Je commence à regretter l'obscurité du début de cette aventure. La lumière m'agresse de tous les côtés et je n'ai rien trouvé de mieux que de me cacher sous mes couettes. La faim finit par me résoudre à sortir de ma tente improvisée quand je sens l'odeur du café pénétrer la pièce. Le petit déjeuner est très important pour moi, il me permet de bien démarrer la journée, avec des idées claires. Chez moi, j'aimais beaucoup me poser devant mon ordinateur avec mon café. C'est le matin que je suis le plus productif, comme si mes histoires étaient tirées directement de mes rêves. C'est un peu le cas. Si tout ce que je vis était un rêve, j'en ferais un très bon livre au réveil.

Dans mes pensées, je ne fais même pas attention aux infirmières qui prennent un peu de mon sang. Alors que je m'apprête à aller remplir mon estomac, j'aperçois Eléanore sortir de ce que je pense être son coin salle de bain. Elle n'est plus vêtue de sa blouse d'hôpital et a une mine encore plus resplendissante qu'hier. Un sourire vient très vite éblouir son visage et nous nous faisons signe. On dirait bien qu'elle s'est levée avant moi. Elle m'observe manger chaque miette de la tartine que j'ai recouverte de confiture. Elle semble attendre que je finisse mon petit déjeuner, patiemment. Elle finit par se servir avec son thermos un liquide qui semble trop clair pour être du café. Du thé sûrement. C'est marrant de la voir prendre sa tasse à deux mains, un peu comme une enfant. Je suis persuadé que ses proches disent d'elle qu'elle est attachante, rien qu'à sa façon d'être. J'essaie de la lire dans chacun de ses mouvements, j'ai de plus en plus envie de savoir qui elle est vraiment.

Après avoir enfilé de vrais vêtements, je décide de prendre ma chaise pour la placer au plus proche d'elle. Elle comprend mon intention et fait de même. Elle est tellement proche et tellement loin à la fois. L'idée du rêve m'effleure à nouveau sauf que, cette fois, je préfère amplement le fait que ce soit une réalité. J'aimerais pouvoir briser cette vitre, pouvoir l'entendre, la toucher, m'assurer que ce ne soit pas une simple illusion. Soudain, ses lèvres se mettent à bouger doucement. Je comprends qu'elle me demande comment je vais. Nous entamons alors un dialogue corporel pour nous dire un peu tout et rien. Puis elle l'interrompt, se lève et me fait comprendre que je dois la regarder. Que va-t-elle faire? Attentif, je l'observe. Elle ferme les yeux, l'ouverture de sa bouche s'arrondie. Elle souffle, comme pour se concentrer. Elle ramène ses mains devant elle, paume vers le plafond.