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saison 3, Chapitre 13 « Frossa av kärlek - Frissons d'amour » saison 3, Chapitre 13

Je dois lui parler, avait décidé Ana tandis qu’elle quittait avec résolution la crête.

Il me faut m’entretenir avec elle, s’assurait Magdala en s’engageant sur le sentier de terre pentu.

Je ne sais comment je pourrai m’expliquer… mais je trouverai sûrement, se rassurait Ana en inspirant longuement pour soulager son appréhension.

J’espère que mes mots sauront justement illustrer ce flot d’émotion qui m’est pourtant si étranger…, escomptait Magdala dont les pensées, certes organisées, semblaient néanmoins toujours plus floues.

J’ai l’impression que ma tête va exploser…

J’ai la déroutante sensation que mon esprit se joue de moi et désire me ramener dans un chemin dont je ne veux point !

Pourtant, tout a l’air si limpide.

Pourtant, tout cela me dépasse tellement !

Tout ira bien…n’est-ce pas ?

Je suis terrifiée…

Magdala s’était figée, sa main nerveusement serrée sur l’amulette de voyageuses à son cou. Sur son front, la lourde couronne de fleurs qu’elle avait confectionnée avec Moea glissait sur ses yeux. Dans l’air du soir, le parfum des bleuets et du chèvrefeuille qui ornaient son voile lui paraissaient entêtants, étouffants. Rassurants pourtant.

Tout ira bien parce qu’il s’agit d’Ana, arguait-elle pour contraindre ses pieds à se mouvoir, leur imposant d’avancer.

Cela se passera bien car j’ai Magdala en face de moi.

Ana avait glissé attentivement la fleur d’amandier un peu flétrie derrière son oreille, hâté le pas. Dans son esprit, mille mots, mille proses se disputaient. Sur ses lèvres se bousculaient, tous prêts à s’en échapper. Elle se les répétait comme l’on réciterait une leçon, une demande, une prière. De temps à autre, elle se reprenait, troquait une formulation pour une autre. La politesse, la cérémonieuse pudeur s’y mêlaient, bridaient le naturel.

Assez Ana ! se sermonnait-elle en secouant vitement la tête. C’est bien inutile de faire autant de manière !

Très-Haut, pourquoi suis-je tant nerveuse ? Ai-je seulement subi méprise de sa part jadis ? Point. Alors quoi ?! Assez mon cœur, cesse donc de tambouriner comme cela !

Magdala s’était vigoureusement tapotée les joues. Avait réajusté séant son voile, arrangé sa coiffe fleurie. De cette assurance feinte qu’elle s’obstinait d’adopter, elle avait abandonné les derniers arbres. Le suet s’était jeté sur elle, dérangeant sa toilette, soufflant à pleins poumons dans ses oreilles.

— Min Däm ?

La vestale avait sursauté, levé les yeux vers la crête. Dans le clair-obscur qu’esquissait le crépuscule rougeoyant, le visage d’Ana lui était apparu plus fin, ses yeux plus protubérants sous la lueur ocre du soleil. Sa silhouette toute en chair se découpait dans le rose du ciel. La voir l’emplissait soudain d’un soulagement extatique.

— Ana…

La nordique s’était étonnée de la trouver aussi haut, approchée d’elle en quelques foulées sautillantes. Ses mains s’étaient tendues vers elle. En miroir, celles de Magdala avaient esquissé le même mouvement. Plus timidement. La peur de l’avoir offensée entravait de nouveau ses membres. L’instant d’après, ses paumes se lovaient dans celles de son amie, les serraient fébrilement.

— Vous êtes venue me chercher ?

Le sourire d’Ana était jovial. Il n’y pointait ni rancœur, ni tristesse, ni même amertume. Magdala en était confondue.

— Oui, je m’inquiétais…

— Vraiment ? s’étonnait Ana. Il n’y avait point de raison. J’avais juste besoin de réfléchir…

— À propos de ce que je vous ai dit ?

— Si fait mais point seulement.

Magdala avait tressauté. Tout lui revenait soudain alors que le plaisir des retrouvailles s’évaporait.

— J’ai été insensée ! s’était-elle écriée sans autre préambule.

— Pardon ?

— Tout à l’heure… J’ai été si niaise, si ridicule tandis que vous vous donniez la peine de me faire part de vos troubles… Et je n’ai même point été apte à vous conseiller, ni à seulement vous rassurer. Quand bien même Moea m’ait assuré que je n’aurai guère pu dire quoique ce soit d’utile…

— Moea ?

— Oui, elle m’a conseillée et… Oh, m’en voulez-vous ?! Je n’aurai point dû ! Il m’aurait fallu traiter cette affaire par moi-même ! Vous devez me considérer comme une incompétente et vous aurez raison !

— Min Däm ?

— Et quel manque de délicatesse de ma part que de conter à Moea vos troubles ! Vous auriez tant de raisons de me battre froid et de me tenir rancune !

Ana avait laissé échapper un soupir dans lequel pointait l’amusement. Elle avait saisi les joues de Magdala, les tirant doucement. Le visage de la vestale s’était déformé, transformé en une figure grotesque qui l’avait faite éclater de rire.

— A...Agna! maugréait piteusement Magdala.

— Vous verriez votre air! s’esclaffait la nordique. Vous ressemblez à un masque de carnaval!

— Agna!

Magdala s’était arrachée à l’emprise d’Ana, massait ses joues rougies, faisait la grimace. Dans son regard, cet éclat amusé qu’elle ne pouvait dérober à Ana.

— Reprenez vos esprits, Min Däm. Vous n’avez point à vous en vouloir, vous avez agi de la plus honorable des manières.

— Pourtant ! avait osé retorquer la vestale.

— Min Däm.

La voix d’Ana n’admettait aucune réplique, bien qu’empreinte de cette douceur qu’elle n’observait qu’avec Magdala.

— Parfois, l’on ne peut apaiser les gens que l’on aime, qu’importe à quel point on le désire. Parfois, il faut se reconstruire seul. Vous n’auriez rien pu faire pour m’apaiser, qu’importe à quel point vous vous y seriez épuisée. Cette fois, j’étais la seule à pouvoir soulager ma peine.

— Ana…

— Merci, Magdala - cette soudaine familiarité avait fait s’empourprer Magdala-. De m’avoir accordée ce moment de solitude, de ne pas m’avoir emboîter le pas.

— Alors… Vous ne m’en voulez pas ?

— Du tout.

— Je peux… Rester à vos côtés ?

— Toute la vie, si c’est ce que vous désirez.

— Vraiment ?

Ana avait placé son front contre le sien. Confirmé ses dires d’un geste de la tête. Effleuré la joue de la vestale tandis que cette dernière exhalait de soulagement.

Leurs lèvres, par un mouvement inopiné, s’étaient effleurées, leurs souffles raccourcis.

Le temps, pour Ana, s’était ralenti. Pour Magdala, il n’existait plus. Ce contact nouveau emplissait son être d’un feu étranger auquel elle ne pouvait résister. Ana, en cet instant, était devenue son monde.

Ses doigts s’étaient mus d’eux-mêmes, glissés sur la pommette ronde de la nordique. Cette dernière, sous sa paume, avait frémi.

Elles étaient restées ainsi un instant éternel sans seulement se soucier de la nuit qui étendait son voile au-dessus de leurs têtes. Retenues par une entrave qui n'avait de subsistance que dans leur esprit, par la pudeur, la retenue, la bienséance, la peur de l’inconnu.

Non, c’est bien trop tôt.

Ana s’était éloignée, détachée de la vestale. Dans ses iris d’azur, quelques derniers souvenirs de cette passion qu’elle avait faite taire.

C’est trop soudain ,se raisonnait-elle.

Elle avait encore besoin de réfléchir. De peser justement sa décision.

— Et si nous nous en retournions auprès de nos camarades ? avait-elle proposé avec chaleur.

Magdala, naguère interdite, y avait consenti.

Oui, considérait la vestale en prenant le bras qu’Ana lui offrait, c’est trop tôt.

Nous aurons tout le temps, espérait la nordique.

Nous avons tout le temps, s’assurait Magdala.


Texte publié par Yukino Yuri, 20 février 2021 à 02h19
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