as-tu point perçu le chagrin de toutes ces femmes et de tous ces hommes qui pleuraient leurs étoiles perdues ?

— Si fait, lui rétorqua le géant. Mais j’ai si sommeil que je ne voulais plus les entendre. Et maintenant, laisse-moi, je dois finir ma tâche, mon repos n’attend pas.

— Arrête, lui intima la jeune femme. Si tu fais cela, à jamais tu dormiras et tu mourras.

À ces mots, le géant du ciel sourcilla et se posa.

— Pourquoi ne te cherches-tu pas un endroit où tu pourrais t’assoupir sans que le ciel ne vienne entraver ton désir ? poursuivit-elle.

— Hélas, je le voudrais bien, mais nulle grotte n’est assez vaste pour m’accueillir. Mais assez parler, je dois finir.

— Mais je te l’ai dit, si tu continues ainsi tu vas périr, insista la jeune femme.

Ennuyé, le géant du ciel ne savait que répondre.

— Je n’ai pas envie de mourir, mais j’ai aussi envie de dormir. Que puis-je ?

— C’est fort simple, lui rétorqua la jeune fille. Va-t’en trouver, de ma part, mon frère de lait. C’est un géant comme toi, mais un géant de terre. Demande-lui de te creuser un terrier assez vaste pour que tu puisses t’y coucher et pendant ce temps je repeindrais le ciel à ta place.

Le géant ne savait plus quoi dire ému qu’il était jusqu’aux larmes. Il contempla un moment la jeune femme, dans son drôle de ballon qui flottait dans les airs puis lui tendit sa mallette de bois où il conservait ses pinceaux et ses tubes de gouaches.

— Prends donc ces couleurs et repeins le ciel.

Sur ces mots, le géant s’éloigna et s’en alla trouver le géant des terres, et c’est ainsi que, tandis qu’une déesse peignait le ciel chaque soir, un géant dormait sous les glaces.


Texte publié par Diogene, 24 août 2020 à 13h58
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