Pourquoi vous inscrire ?
«
»
Lecture

La lumière attire son regard et Constantin se fige.

- J'ai pourtant tout fait pour l'éviter. gronde-t'il avant de se rappeller de se taire.

Le jeune homme ramène les pans de sa cape sur ses épaules et il reste un long moment à écouter les bruits nocturnes, tendu. Puis il détourne les yeux des habitations qu'il a tenté de contourner une fois la lueur éteinte. Ses yeux d'un marron très clair virent au brun sous l'effet de la colère qui grandit en lui mais il se contraint à se calmer.

- Ils dorment tous, ils ne se doutent de rien... Ce serait le bon moment, personne ne saurait jamais... Tu n'as pas le droit à l'erreur. Mais si personne ne sait, la vengeance a-t'elle un sens? Le hasard m'a mené ici après toutes ces années à fuir, ils dorment tous, c'est peut-être un signe du destin, le signal que j'attendais.

A pas de loup, il s'avance jusqu'à l'entrée du hameau qui n'a jamais été gardée dans ses souvenirs. Qui irait voler des gens qui ne possèdent rien? Il reste un long moment immobile mais tout est calme et il s'enfonce dans les ruelles à peine éclairées par une lune blafarde.

- C'est presque un village maintenant. Le hameau a grandi depuis dix ans que je suis parti. Mon père mort, les habitants n'avaient plus peur. Avec ma mère, nous avons dû partir en pleine nuit sitôt son corps enterré, nous avons pris ce que nous pouvions porter et nous avons fui à pied, personne n'a cherché à nous retenir ou nous suivre. Les gens n'avaient plus peur de mon père, plus peur du nom de sa famille qui a bâti ce village, plus peur de notre parenté qui a quitté le pays bien avant ma naissance. Plus peur de ces histoires que l'on se murmurait au coin du feu, un étranger qui bâtit un village en une nuit après avoir recueilli des fugitifs dont le village avait été incendié par des bandits. Il les a accueillis par une pluvieuse nuit d'hiver, leur a donné une terre à labourer, il a partagé ses provisions, les a aidés à reconstruire leur vie. Grâce à ses connaissances qui peuvent faire le bien comme le mal. Ils avaient peur de lui, au fond et il les a gardé sous son emprise pour qu'ils ne nous dénoncent pas aux autorités, que nous puissions vivre en paix. Le village où j'ai grandi... Le village que j'ai fui...

Avec nostalgie, il parcourt les ruelles, les larmes perlant à ses yeux, il sent ses muscles se tendre pour étouffer les sanglots qui veulent monter de sa poitrine mais il ferme ses paupières et il respire avec lenteur pour laisser s'écouler sa peine. A cet arbre, il grimpait avec ses amis; dans cette maison abandonnée aujourd'hui rebâtie, il jouait à se cacher ou à se faire peur avec les autres enfants.

- Mes anciens camarades de jeux, ces hommes et ces femmes me chasseraient s'ils me savaient ici. Pourquoi leur donnerais-je une chance de se racheter? Ils ont tué ma mère. Ma mère, morte de chagrin et de honte, me laissant orphelin, sans famille alors que je n'avais que quatorze ans.

Le jeune homme hésite un instant avant de hausser les épaules. Il étend sa fine main devant lui alors que l'aurore commence à poindre, il murmure les paroles ancestrales apprises de son père et il regarde le ciel flamber. Il reste un long moment à s'émerveiller de ce nouveau jour qui commence puis avec méthode, il entre dans les maisons sans un regard pour les squelettes qui sont restés figés dans le sommeil. Il ouvre chaque placard, retourne chaque matelas après avoir ôté avec délicatesse les restes des dormeurs qui ne verront pas ce jour nouveau. Puis, sa quête terminée, il se rend sur la place du village pour faire un rapide inventaire de son butin, vidant sa gibecière dans la poussière qui lui enflamme les poumons et la gorge.

- Je suis presque riche, je vais trouver une ville où m'établir, me fondre dans la masse. Je vais y trouver un emploi et une jeune fille à épouser. Fonder une famille, perpétuer ma lignée, transmettre le don de mon père et exercer mes talents sans que personne ne soupçonne ma nature. Des malades à guérir, des pauvres à soulager, des cœurs à apaiser, des souhaits à réaliser dans le plus grand secret. Je me suis juré de les faire payer et que ce serait le seul forfait qui obscurcirait jamais mon âme.

Un chien couleur crème qui erre en couinant le ramène à la réalité et le jeune sorcier se fige d'horreur.

- J'ai tué des enfants innocents, aveuglé par la douleur. Mon âme est maudite mais je jure de faire le bien autour de moi, ma vie durant pour expier ce forfait. Si je suis pris, le bûcher m'attend... dit-il alors que les larmes inondent ses joues. Mais je ne peux revenir en arrière, désormais. Je dois fuir avant que les habitants des villages voisins se réveillent; si quelqu'un me voit sortir du village, on finira par me retrouver. Je vais m'enfoncer dans la forêt, marcher loin des chemins jusqu'à demain matin. Je serais loin et personne ne saura jamais que je suis venu dans les environs.

Constantin se remet en marche droit devant lui sur la grande route bordée de sapins qui serpente dans la montagne.

- Je vais refaire ma vie loin d'ici, expier ma faute en répandant le bonheur autour de moi, fonder une famille et apprendre à mes enfants à faire le bien. Je devais le faire pour me libérer de ce passé. Pour trouver la paix et venger ma mère. Maintenant, je peux me tourner vers l''avenir.

(956 mots)


Texte publié par Bleuenn ar moana, 8 juillet 2020 à 21h15
© tous droits réservés.
«
»
Lecture
LeConteur.fr Qui sommes-nous ? Nous contacter Statistiques
Découvrir
Romans & nouvelles
Fanfictions & oneshot
Poèmes
Foire aux questions
Présentation & Mentions légales
Conditions Générales d'Utilisation
Partenaires
Nous contacter
Espace professionnels
Un bug à signaler ?
2629 histoires publiées
1177 membres inscrits
Notre membre le plus récent est Audrey02
LeConteur.fr 2013-2024 © Tous droits réservés