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2020 Epilogue.

" Monsieur le Président de la Cour,

Mesdames et Messieurs les jurés,

Le dossier qui nous préoccupe aujourd'hui, je l'ai défendu, dans de nombreuses villes de France. Tant que des associations viendront me demander secours, je viendrai plaider la cause des arbres et en l'occurrence, la cause des arbres de nos villes. Que ce soit, à Meudon, à Sannois, à Rouen, à Gien, à Chartres, à Sarrant, partout de jolies places ou de belles rues plantées d'arbres sont menacées. Les maires n'aiment pas les arbres qui sont coûteux à entretenir pour une commune, tant pour l'élagage que pour le ramassage des feuilles.

Mais ces arbres sont un peu de nature dans nos villes bétonnées. Ils y apportent la fraîcheur en ces étés de plus en plus accablants de chaleur. Ils sont nos parasols, nos parapluies. En région sèche, ils murmurent le chant des pluies et appellent l'eau. En région aux sols instables, ils fixent la terre de leurs racines, empêchant qu'elle ne dévale en coulée de boue. Les arbres purifient l'air, si pollué de nos cités et stockent des tonnes de CO2, véritables alliés de notre lutte contre le réchauffement climatique. Ils sont un abri pour quantité d'oiseaux, d'insectes et de bêtes, garant d'une précieuse biodiversité. Les arbres par leur feuillage ornent nos avenues et nous apaisent, perdus que nous sommes dans le béton et la circulation. Car c'est le plus souvent pour faire des places de parking, on croit rêver, que dix, vingt et j'ai même vu soixante dix arbres sont abattus. Le prétexte est bien facile, on les accuse de maladie ! Et moi, j'accuse aujourd'hui, ce siècle dément de couper à la base tout ce qui pourrait le sauver ! Mesdames et Messieurs les jurés, nous devons respect aux arbres, ils sont essentiels à l'équilibre de ce monde. Au lieu de les couper sans cesse, chaque jour, nous devrions en planter toujours davantage. Notre qualité de vie mais aussi notre survie dépend, en partie, des chênes, des platanes, des tilleuls si parfumés, des hêtres, des érables et des sapins, comme ceux de la forêt de la Joux, près de chez moi, que j'aime et que je chéris.

J'en appelle à l'article " L350-3 du code de l'environnement ", à votre bon sens et à votre jugement, pour que les arbres qui nous occupent ici, rue Charles Baudelaire ne soient pas massacrés. Cet article protège les alignements de beaux arbres, dès qu'ils sont au nombre de trois. Monsieur le Président, la Cour, je vous remercie de m'avoir écoutée."

Et Laura dans son ample robe noire, aux larges manches vint s'asseoir à nouveau près du "Collectif de sauvegarde des arbres", petite association combattante face à une municipalité méprisante et sourde. Ce n'étaient que quelques arbres mais ils avaient de l'importance tant pour ces gens, ces riverains, que pour la communauté tout entière des humains, amis des arbres. Dans le train qui la ramenait vers le Jura , dans son petit hameau tranquille, à La Cabette, Laura se réjouissait de retrouver le petit Guillaume qui avait maintenant cinq ans, Lili, sa douce bergère et sa belle forêt toujours si proche d'elle. La Joux avait passé le temps malgré ses plaies, elle s'en était sortie malgré les coupes et les mauvais traitements. Par la fenêtre du TGV filant au milieu des champs, de blé, de maïs, de colza, Laura pensait à un autre combat qu'il lui fallait mener. Qu'enfin s'arrête l'épandage des pesticides : herbicides, fongicides, insecticides. Protéger les abeilles était un combat fondamental. Elle se sentait fatiguée, mais n'abandonnerait jamais de guerre lasse, elle n'était pas prête de la ranger sa robe d'avocate. Déjà dans sa tête elle organisait ses idées, imaginait sa future plaidoirie et les mots justes, qu'elle sortirait de son carquois, comme des flèches pour viser au coeur l'injustice et l'irresponsabilité. Mais en face, il y avait les énormes moissonneuses-batteuses et des multinationales colossales qui feraient appel sans arrêt, pour conserver leurs intérêts. Enormes aussi étaient les machines qui dans les forêts d'Indonésie, du Congo ou d'Amazonie, sciaient les arbres comme des allumettes, les ébranchaient directement et débitaient leurs troncs, en stères calibrés. Un arbre qui avait mis quarante ou cinquante ans à devenir grand, était réduit à rien, en moins de cinq minutes ! Que les hommes sont doués pour détruire ...Ils sont violents et les arbres, les bêtes en font les frais et même entre eux, puisque les puissantes majorités écrasent les petites communautés, les tribus, les petits groupes de la libre pensée.

Lili chantait en plantant des poireaux. Guillaume l'aidait avec son petit arrosoir. Laura , sa valise à la main, regarda un instant ce tableau. Tout son élan vital renaissait auprès de Lili, de cet enfant et des grands sapins, un peu plus loin, témoins de son histoire, témoins de notre histoire.

Laura retournera s'asseoir, sur le banc, dans la clairière. Elle écoutera le chant du vent dans les feuillages, elle interrogera du regard les beaux sapins. Elle saluera le bel épicéa. Il traversait les siècles, fier et droit, sans une ride, bravant les tempêtes et de fil en aiguille, au bout du compte, il était toujours là. Et près du banc, il y avait à présent un petit buisson. Il aurait sans doute plu à Ronsard et à Thibault, notre apprenti-écrivain du Moyen-âge. Lili recommandait toujours à son petit Guillaume de ne pas y mettre les mains. C'était un arbuste d'épines. L' églantier est un rosier au charme sauvage. La fleur d'églantine est blanche, toute simple. Jaune est son coeur d'étamines. En automne, il y aura des petites baies rouges, concentré de vitamines . On peut les ajouter dans son thé ou les préparer en confitures ou en gelées de baies d'églantier. Lili s'en régalait. Et dans sa langue bien à elle, elle avait surnommé ce nouvel invité de la clairière : " Fleur d'épine. "

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FIN


Texte publié par Lisa D., 31 mars 2020 à 11h42
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