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tome 1, Chapitre 5 « Life's too short » tome 1, Chapitre 5

Il y avait eu le couronnement. Un véritable enchantement. Huit-mille assiettes, autant de candélabres, des plats garnis, des cascades de chocolat.... Anna n'avait plus su où donner de la tête. Ou plutôt... Si. Elle avait donné sa tête, son cœur, tous ses mots à Hans. Un prince des îles du sud, treizième fils de sa famille. Charmant, prévenant, aimant. L'ange qu'attendait Anna.

Elle avait pu retrouver Elsa. Vêtue de sa robe de cérémonie, arborant une cape de velours violet brodée, elle lui avait parue guindée, embarrassée, quelque peu absente. Elle aurait voulu échanger avec elle quelques mots, mais Elsa s'était vite retrouvée entourée de plusieurs dirigeants de royaumes étrangers qui souhaitaient tous s'entretenir avec elle de questions politiques. Anna avait donc abandonné l'idée.

Puis tout avait dérapé. Elsa avait refusé son union avec Hans, leur dispute à la suite de cela, le gant arraché, les pouvoirs d'Elsa devenus incontrôlables, l'effroi du peuple, des grands, des ducs et des comtes. Puis la fuite de la reine, emportant avec elle l'été, recouvrant tout sur son passage de gel et de neige. Alors pour sauver Arendelle, Anna avait elle-même quitté son royaume à la recherche de sa grande sœur. Et au prix d'un long périple dans les montagnes, elle était finalement parvenue à retrouver Elsa.

Anna s’avance dans le grand hall du palais de glace. Elsa relève sa jupe de cristaux pour mieux se mouvoir, dévale les escaliers.

Et enfin les deux sœurs se retrouvent. L’une, éblouissante dans sa robe étincelante. L’autre épatée par la prestance de cette reine qui, quelques jours auparavant, à geler le fjord et condamné Arendelle à un hiver éternel.

—Je suis venue jusqu’à toi pour nous donner un nouveau départ. Mais tu es si époustouflante ! Ca me réchauffe le cœur !

Elsa sourit. Un sourire chaleureux, guère aussi froid que celui qu’elle arborait lors de son couronnement. Un sourire qu’Anna n’avait plus vu depuis des années. Un sourire rien que pour elle qui enflamme son cœur.

—Contente que ça te plaise petite sœur, car c’est ce que je suis vraiment !

De ses doigts, des volutes brillantes s’échappent, éclatent en une pluie de flocons. Comme quand elles étaient petites. Anna ne peut s’empêcher de contempler bouche-bée ce petit miracle dans cet écrin colossal de miracles. Elle sent le lien entre elles se reformer grâce à lui.

—Tu ne peux pas imaginer comme c’est agréable de ne plus rien avoir à cacher !

Anna glousse, les larmes aux yeux. Comme c’est bon d’être à nouveau ensemble, constate-t-elle avec bonheur. Elle a l’impression soudain que les années passées loin l’une de l’autre ne peuvent plus étendre sur elles leur ombre de tristesse.

—Nous nous sommes éloignées depuis bien trop longtemps. Dis, oublions qui a tort…

—Et qui a raison !

Leurs mains se frôlent, se serrent dans une étreinte entendue. Elsa plonge ses yeux dans ceux d’Anna, Anna dans ceux d’Elsa. Et toutes deux y constatent cette même euphorie partagée.

—Reste donc !

L’invitation d’Elsa prend Anna au dépourvu et la tente terriblement. Elles ont tant de temps à rattraper, tant d’histoires à se raconter.

—N’hésite pas, j’ai bien assez de place pour toi dans ma cour !

Elsa se déplace avec une aisance surnaturelle, virevolte parmi les piliers de glace. Ici, elle se sent chez elle, maîtresse de ses pouvoirs, maîtresse de sa destinée. Qu’a-t-elle à craindre, à présent ? Plus rien. Elle n’a jamais été aussi libre.

—Tu as raison, la vie est trop courte.

Anna s’avance, monte sur la première marche de l’escalier.

—Je me suis toujours sentie exclue, mal-aimée par ma sœur adorée…

—J’aurai voulu tout te montrer, laisser mes pouvoirs s’exprimer.

Elsa a posé son front contre celui d’Anna, ses mains au creux des siennes.

—On ne s’est jamais vraiment comprises…

—On a tout le temps pour cela. Je ne compte pas t’abandonner de nouveau.

Anna sourit joyeusement, son visage s’illumine. Après tout ce temps sans Elsa, elles vont finalement se retrouver ! Bientôt, Arendelle sera libéré de sa malédiction hivernale. Dans un élan d’euphorie, elle s’écrie :

—Tu vas revenir alors ?!

—Revenir ?

Elsa soudain sent son cœur se glacer. Alors, Anna n’est là que pour la faire revenir au royaume ?

—Pour dégeler le fjord ! Il est complètement gelé, on ne peut ni y entrer, ni en sortir. Alors…

La reine des neiges se crispe, étouffe un haut de cœur. Là, sous ses yeux, on lui tend les gants tant redoutés. Sa bouche se raidit en une grimace de dégoût. Anna n’a pas idée du mal qu’elle lui fait.

—Je ne peux pas le croire, laisse-t-elle échapper entre ses dents.

—Je pensais juste que tu devrais…

Anna sent les gants lui échapper. Déboussolée, elle lève des yeux ahuris vers Elsa. Jamais elle n’aurait cru sa sœur ainée capable de lever la main sur elle. Ses paumes sont rouges et lui font mal.

—Que je devrais remettre mes gants ? Voilà donc ta solution ?!

Elle sent la colère la submerger. Elle ne peut concevoir qu’Anna elle-même l’oblige à museler ses pouvoir, puisse la réduire à l’être pétri de peurs et d’amertume qu’elle était depuis qu’elle couvrait ses mains de soie et de satin.

—Eh bien…oui. Tout sera comme avant, et en plus nous serons à nouveau proches, comme deux amies !

Déjà, Anna se voit déambuler dans les rues d’Arendelle, sa sœur avec elle. Elle s’imagine une vie de rêve, une vie de joie, de rires, de complicité. Aveuglée par son désir, elle en oublie Elsa. Innocemment, elle calque son bonheur sur le sien, y imprime ses espoirs. Alors Elsa se rebelle. Pour ne pas se soumettre à nouveau aux désirs d’autrui.

—Donc depuis le début, c’était ton plan ? Me forcer à retourner dans ma cage ?

—Eh ! Ne te fâche pas ! Je crois que nous nous sommes mal comprises….

Anna tente de calmer l’orage qu’elle sent gronder dans le cœur d’Elsa. Pas encore, supplie-t-elle, pas encore des cris, des larmes ; pas encore cette solitude, cet abandon. Mais elle sent qu’en sa grande sœur, le tonnerre a déjà éclaté. Dans ses yeux, elle perçoit l’animosité qu’elle lui voue soudain. Elle sent l’air la quitter.

—Bien ! Merci d’être venue jusqu’ici ! De m’avoir prouvée à quel point tu manques de tact, à quel point tu es hypocrite !

Le sol se dérobe sous les pieds d'Anna. Les mots d’Elsa sont comme autant de pieux dans son cœur. Elle, hypocrite ? En attendant, ce n’est pas elle qui a rejeté le monde entier. Ce n’est pas elle qui s’est amusée à jouer la princesse parfaite, la gentille fifille !

Elsa l’a attrapée par les épaules pour la mener de force vers la sortie.

—Va donc ! Redescend de la montagne ! Va faire ton rapport, raconte leur tout !

La porte du palais de glace s’ouvre devant elles. Anna se sent soudain muée par une colère qu’elle s’ignorait pouvoir ressentir. Tout va donc se terminer ici ? Elle va se faire jeter dehors sans ménagement et rester bêtement sur le seuil ? Comme elle l’a toujours fait ?

—À la revoyure ! lui lance Elsa en la poussant dehors, là où Kristoff, Sven et Olaf l’ont attendue.

Alors Anna se retourne vivement, agrippe la porte de glace de toutes ses forces.

—Ah ! La voilà ! La fameuse porte que tu aimes me claquer au visage ! Bravo, miss parfaite, pour ce magnifique palace ! Mais au final, tu restes toujours la même !

Une lâche, une peureuse ; Anna ne sait comment qualifier Elsa autrement. Au final, rien n’a changé. Sa grande sœur adorée, celle-là même qui était toujours là pour elle n’existe plus. Ne reste que cette reine inflexible et insensible.

—Vas-y, mets-moi à la porte ! Mais tu sais quoi ? Je suis surement la seule qui ne croit pas que tu es celle dont parle la prophétie !

Elsa manque de s’étrangler, fait vivement volte-face pour dévisager sa sœur. Cette prophétie…Cesserait-on un jour de la poursuivre avec, de la brandir comme un étendard funeste ? Toute sa vie, l’on lui avait parlé avec crainte de ce présage des trolls. Toute sa vie, elle avait été cette menace qui la contraignait à refouler ses pouvoirs, cet instrument dont on avait usé pour étouffer ce don qui lui était si précieux, pour le lui faire haïr. Et à présent, elle apprenait qu’elle était associée à ce tyran au cœur de glace ? Elle qui avait obéi à ses parents, s’était cachée, avait souffert seule, recluse dans sa chambre devenue donjon de princesse captive ? Il avait suffi d’une seule erreur pour balayer ces efforts. Elsa se sentit bouillonner de colère, d’horreur, d’indignation ; autant d’émotions qui lui faisaient monter le rouge aux joues.

—Tu peux penser ce que tu veux, ça m’est égal ! Toi, tu n’es qu’une idiote qui s’est éprise du premier inconnu venu !

Le prince Hans des îles du sud… Elsa, dès l’instant où elle l’avait vu, l’avait trouvé faux. Il était aimable, d’une agréable physionomie…Mais l’éclat qu’elle avait perçu dans ses yeux lui avait déplu. Anna, à contrario, s’en était éprise dans l’instant. Il était le parfait prince charmant qu’elle attendait, qu’elle espérait fougueusement. Pourquoi refuser ses avances, quand il était à ses yeux l’époux idéal ?

— Ça, c’est vraiment injuste !

Anna tremble de colère. Comment osait-elle ?! Elle n’avait guère adressé la parole à Hans plus de quelques instants, et déjà elle le traitait comme un moins que rien ! Pire, elle refusait farouchement leur union, sans considération pour les sentiments qui les liaient. Il l’aimait. C’était surement bien le premier depuis des années et il fallait qu’Elsa le lui reproche ? Que savait-elle de l’amour ?! Qui était-elle, sinon une reine en exil qui avait entraîné la chute de son royaume, pour s’opposer à elle, la princesse qui tentait de sauver Arendelle ?

—Allez, ça suffit ! tranche Anna en se dirigeant vers sa sœur. La vie est trop courte pour te laisser agir ainsi. Pour te laisser traiter notre peuple avec autant de dédain, comme tu l’as toujours fait avec moi!

—Comme tu le dis ! La vie est trop courte pour écouter une imprudente idiote qui ne veut bien voir que ce qui l’arrange!

—Tu ne sais rien de moi !

Oublié, le temps de l’enfance.

—Tu n’as pas idée de ce que j’ai vécu à cause de toi !

Oublié, les souvenirs heureux.

—La vie est trop courte pour perdre une minute de plus !

Anna saisit Elsa par le poignet.

—La vie est trop courte pour m’encombrer de toi !

Elsa, d’un geste brusque, s’arrache à l’étreinte d’Anna.

—La vie est trop courte !

Ses pouvoirs lui échappent. Une gerbe de glace jaillit de sa main, s’en va heurter la poitrine d’Anna. Celle-ci sent comme mille poignards s’enfoncer dans son cœur, un poison glacé s’y répandre instantanément. Elle perd pied, s’affaisse à terre. Ses forces la quittent. C’est à peine si elle réalise que Kristoff, son guide montagnard si attentionné, la relève avec délicatesse. Ne reste que le froid. L’effroi. La douleur. La déception.

—J’ai eu tellement tort d’encore croire en toi, lâche-t-elle dans un murmure.

Elsa n'ose plus bouger. Horrifiée. Frigorifiée. Encore… elle a encore blessé Anna !

Des larmes lui montent aux yeux. Mais pudiquement elle les dissimule derrière un masque dédaigneux. Si Anna doit la haïr, autant que ce soit pour une excellente raison.

—Toi ?! crache-t-elle. Tu t’es toujours trompée à propos de tout !

—Au final, tu dois surement être celle de la prophétie !

Anna a poussé un tel cri qu’Elsa en est troublée. Puis l’exaspération. La fatigue. Le désir d’en finir. Le besoin d’être seule, pour toujours.

—Je ne suis pas celle de la prophétie !

Son hurlement fait trembler les murs de son palais de glace. D’une bourrasque, elle chasse Kristoff et Anna hors de son domaine. Les portes se referment sur eux dans un claquement sec. Et tandis qu’elle n’est plus entourée que par le silence, Elsa fond en larmes amères.


Texte publié par Yukino Yuri, 23 août 2020 à 02h23
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