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tome 1, Chapitre 6 tome 1, Chapitre 6

Les portes qui menaient à la salle du trône étaient colossales.

Fabriquées dans un bois foncé et veiné de rouge, elles exsudaient fidèlement la prétendue puissance qui appartenait au roi. Si leur but était d'impressionner les personnes prêtes à les franchir leurs bâtisseurs avaient brillamment réussi. Devant elles se tenaient quatre gardes à la mine patibulaire.

Encore à vif suite à notre altercation avec Gérarht, mon énergie pulsa faiblement et je tentai de la faire regagner son état dormant.

Neven inspira profondément, roula ses épaules pour les détendre. Un muscle de sa mâchoire tressautait spasmodiquement. Pourquoi donc était-il si nerveux ? Elijah le saisit par la nuque et posa son front sur le sien, il commença à lui chuchoter tout bas des paroles que j'imaginais réconfortantes puisque je le voyais se détendre petit à petit. Mon prince hocha la tête à plusieurs reprises avant de se dégager. Les deux hommes semblaient proches, je me demandais quel genre de relation ils entretenaient. J'étais soulagée de voir que Neven avait quelqu'un à qui faire confiance et se confier, au moins.

- Je suis prêt. Qu'on nous annonce ! Ordonna-t-il d'une voix assurée.

Les portes s'ouvrirent lentement, dévoilant une salle aux proportions démesurées, remplie de monde. De fines colonnades soutenaient une voûte magnifiquement peinte, une explosion de couleurs contrastées qui pourtant se mariaient parfaitement et formaient un tableau qui respirait l'harmonie. Le dallage d'un noir profond valorisait la large palette de teintes que contenaient les exquises décorations. Et tout au fond, en haut des quelques marches d'un petit escalier recouvert d'un tapis cousu d'or, se dressait un trône d'un blanc immaculé. La seule touche de pureté dans un océan de noir et de couleurs vives, véritable joyau de la pièce.

Sur ce trône se tenait le roi de Valandil.

- Son Altesse Neven se présente devant Sa Majesté Goldrick !

Nous avançâmes lentement, fendîmes la foule qui observait chacun de nos mouvements. Un silence complet régnait. Enfin, notre calvaire prit fin lorsque nous arrivâmes au pied des marches. Neven inclina le menton tandis que Cyan, Elijah et Lazuli courbaient le buste. Je ne bougeai pas.

Le père de mon protégé avait dû être très beau dans sa jeunesse. Ses traits gardaient toujours leur noblesse même s'il s'était empâté, il possédait une carrure encore impressionnante et les vestiges d'une glorieuse crinière mordorée. Pourtant, un frisson dévala mon échine. Ses prunelles marrons, presque identiques à celles de son fils, étaient figées dans un écrin de glace.

Il scruta Neven durant de longues secondes, puis son regard vide se posa sur moi.

Un murmure inquiet parcourut la cour, la respiration de Cyan se stoppa. Mon cœur se mit à battre violemment dans ma cage thoracique, tel un oiseau battant désespérément das ailes pour prendre son envol.

Goldrick se leva. Le silence absolu était tel que j'entendis les jointures de ses articulations craquer. Presque paresseusement, il descendit les cinq marches qui nous séparait puis s'arrêta à un souffle de Neven. Un goutte de transpiration dévala la tempe d'Elijah.

- Tu as ramené une étoile, déclara le souverain d'une voix étonnement mélodieuse.

Je repérai le léger tremblements des mains du jeune prince.

- Père, je sais que vo-...

Le claquement sec de la gifle résonna dans la salle du trône.

- Tu as ramené une étoile ici ! Rugit Goldrick.

Neven, la tête tournée sur le côté, essuya du pouce le sang qui coulait de sa lèvre fendue et refit face à son géniteur. Ce dernier, écumant d'une rage démente, serrait et desserrait ses poings impressionnants.

Complètement abasourdie, je clignai des paupières.

- Père, recommença calmement mon protégé, je voudrais vous présenter Soen.

- Je me moque de son nom ! Postillonna-t-il. Je t'avais strictement proscrit de ramener ou même de m'évoquer ces raclures d'une autre dimension !

Neven leva ses mains dans un geste pacificateur parfaitement inutile.

- Père, ne comprenez-vous donc pas ? J'ai besoin d'elle ! Père, nous avons besoin d'elle et d-...

- Père, père, père ! N'as-tu donc que ce mot à la bouche ? Un fils digne de ce nom ne se comporterait pas de cette manière, n'ignorerait pas mon autorité ainsi ! Par conséquent, tu n'es pas mon fils mais juste une pauvre lavette indigne de porter le titre de prince !

La sentence tomba comme un couperet, je ressentis son impact jusque dans mes os. Mon prince inspira brutalement par le nez et sembla perdre toute consistance. Ainsi, il ressemblait aux décombres abandonnées d'un astre anéanti. Notre lien hurla de douleur, sa douleur, et en réponse, mon geyser de pouvoir remonta à la surface de ma peau à la vitesse de la lumière. Cette fois, j'en étais persuadée, mes mains avaient brillé... pour s'éteindre aussi rapidement.

Je n'avais pas besoin de mes pouvoirs pour le moment instables pour défendre mon protégé. Après tout, je venais de découvrir que les mots se maniaient comme des armes.

- Tu es une pathétique excuse de père.

Ma déclaration, claire dans le silence de la salle, provoqua un nombre impressionnant de hoquets indignés. Je m'en moquais, mon attention concentrée sur un être stupide qui prenait du plaisir à blesser son propre sang, la chair de sa chair. Un froid immense pénétra mes os, je sentis presque le givre recouvrir ma langue. Le roi ne se défendit pas, ses yeux écarquillés ne quittaient pas mon visage, remplis d'une très étrange fascination morbide.

Je m'avançai vers lui et martelai de mon doigt sur son torse chacune de mes paroles :

- Qui est-tu pour lui parler ainsi ? Pour qui te prend-tu ? Tu es incapable d'apprécier la sincérité des sentiments de ton propre fils, tu le méprises... C'est toi qui est digne de mépris ! Tu es un être abject qui..

- Soen !

Le cri, familier, fut comme un uppercut dans mon plexus solaire. Je pivotai vers Neven, celui dont l'appel m'avait détourné de mon furieux monologue. Lorsque je le vis, mon cœur rata un douloureux battement. D'une pâleur mortelle, ses yeux étincelaient d'une colère mal contenue. Le roi recula d'un pas et je me retins de l'attraper par les épaules et de le secouer violemment.

- Tu vois ! Vitupéra Goldrick. Tu comprends pourquoi je ne veux aucune de ces monstruosités dans mon royaume ? Parce qu'elles sont incapables de contrôler leurs émotions, de manifester du respect !

- Père, je requière une audience privée.

Le roi ricana.

- Vraiment ? Tu crois qu-...

- Père, s'il vous plaît.

Cette pauvre excuse d'homme devait sans doute connaître un tant soit peu de son fils car il sembla lire quelque-chose dans les yeux de Neven. Un quelque-chose qui alluma dans les siens une lueur d'intrigue cruelle. Le roi expira longuement, congédia d'un geste de la main les guerriers qui brandissaient leur lance dans ma direction et que je n'avais même pas remarqué, et il se releva.

- Très bien. Je t'accorde dix minutes, pas une de plus.

- J'arrive immédiatement, je souhaite juste avoir une petite conversation avec So-, il s'interrompit. Avec elle.

Un éclair d'agacement traversa le visage de Goldrick mais il acquiesça. A peine son accord donné que Neven s'empara de mon coude et me traîna à sa suite. Une fois sortis de la salle du trône et les portes gigantesques fermées derrière nous, il me lâcha brusquement et fit volte-face.

- Mais bon sang, qu'est-ce que t'es passé par la tête ?

Indignée, je me raidis.

- Il te faisait du mal !

- Ce ne sont pas tes affaires ! Tempêta-t-il.

J'eus l'impression qu'il m'assénait un coup de massue sur la tête. Envahie d'émotions contradictoires, épuisée nerveusement et physiquement par les événements de la matinée, j'éclatai en sanglots.

- M-mais, tu es m-mes affaires ! Balbutiai-je.

Les traits du visage de Neven hésitèrent entre la culpabilité et la frustration, pour finalement s'adoucirent. Il poussa un long soupir, passa une main dans ses cheveux blonds.

- Je t'en prie, ne pleure pas.

Bien entendu sa requête eut l'effet inverse, mes larmes redoublèrent. En deux enjambées, il franchit l'espace qui nous séparait et me prit dans ses bras.

- Écoute-moi, Soen. Tu ne peux plus t'interposer entre mon père et moi, d'accord ? Je sais, je sais que notre relation te paraît peut-être étrange, mais...

Je reniflai bruyamment car « étrange » était un sacré euphémisme.

- Mais, s'il-te-plaît, ne t'implique plus jamais ainsi, d'accord ?

Frustrée, je reculai d'un pas.

- Neven, tu es mon protégé, il est de mon devoir de...

- Non, me coupa-t-il. Non. Tu n'as fait qu'empirer les choses. Est-ce que tu souhaites empirer ma situation ?

Un sanglot me secoua.

- N-non, bien entendu que non ! Mais je n'ai pas fait exprès, tout est tellement fort ici-bas, Neven, tout est tellement vif et bruyant et intense que je...

- Je sais, m'interrompit-il une nouvelle fois. Je comprends, Soen. Pourtant, tu dois arrêter. Tu es précieuse, tu m'es très précieuse, d'accord ? Je ne peux pas te perdre parce que tu n'as aucun contrôle sur tes émotions.

Il essuya mes larmes avec une tendresse extrême.

- Est-ce que tu peux me promettre ça, Soen ? Me faire le serment de ne plus jamais t'adresser à quelqu'un du château, en particulier mon père et son entourage, sans que je ne te le demande ?

Je pris une inspiration tremblante.

- Oui, Neven. Je te le promets.

Un sourire magnifique étira ses lèvres, ce fameux sourire qui avait plus de chaleur que des milliers de soleils. Notre lien ronronna de bonheur.

- Parfait. Maintenant je dois partir, je te confie à Cyan. Il faut que je persuade mon père de te laisser rester ici.

En vitesse, il pressa un baiser sur mon front et retourna dans la salle du trône, me laissant seule avec ses trois compagnons. Gênée qu'ils aient assisté à mon moment de faiblesse, je leur fis un petit signe de la main absolument pas naturel. Elijah, pourtant, me le retourna avec bienveillance.

- Comment va-t-il réussir à convaincre le roi, à votre avis ? Demandai-je, anxieuse.

Elijah scruta le plafond avec fascination alors que Cyan haussa les épaules, visiblement contrariée même si elle tentait de le dissimuler. Finalement, Lazuli me répondit :

- Ne t'inquiète pas pour cela. Neven à toujours un plan.

Voilà qui ne fit rien pour apaiser mes inquiétudes.


Texte publié par Aileba, 17 mai 2020 à 14h54
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