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Par-Delà les Ténèbres - 1 - Ombeline
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tome 1, Chapitre 2 « L'Académie Jennas » tome 1, Chapitre 2

Cher journal,

Hier, j'ai fait mes valises et longuement appelé Mandy. Je crois que je me suis endormie sans raccrocher le téléphone. À partir de maintenant, je n'aurais plus accès à mon portable pendant un moment. Maman m'a offert un pendentif en argent en forme de cœur délicatement travaillé. Il contient une pierre lavande aux reflets multicolores et parait très ancien. Elle m'a d'ailleurs dit qu'il était dans la famille depuis très longtemps. Je lui ai promis de ne jamais le quitter. Je serais curieuse de savoir quel âge il a.

Pendant le voyage, j'ai remarqué qu'il y avait des initiales au dos : E.A., je n'ai pas eu l'occasion de lui demander qui était cette E. A., il faudra que je pense à lui poser la question.

Il nous reste quelques heures avant d'arriver à l'Académie...

***

Le trajet en voiture est long et ennuyeux. Ombeline s'est endormie quand en milieu d'après-midi, sa mère la réveille en la secouant doucement. Elles parviennent en vue d'un portail immense, entrée d'une propriété, qui selon le GPS, abrite l'Académie Jennas.

L'établissement se trouve dans une impressionnante bâtisse, une sorte de château en briquettes roses — c'est régional. La jeune fille regrette de ne pas s'être éveillée un peu plus tôt. Elles ont dû passer près du village et Ombeline aurait aimé évaluer la distance entre l'école et la civilisation. Elle se félicite qu'il fasse beau, car elle est à peu près certaine que cet endroit parait lugubre sous la pluie et environné de brouillard. Pour l'heure, le soleil se reflétant sur les briques lui donne un côté chaleureux et accueillant. Le vaste jardin bordant de part et d'autre de l'allée en gravier blanc où sa mère et elles roulent est superbement entretenu, des buissons aux formes excentriques et des magnifiques rosiers attirant le regard d'Ombeline.

Claire se gare et sort de la voiture, indiquant à Lily qu'elles prendront ses bagages plus tard. Une allée de peupliers noirs bordent le chemin qu'elles empruntent. La jeune fille traîne un peu des pieds, ce qui lui vaut une réprimande. Elle accélère le pas en constatant que de dernière certaines des hautes fenêtres du château, elle est observée. La porte d'entrée massive en forme d'ogive s'ouvre silencieusement devant eux. Lorsqu'elles pénétrèrent à l'intérieur, Lily entend des chuchotements et des bruits de course précipités, puis, descendant gracieusement d'un vaste escalier, une femme les salue.

— Madame Rives et... Ombeline, c'est bien ça ? Je suis Satine Jennas, la directrice de cet établissement.

Ombeline manque laisser tomber son tote-bag. Cette dame ? Directrice ? Satine Jennas est une créature sexy — il n'y a vraiment pas d'autre mot pour la décrire — toute en courbes voluptueuses, la taille fine, moulée dans une robe noire élégante, lui arrivant juste au niveau des genoux. Sa chevelure auburn redescend librement sur une de ses épaules en ondulations légères. Ses escarpins claquent sur le sol tandis qu'elle leur fait signe de la suivre et la vue du décolleté arrondi bas dans le dos laisse Lily stupéfaite. La directrice avance d'une allure féline et Lily doit accélérer pour emboiter le pas à sa mère, car l'étonnement l'a figée sur place.

L'intérieur de l'Académie est aussi beau que l'extérieur, bien que paraissant bizarrement plus grand de là où elle se tient actuellement. De la brique, du bois, de la pierre blanche... le bâtiment est ancien et luxueux. Le bureau de madame Jennas est vaste, les murs recouverts de bibliothèques. Une cheminée centenaire envahit tout un coin de la salle, tandis qu'une table sans doute très vieille, encombrée de papiers, de livres et d'une tablette — assez incongrue dans cet environnement — occupe l'angle opposé. Les fauteuils sont accueillants et confortables. Le meuble fait face à une immense baie vitrée à tout petits carreaux impeccablement nettoyés.

Ombeline regarde autour d'elle prenant place dans le siège qu'on lui indique, n'écoutant que d'une oreille la conversation des deux femmes. Des dizaines de chandelles dont la cire a déjà plus ou moins dégouliné sur leurs supports jusque sur le bois des étagères et sur lesquelles elles reposent sont réparties dans la pièce. Un instant, Lily lève le nez et constate l'absence de lumière au plafond. Se pourrait-il que madame Jennas s'éclaire à la bougie à la nuit ?

Perdue dans ses pensées, Ombeline loupe le début de la conversation. Madame Jennas explique à sa mère le fonctionnement de l'établissement et tend un règlement et un emploi du temps à la jeune fille. Celle-ci prend machinalement les papiers qu'on lui fournit et y jette un œil rapide.

— Tu auras tout le loisir de les lire plus tard ma chérie, j'ai donné son après-midi à Eléa, une de tes camarades de chambre, pour qu'elle te fasse visiter l'Académie pendant que je m'occupe des derniers détails avec ta mère.

Sans lui laisser la possibilité de répondre, Satine Jennas fait un léger signe de la main et la porte du bureau s'ouvre sur une jeune fille cachée sous une masse de boucles blondes. Elle est un peu plus petite que Lily, mais probablement du même âge. Elle salue poliment la directrice et murmure un bonjour timide à Ombeline et Claire. Sur un encouragement de celle qui lui a donné la vie, Ombeline la suit. Ma chérie ? Où a-t-elle donc atterri ? Une telle familiarité dans un lycée traditionnel et elle pourrait porter plainte pour harcèlement.

L'Académie est divisée en plusieurs quartiers. Il y a les dortoirs, ceux des filles et des garçons séparés, classiquement — même si, confie discrètement Eléa, ça n'empêche pas certains couples de se rejoindre — situés au quatrième étage. Elle évoque également les salles de cours, une pièce commune — qui sert aux repas et aux réunions — une bibliothèque et les jardins. Tout en déambulant, Eléa indique à Lily les différentes directions des lieux. Celle-ci est certaine qu'elle les aura oubliés quand elle en aura besoin, et suit obligeamment Eléa vers les chambrées. Peu lui importe, Lily compte vite se reprendre et retrouver sa vie au plus vite.

Elles ne croisent pas grand monde, les élèves sont sans doute en classe à cette heure... Elles traversent le salon principal séparant les quartiers des filles de ceux des garçons, et empruntent un long corridor bordé d'un côté par les jardins, de larges baies vitrées donnant une belle lumière au couloir, mettant en valeur les superbes portes ouvragées des dortoirs. Eléa sursaute lorsqu'elle pénètre dans la pièce qu'elles doivent partager.

— K... Karelle ? Mais qu'est-ce que tu fais là ?

— Je ne me sentais pas bien miss Diane m'a excusée. C'est la nouvelle ? Tu lui fais faire la visite de l'Académie ?

Eléa disparaît un peu plus sous sa masse de boucles devant ses questions pourtant anodines et acquiesce en silence. Karelle, leur compagne de chambre, adresse à Ombeline un sourire qu'elle n'aime pas du tout. La jeune fille la dépasse d'une tête, très mince, toute en coudes et en angles, ses cheveux châtains coupés en un carré strict sous les oreilles. Elle prend la mesure de Lily de ses yeux noisette. Une demi-Olivia, pense Ombeline en soupirant intérieurement. Elle se hérisse un peu quand Karelle décide de les accompagner, mais préfère ne rien dire. Autant éviter de commencer à se mettre des gens à dos... Et puis se fier à son instinct ne lui a rien apporté de bon ces dernières semaines.

Eléa tente de protester, mais Karelle rétorque qu'elle connaît mieux l'Académie puisqu'elle est là depuis plus longtemps qu'elle.

— À quelle sphère appartiens-tu ? demande Karelle quelques minutes plus tard, alors qu'elles descendent vers les salles de cours.

Ombeline hésite, voit Eléa rouler des yeux affolés vers Karelle et celle-ci pincer les lèvres, comme si la question lui a échappé.

— Euh... mon père est historien et ma mère institutrice, en maternelle... réplique à tout hasard Ombeline, pas très sûre de la réponse à donner.

Karelle lève le regard au ciel.

— Elle ne sait même pas, l'entend marmonner Lily.

Cette fois-ci, Eléa s'agite frénétiquement.

— Quoi ? Tu as avalé trop de chocolat et tu as mal à l'estomac encore ? demande Karelle d'un ton doucereux.

La petite blonde se renfrogne et tire Karelle à part, avant que Lily, agacée de l'attitude de Karelle, puisse dire un mot. Si elle s'écoutait... Lily secoue la tête. Elle est là pour retrouver plus rapidement sa vie, elle doit garder son calme. Elle voit Karelle hausser les épaules tandis qu'Eléa lui parle tout bas et les deux jeunes filles reviennent vers elle comme si de rien n'était. Malgré son ouïe particulièrement développée, Lily ne perçoit rien de leur échange. Elle se contente de les dévisager en silence puis Eléa reprend son babillage et son avancée.

Les salles de cours de l'Académie sont décorées avec goût, entre deux époques, mélangeant l'ancien, apporté par la structure même de l'architecture et les meubles, et des tapis graphiques, beaucoup plus modernes. Là encore, Lily demeure perplexe quant à la quantité de chandelles présentes dans les pièces. Question sécurité, ce n'est vraiment pas l'idéal. Certaines pièces sont organisées comme de petits amphithéâtres. D'autres encore recèlent d'objets dont Lily n'a pas la moindre idée de leur utilité. Peut-être un laboratoire de chimie ? C'est en passant devant l'une des portes, à moitié vitrée à hauteur d'yeux, que Lily se fige.

Du coin de l'œil, elle aurait juré apercevoir un garçon tenir une flamme au-dessus de ses mains en coupes. Mais cela n'a aucun sens, se morigène-t-elle. Elle regarde à nouveau dans la pièce et voit l'adolescent agiter la main dans sa direction en souriant. Elle ignore le profond soupir de Karelle quand elles continuent leur chemin.

Celle-ci les suit en silence tandis qu'Eléa se met à papoter joyeusement à propos de la serre et les jardins de l'Académie. Apparemment, c'est son hobby. Pour cause, Ombeline doit bien reconnaître que le parc entourant l'école est somptueux. Elle jette un coup d'œil à la serre pour faire plaisir à sa nouvelle camarade, mais la culture maraîchère, ce n'est pas vraiment son truc. En revanche, elle imagine déjà le parcours de footing sympathique qu'elle pourra y faire et pour la première fois depuis son arrivée, elle se réjouit un petit peu. Elle remarque tout de même qu'une atmosphère singulière y plane par endroits, rendant ces coins peu attractifs, comme légèrement flous à son regard, c'est un effet d'optique assez étrange. Peut-être y a-t-il une source de chaleur dans les parages... ?

La bibliothèque, qu'elles approchent ensuite, intéresse beaucoup Ombeline, mais elle soupire en apprenant qu'elle n'y aura pas accès avant quelques semaines. Le lieu est restreint pour les novices. Bizarre. Et quelle drôle d'idée d'appeler les étudiants par ce terme.

À la fin de l'après-midi, elles ont plus ou moins fait le tour de l'Académie, à part quelques parties interdites aux élèves ou certaines autorisées aux plus anciennes — même Karelle, qui prétend être là depuis plus de temps qu'Eléa, n'y a pas ses entrées.

Karelle s'éclipse comme Eléa raccompagne Ombeline au bureau de Mme Jennas et la jeune fille se rend compte que Claire a déjà repris la route. Elle ne lui a pas dit au revoir. Son cœur se serre, quand bien même Mme Jennas lui assure que c'est de son fait. Une coupure nette... Les mots de son père résonnent dans ses pensées... Tout de même, les larmes montent aux yeux de Lily, elle ne s'y attendait pas.

— Et maintenant que ta mère est partie, nous pouvons parler plus librement. Cette jeune fille, qui t'a valu d'être renvoyée... Que s'est-il passé ? la directrice attaque dans le vif du sujet.

— Je ne sais pas. Marmonne Ombeline sur la défensive. L'interrogation la prend par surprise. Venir à l'académie est censé lui permettre de laisser tout ça derrière elle.

— Tu veux dire qu'elle s'est elle-même frappée dans l'œil et jeté le nez en premier dans la boue, et plus récemment, a déclenché un brasier sur sa propre tête ? questionne madame Jennas, un brin sarcastique.

— Je...

Ombeline s'interrompt. Sur le coup, elle oublie le ton ironique de la directrice pour s'intéresser à cette hypothèse. Olivia la déteste tellement qu'elle aurait bien été capable d'inventer des stratagèmes pour se débarrasser d'elle. Mais mettre le feu à sa précieuse chevelure ? Et puis comment se serait-elle fait seule cet œil au beurre noir ?

— Je n'étais pas sérieuse Ombeline, jugea bon de préciser madame Jennas devant sa profonde réflexion.

— Écoutez, je n'ai aucune idée de ce qu'on vous a raconté, mais je n'ai vraiment pas compris ce qu'il s'est passé. Je n'ai pas touché Olivia. À aucune de ces deux occasions... C'était comme si... Mmhhh... eh bien je ne sais pas moi, ces choses semblent arriver toutes seules...

Lily se sent soudain ridicule. Elle s'interrompt. Plus tôt, elle a pensé à tout ça et c'est fait cette réflexion, mais ça n'a pas de sens, aussi elle l'a gardé pour elle.

Elle note que madame Jennas arbore un sourire en coin et soupire.

— Tu n'en as vraiment aucune idée.

— Non. Et j'en ai assez qu'on m'accuse ! s'indigne Ombeline.

Au loin, l'orage gronde, faisant tressaillir la jeune fille.

— N'as-tu pas l'impression qu'il arrivait des bricoles autour de toi ? Outre tes problèmes avec cette Olivia, quand tes émotions prennent le dessus sur toi, n'y a-t-il pas des choses que tu as remarquées ?

Désorientée, Ombeline secoue la tête. Le tonnerre roule un peu plus près et Lily sursaute encore. D'autant plus que son bagage, que quelqu'un a monté dans le bureau de la directrice se met lui aussi à tressauter derrière madame Jennas. La jeune fille ouvre des yeux alarmés, mais n'est pas surprise de voir sortir Mr. Foxy, qui court ventre à terre se réfugier sur les genoux de sa maitresse.

— Je suppose qu'il fallait s'y attendre. Espérons juste qu'il s'entendra avec les autres. Remarque madame Jennas.

— Les autres... ? questionne Ombeline. Mais elle est interrompue.

— Je suis très sociable madame Jennas... commence le furet, sous le regard éberlué de Lily, qui se lève et recule, chassant sans ménagement l'animal de ses jambes.

Celui-ci réussit à prendre un air contrit, contemple Ombeline, muette, qui ouvre de grands yeux horrifiés. Puis il se retourne vers la directrice.

— Je vous ai interrompues un peu trop tôt peut-être ? Hasarde le furet.

— Je ne vous le fais pas dire, marmonne madame Jennas. Ombeline, rasseyez-vous. Et calmez-vous, cette tempête ne va pas nous aider.

L'orage c'est en effet rapproché, le ciel s'assombrit si bien qu'il fait presque nuit dans la pièce. De grosses gouttes de pluie frappent violemment contre les fenêtres, au rythme palpitant du cœur de Lily. Lorsque madame Jennas lui en donne l'ordre, Lily se sent contrainte de s'asseoir, comme si elle n'a plus de volonté propre et que la directrice lui a imposé la sienne. Elle secoue la tête, mais force lui est de constater qu'elle est aussi plus calme.

Satine Jennas pousse un soupir. Elle rejette ses lourdes boucles auburn en arrière et regarde Ombeline dans les yeux.

— Mademoiselle Rives, détrompez-vous, vous êtes bien la cause de ce qui est arrivé à cette... Olivia.

Ombeline ouvre la bouche pour protester, mais la directrice lève la main.

— Non. Vous ne l'avez pas touchée, je sais, mais votre pouvoir l'a fait. Il n'y a pas cinquante façons de vous l'annoncer, vous êtes une sorcière, jeune fille, descendant d'une lignée de sorciers... plutôt puissants soit dit en passant. On a choisi de vous écarter de cette Académie, de vous élever dans l'ignorance, il arrive que la magie saute une génération, ce n'est pas le cas pour vous. Avec l'adolescence viennent des émotions plus violentes, plus fortes, qu'on ne maitrise généralement pas, c'est le moment idéal pour les pouvoirs de s'embraser. Apparemment, vous en êtes bourrée.

Ombeline éclate soudain de rire. Un rire forcé, un peu hystérique. Elle est habitée d'un sentiment d'incrédulité mêlé de soulagement. On lui explique que ce qui est arrivé est de sa faute, mais, à la fois, ne l'est pas. Cependant, tout cela ne tient pas debout. Une sorcière ? Une lignée ? C'est un canular comme on en voit à la télévision non ? La jeune fille examine les lieux. Y aurait-il une caméra cachée quelque part ? Ce ne peut être qu'une blague de ses parents pour lui donner une leçon.

Elle continue à rire un petit moment, incapable de se contrôler, jusqu'à ce que son regard se pose sur madame Jennas, et Mr Foxy, assis sur le bureau d'un air digne. Tous les deux affichent une expression mortellement sérieuse.

— Il y a une caméra, c'est ça ? Ma mère va surgir tout d'un coup pour m'expliquer que c'était une blague ? Que c'était pour me foutre la frousse... demande Ombeline.

Madame Jennas secoue la tête, désappointée. Le furet et elle échangent un coup d'œil. La directrice se lève gracieusement, s'installe devant le bureau et tend les mains à Ombeline. Celle-ci la regarde, perplexe.

— Vous allez me lire les lignes ? Ricane la jeune fille.

— Je ne suis pas médium, Lily, mais je voudrais te montrer quelque chose. Pose tes mains sur les miennes. Paumes en l'air.

Ombeline hésite et s'exécute, tout en se murmurant intérieurement qu'elle ne croit pas à ces salades. Une sensation de calme l'envahit pourtant lorsque leur peau entre en contact. Une sorte de courant électrique la fait frémir et en son for intérieur une bataille fait rage entre l'envie de retirer ses doigts et l'incapacité à le faire. Se sentant prisonnière, la panique la submerge quelques secondes, jusqu'à ce que les yeux de Mme Jennas se plongent dans les siens. Un picotement débute au bout de ses phalanges et remonte jusqu'à ses poignets. Lorsqu'elle baisse les prunelles, une flamme minuscule jaillit en tremblant au creux de ses paumes.

Elle secoue la tête, persuadée que la fatigue la rattrape. Au loin, l'orage gronde à nouveau, et soudain le feu s'élève en leur sautant au visage. Ombeline pousse un cri, se jette en arrière d'un geste brusque, arrachant ses mains à la directrice du même geste. Sans qu'elle comprenne comment, son mouvement l'a conduit jusqu'à la porte, d'où elle scrute à présent les traits tranquilles de madame Jennas.

Et Mr Foxy... son Mr Foxy, le furet qui lui tient compagnie, qui connaît tous ses secrets, le réconforte et la console depuis des années ouvre la bouche et commence à s'exprimer de nouveau. Il lui semble qu'il essaie, comme souvent de la rassurer, mais elle reste sourde à ses paroles. C'en est trop. Les émotions se bousculent dans ses pensées. Elle aimerait croire à un canular, mais elle sait, au plus profond d'elle-même que tout cela est bien réel. D'une main tremblante, elle cherche la poignée à tâtons dans son dos. Furet et directrice secouent la tête, parlant en même temps, mais Ombeline entrebâille la porte et se glisse dehors. Sans réfléchir, elle emprunte le premier couloir qu'elle voit et bute sur Karelle. La jeune fille soutient un instant son regard, un sourire méprisant au coin des lèvres puis recule brusquement en se pliant sur elle-même, comme si un coup dans l'estomac le frappait brutalement. Lily ouvre la bouche, la referme, écarte les mains en signe d'impuissance et reprend sa course.

Elle finit par atteindre une sortie donnant sur les jardins et s'y engouffre sans réfléchir. Un éclair zèbre le ciel comme elle passe la porte et une pluie battante se met à tomber. Tant mieux, se dit-elle, ainsi personne ne songera à la chercher là.

***

Karelle rejoint Sibyl pour le déjeuner. La blonde ne va pas aimer ça. Elle ne va pas apprécier du tout. La jeune fille aux cheveux châtains lisses et courts parcourt les couloirs de l'Académie, rallie le réfectoire et se glisse sur le banc aux côtés de sa meilleure amie. Sibyl l'observe, le nez froncé, un air de dédain sur le visage.

— Mais dans quoi tu t'es roulée ? demande-t-elle.

— Euh...

Karelle renifle ses manches, hausse discrètement une épaule pour essayer de déterminer si une mauvaise odeur émane de sa personne, mais elle ne sent rien. Elle laisse tomber l'affaire. Elle a l'habitude de la méchanceté gratuite de Sibyl. Elle espère encore que son amie changera d'attitude envers elle.

Elles se connaissent depuis l'enfance puisque leurs lignées sont liées depuis des siècles. Pour tout dire, la famille de Karelle a toujours été au service de celle de Sibyl. C'est comme ça qu'elles ont fait connaissance et ainsi que leur relation s'est formée. Quand Sibyl lui a demandé d'espionner la nouvelle venue, elle n'a pas hésité.

— Bon alors ? Qu'est-ce que tu as appris ? s'enquiert Sibyl en repoussant sa crinière platine derrière son dos.

Elle emploie un sort pour les garder de cette couleur. La jeune fille a toujours été blonde, mais ses cheveux ne sont pas naturellement si clairs. Fan de cette tendance blond presque gris, elle recourt à la magie pour les maintenir de cette teinte. Si cela s'ébruitait, elle serait probablement punie. Utiliser ses pouvoirs pour un usage aussi futile...

Sibyl claque des doigts devant le visage de Karelle comme celle-ci n'est pas assez rapide à lui répondre.

— Elle ne sait rien de son identité ou de ses pouvoirs cette nouille. Elle est persuadée qu'on l'a envoyée dans une sorte de pensionnat pour apprendre à mieux se tenir et pense qu'elle sera partie d'ici quelques semaines. Elle n'est pas très impressionnante, franchement, je ne vois pas pourquoi tu souhaites la surveiller. En plus, j'ai dû déménager dans le même dortoir que cette idiote d'Eléa et on est entassées à trois. Tu es sûre que je ne peux pas revenir dans notre chambre ?

Sibyl secoue la tête. Elle veut tout savoir de la nouvelle venue et c'est la meilleure façon de la garder à l'œil sans avoir à elle-même endurer la présence de cette sang-mêlée dans les parages.

— Tu resteras dans cette chambre aussi longtemps que je te le dirais... Et Karelle...

Sibyl se penche vers son amie et attrape une mèche de ses cheveux sur laquelle elle tire méchamment.

— Je ne te demande pas de juger ce que je t'ordonne de faire. Tu surveilles cette arriviste et tu me rapportes ces faits et gestes. Au moindre soupçon, je la dégomme. Elle croit retourner bientôt chez elle ? C'est parfait, on va faire en sorte à ce qu'elle ait très envie de partir !

***

Claire observe sa fille quitter le bureau de madame Jennas, un sentiment de culpabilité lui pesant sur le cœur. Elle aurait préféré lui annoncer elle-même ce secret de famille. Mais elle n’en a pas eu le courage. Elle a craint la réaction de sa seule enfant et ne savait pas par quoi commencer. Et si Lily lui en voulait horriblement de lui avoir caché leur nature ? Si elle refusait de lui adresser la parole ? Et comment affronter le regard qu’elle posera sur elle après lui avoir menti toute sa vie ?

Lorsqu’elle a téléphoné à l’Académie, Satine Jennas, sentant peut-être son tourment, lui a conseillé de ne rien dire du tout. La directrice se pense plus habilitée à expliquer à la jeune fille ce qui lui arrive. Avec soulagement, Claire a accepté. Quand bien même elle a finalement dû se mordre la lèvre tout le long du trajet pour ne pas laisser échapper un mot révélateur.


Texte publié par JenniferDaina, 24 juillet 2020 à 08h48
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