Pourquoi vous inscrire ?
«
»
volume 1, Chapitre 16 « Nocturnale Mécanique » volume 1, Chapitre 16

Roulé, toujours roulé. De côté, on croirait voir un disque grisé ou argenté flamboyer, renvoyant par instant les flashs spasmodiques des lampadaires qui parsèment la route.

Roulé, toujours roulé, jusqu’à en perdre haleine, jusqu’en perdre le sens des limites et des contingences.

La tête emprisonnée dans sa coque de plastique et de tissu, l’obscurité est son habitus ; muettes, les lumières défilent, toujours plus vite.

Dans ses oreilles, les vibrations du corps de l’engin, les roues qui mordent l’asphalte poli par les incessants passages des jupes des hovercrafts, le passage des gaz depuis les cylindres jusqu’au pot d’échappement, gueule noire et monstrueuse, les mugissements du moteur lorsqu’il tourne la manette d’accélération, les gémissements des joints de culasse lorsque le piston remonte.

Les paupières closes, il regarde défiler la route tandis qu’il trace à l’horizon le dédale de son carburateur, les courbes lascives de son châssis, les amortis de sa suspension.

Seul, il est seul sur la route, une route infinie qui ne connaît ni début ni fin, une boucle ouverte où il est le maître.

Penché sur le cadran, l’aiguille cassée indique 15000 tours minute ; le pied sur la pédale, il débraye. Perdu dans son élan, il poursuit ; la pédale remonte, lentement, lentement, cependant que sa main relâche l’embrayage ; l’aiguille ne bouge plus, elle est cassée, elle ne bougera plus.

Sous la visière noire, on le voit, son sourire, un sourire éclatant, un sourire dément. En face, deux taches lumineuses apparaissent ; elles sont si lointaines, si proches à la fois. Entre ses cuisses, le moteur ronronne de plus belle ; il voit les jets mordorés de l’essence qui pénètrent par les injecteurs, l’étincelle qui enflamme les vapeurs. Détente, le piston est rejeté tandis qu’un autre remontre. Compression, le carburant pulvérisé se mélange, chauffe, explose ; un cri rauque jaillit de sa gorge ; en face les lumières deviennent immenses. Il rit, il rit et son rire se répercute dans la nuit, la main sur l’accélérateur, il le pousse à fond tandis qu’un hululement jaillit d’entre les phares.

Bruit de mâchoire, bruit de m’étal, son ricanement se perd dans le fracas de la tôle qui se froisse et des pneus qui dévorent l’asphalte. Entre ses mains, le guidon tangue, se tord, mais il s’en moque ; il file vers son avenir, ce temps qui s’étire, tout là-bas, à l’infini.

À l’envers, la vitre maculée de fientes et de taches, un visage, pâle. Ses mains s’agitent, s’agrippent au cuir noir de son volant, tandis que le cardan gémit sous l’effort. Derrière lui, emportés par l’élan, les flancs blancs se tordent et se déchirent, dévoilant le vide qui les habite, cependant que se répand sur le bitume une liqueur mordorée aux reflets irisés.

Lui ? Lui il file vers l’infini, les phares ne sont plus qu’une souvenance enfuie ; de lui ne demeurera que le souvenir, vague et imprécis, un spectre dans la nuit.


Texte publié par Diogene, 5 avril 2021 à 15h22
© tous droits réservés.
«
»
volume 1, Chapitre 16 « Nocturnale Mécanique » volume 1, Chapitre 16
LeConteur.fr Qui sommes-nous ? Nous contacter Statistiques
Découvrir
Romans & nouvelles
Fanfictions & oneshot
Poèmes
Foire aux questions
Présentation & Mentions légales
Conditions Générales d'Utilisation
Partenaires
Nous contacter
Espace professionnels
Un bug à signaler ?
2613 histoires publiées
1166 membres inscrits
Notre membre le plus récent est ShiroiRyu
LeConteur.fr 2013-2024 © Tous droits réservés