«

»

J'ai du mal à démarrer ma voiture. Je reste quelques minutes assise au poste de conduite, le regard dans le vide. Tendre la main pour tourner la clé me parait insurmontable. Mais qu'est-ce que je suis en train de faire ? Ou qu'est-ce que je suis censée faire à présent ? J'ai fait tout mon possible pour raconter du mieux que je pouvais cette histoire. Eléanore et Alexandre étaient très attentifs et mon cœur se serrait de plus en plus au fur et à mesure que la peine s'agrandissait dans leurs regards. Je voulais paraître forte mais je ne l'étais pas. Or, l'avantage, c'était qu'ils étaient trop pris par l'émotion pour le remarquer.

Il est minuit passé. Sam doit être mort d'inquiétude. Je n'ose même pas regarder mon téléphone. Je dois sûrement avoir reçu des messages et des appels de sa part. Je ne peux pas rentrer à la maison, Stoller m'y trouverait. Mais je dois prévenir mon mari. Du moins, le rassurer.

Je finis par poser mes deux mains sur mon volant puis ma tête. Je suis fatiguée. J'attrape finalement mon téléphone et compose le numéro de la maison. Cela ne met pas longtemps à décrocher.

-Edith ?

Entendre la voix de mon mari me fait un bien fou. Je soupire un grand coup,empêchant alors une larme de couler sur ma joue.

-Salut Sam... Je suis désolée d'appeler si tard.

-Je m'inquiétais ! Les enfants voulaient t'attendre pour le bisou du soir mais j'ai fini par les coucher. Tu es coincée au travail ?

-On peut dire ça... Je ne rentrerai pas ce soir.

Je viens de retenir un sanglot. Je ne pensais pas devoir dire cela un jour à Sam.

-Tu es sûre que ça va chérie ?

Je serre les lèvres. Les larmes commencent à couler. J'essaie de souffler longuement sans que cela ne s'entende au téléphone. Or, mon mari me connait trop bien. Il ressent la tristesse dans ma voix.

-Oui, ne t'en fait pas. Je dois juste régler quelque chose de très important et je ne pourrai pas rentrer avant que cela ne soit terminé.

-Tu rentreras à la maison demain au moins ?

-J'espère.

Un silence s'installe. J'ai l'impression d'être en apnée. Imaginer le visage inquiet de Sam n'arrange pas les choses.

-Je sais que tu es censée garder le secret de tes faits et gestes mais si cela devient trop lourd pour toi, tu sais que je suis prêt à tout entendre.

-Je sais.

Il se veut rassurant. J'aimerais être à ses côtés. Mais c'est impossible. J'aimerais également tout lui dévoiler mais c'est trop tôt. Ou pire encore, cela pourrait le mettre en danger.

-Je dois y aller Sam. Embrasse les enfants pour moi demain matin, d'accord ?

-Bien sûr. Je t'aime mon amour.

-Je t'aime.

Je raccroche aussitôt. Alors, je ne peux retenir mes larmes plus longtemps. Affalée sur mon volant, je pleurs toutes les larmes de mon corps. Je finis par me calmer. Je me sens vide.

Qu'est-ce que je dois faire maintenant ? Il faut que je quitte cet endroit mais pour aller où ? Perdue dans mes pensées, je sursaute lorsque mon téléphone se met à vibrer. Je m'attends alors à un message de Sam. J'aperçois d'ailleurs quatre appels en absence de sa part et plusieurs messages. Mais le dernier n'est pas de lui. Je fronce les sourcils lorsque je me rends compte qu'il est de Stoller

'Si vous ne voulez pas d'ennuis, ramenez moi les gamins immédiatement'

Un frisson me parcours. Que veut-il dire par « ennuis » ? Il veut me faire du mal à moi aussi ? Mon téléphone vibre une seconde fois.

'Je vous fais encore confiance alors ne me décevez pas'

Je soupire. Auparavant, moi aussi je lui faisais confiance. J'avais même beaucoup d'admiration pour lui. J'ai du mal à me dire que tout n'était qu'une façade. J'ai l'espoir qu'il ne soit pas totalement mauvais. C'est pour cela que je dois découvrir ses intentions. Je prends quelques secondes pour me concentrer à nouveau puis je mets ma ceinture puis le contact. Mon téléphone vibre.

'Vous avez jusqu'à demain matin'

Je range mon téléphone et démarre la voiture. Cela me laisse un peu de temps pour trouver une meilleure idée.