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Chapitre 16

1979 John, Nico et Ludo.

C'était un soir de juin. Dans ma clairière, moi le bel épicéa bien plus que centenaire, j'ai vu arriver un drôle de véhicule ! Un mini-bus Volkswagen. L' avant était peint en orange et l'arrière en lilas, le tout parsemé de grosses fleurs, de coeurs et d'inscriptions maladroitement écrites : Peace & Love !

Trois jeunes hommes en pantalons pattes d'éléphants, cheveux longs, et colliers autour du cou puis deux jeunes femmes, avec des tuniques indiennes sur leurs shorts en jean brodés sont sortis du combi Volkswagen et nous ont salué, tendant leur bras, s'offrant au soleil, au vent et à la nature.

Dans mes fibres et dans ma sève, grâce à la mémoire ancestrale transmise par les sapins de maintes générations, me revenait en mémoire, Pedro et sa guitare. Ceux-ci aussi avaient des guitares et des tambourins, mais ils n'étaient pas gitans. J'appris un peu plus tard, en écoutant leurs conversations, qu'ils étaient des "Hippies" dont les idées cadraient tout à fait avec celles de mai 68.

Alors que bien des humains, s'éloignaient de nous, adeptes de la consommation à outrance, les premiers Mac Do s'installaient en France, ceux-là faisaient un " retour à la nature", opposaient " le pouvoir des fleurs" à toute forme de violence et de guerre et se réclamait d'une grande liberté sexuelle. Bref ces êtres là étaient vraiment doux et tous les arbres de la Joux, confrontés à l'agression permanente des tronçonneuses, leur firent bon accueil. C'était réconfortant de les voir vivre. Ils avaient planté des tentes autour de leur combi et souvent, au petit soleil du début de matinée, ils s'allongeaient entièrement nus, sur des couvertures bariolées. Puis, ils se mettaient à fredonner des airs de Bob Dylan et des chansons de Joan Baez.

"The answer, my friend, is blowin' in the wind..

La réponse, mon ami, la réponse est dans le vent..."

Et John sur sa guitare faisait vibrer cette mélodie, appel à la paix et à l'amour entre les gens. Ensuite, ils passaient la nuit dans les tentes et on entendait de joyeux ébats. Il faut dire que la première pilule contraceptive était disponible, ce qui changeait la vie des couples et des femmes. Les couples, ici, étaient mal définis ! Mais en eux rien de pervers, ils avaient repensé toutes leurs valeurs et la non-violence était dans leur coeur. Même les bêtes de la forêt semblaient sentir cette douceur, il n'est pas rare que des campagnoles, des écureuils, des loirs osent s'approcher et que dans nos branches, mille alouettes, bécasses et rouge-gorges viennent se poser. Ils sont restés quelques jours, mais leur idéal, c'était la route ! Alors ils ont plié le camp et sont partis vers d'autres régions, vers d'autres forêts sans doute.

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Quelques années plus tard, c'était un mini-bus encore, mais un peu plus grand cette fois, qui s'était garé en bordure de la clairière. Des amoureux de la nature , peut-être ? Ceux-là avaient des frimousses de chérubins, ils étaient "louveteaux" encadrés par des plus grands, clamant la devise des Scouts : "Toujours prêts !".

Ils avaient deux moniteurs, l'un jouait de l'harmonica, l'autre du ukulélé et nous, les grands sapins de la clairière, nous avons passé de sacrément bonnes soirées ! J'avais une préférence pour le jeune Nicolas, qui se faisait appelé "Oeil de chat" et pour Ludovic surnommé "Aile d'épervier ". Il faut dire que le thème de ce joyeux bivouac était " les Indiens", et c'était pour ça que la clairière était envahie de tipis ! Ils avaient fabriqué un grand totem, gravé avec leurs couteaux suisses et selon les nombreuses règles du jeu, Nico et Ludo se prosternaient là, comme dans des rites Vaudou. Ils faisaient les braves mais le soir, quand les ululements des chouettes étaient trop proches, je m'amusais à les voir sortir de leur tente en pleine nuit, pour se réfugier dans celle des monos ! Heureusement nous n'étions pas en automne où le rut des grands cerfs qui brament si fort dans les sous-bois les aurait effrayés bien davantage, c'était certain !

Pour leur dernière journée, un grand jeu était organisé. Je les voyais noter sur des carnets, les énigmes à trouver. Dès qu'ils avaient résolu le problème, ils partaient par équipes et parfois, comme des orangs-outans, ils grimpaient aux arbres pour décrocher les lots qu'ils devaient rapporter. Combien sont revenus les genoux en sang, tant ils voulaient gagner ou parfois parce qu'un autre les avait poussés. Quand le mono les interrogeait, le tricheur comme un enfant de choeur des églises, avec son auréole de candeur, jurait qu'il n'avait rien fait. Je les aimais bien, ces gamins !

Les punitions n'étaient pas trop rudes. On débarbouillait leurs visages de ses peintures de guerre, alors ils redevenait "visage pâle" et on les ficelait contre nos troncs pendant un bon quart d'heure. Et puis tout finissait en fumant le calumet de la paix. C'étaient de vraies valeurs que le scoutisme semait dans ces jeunes têtes et ils étaient touchants ces petits apprentis de la vie. L' idée c'était de savoir se débrouiller avec trois fois rien, d'être imaginatif, créatif et de s'entraider entre copains. Tout ce dont ce monde avait besoin. Mais la majorité des humains était tournée vers le "toujours plus" : consommer toujours plus, aller toujours plus vite et toujours plus loin.

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C'est Ploum qui nous a fourni cette liste loufoque ! Mais grâce à nos joyeux scouts, j'ai réussi à tout caser ... ouf ! Merci Ploum !

chérubins, ukulélé, pervers, église, Vaudou, tipi, ululement, carnet, orang-outan, sang, lilas, rut, auréole, aile, chat.