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Chapitre 15

1969 - Laura et Simon.

69 : année érotique !

"... le soleil au zénith,

toi petite, tu es de la dynamite ! "

"Shebam ! Pow ! Blop ! Wizzzzzzzzzzzzz ! "

Serge Gainsbourg donne le "la" de cette ère nouvelle. Le message de cette époque est simple et clair : "Faites l'amour, pas la guerre ! "

Tout d'abord, " quatre garçons dans le vent " à Liverpool, Les Beatles avaient changé radicalement la musique des années soixante. Puis, à la faculté de Nanterre, cent quarante deux étudiants dont Laura, avaient donné le départ d' un vaste mouvement : mai 68 !

Laura avait vingt-quatre ans, elle étudiait le droit et elle vivait dans la cité universitaire. Dortoirs pour les filles, pas le droit de s'approcher des garçons. Avec ses amis étudiants, elle manifestait le 22 mars 1968, sur le campus de la fac, contre cette société-carcan, mais aussi contre l'impérialisme américain, Coca-Cola envahissait le monde et contre la guerre du Vietnam. Des enseignants, critiquant aussi cette société avec toujours tant d'inégalités, avaient rejoint le mouvement. Puis c'était à Paris, à la Sorbonne qu'en mai 68, les manifestations avaient pris de l'ampleur avec les fameux slogans : "Il est interdit d'interdire ! ", "Sous les pavés la plage ! " . Les affrontements des étudiants face aux forces de l'ordre et une pénurie d'essence avaient paralysé un temps la capitale, c'est un mouvement qui marquerait les esprits.

Tout en contradiction, Laura portait des mini-jupes ou des pantalons. Sa longue chevelure blonde, bien lisse, qu'elle laissait flotter au vent, réclamait comme elle, toujours plus de liberté. Elle maquillait ses yeux de noir et elle aimait soliloquer devant sa glace, sorte de répétition pour exprimer toutes ses nouvelles idées : " ce monde nous empêche de vivre, assez des vieux schémas. Assez aussi de ce modèle américain qui insidieusement s'infiltre dans notre mode de vie ". Laura finissait ses études de droit, elle serait bientôt avocate. C'est dire comme pouvaient être enflammés ses discours, construits comme des plaidoiries !

Simon lui poursuivait des études de lettres, à Paris. Le frère et la soeur se retrouvaient souvent et ils repartaient pour Champagnole, parfois pendant les vacances. Dans le petit studio parisien de Simon, avec ses copains, c'étaient souvent des discussions qui les animaient jusqu'au petit matin. Mais ce soir là, ils parlaient de Hiroshima et Nagasaki, où la folie guerrière des hommes avait atteint son paroxysme :

- Je te rappelle, que les Allemands avaient capitulé en 1945 mais que le Japon, leur allié, restait en guerre contre les Américains.

- Oui et sur le sol japonais, les troupes se défendaient bien. C'est pour ça que les USA ont utilisé une première bombe nucléaire, à Hiroshima.

- Une folie ! C'était la première fois qu'on allait aussi loin, cent quarante mille morts si je me rappelle bien ! C'est horrible !

- Et comme les Japonais ne cédaient pas, un mois après, les USA bombardaient Nagasaki ! Deuxième explosion nucléaire et c'est le Président Truman qui a ordonné tout ça.

- Y'a pas de quoi être fier... Et maintenant depuis six ans, c'est des horreurs pas possible au Vietnam, ajouta Laura.

Simon mit un quarante-cinq tours sur le tourne-disque et la voix de John Lennon chanta " Imagine" cette magnifique chanson, qui comme un hymne, parlait d'amour et de paix, sans frontière, sans religion, sans guerre.

En effet, les guerres avaient assombri toute la première moitié du XX ème siècle. Mais des entreprises avaient fait dans cette période, des progrès extraordinaires, guidées par le seul objectif de détruire. Au Vietnam, " l'agent orange " qu'utilisait l'armée américaine pour faire tomber toutes les feuilles des arbres afin de mieux repérer, avec leurs hélicoptères, les soldats ennemis si habiles à se faufiler, cet" agent orange" avait été, après- guerre, utilisé comme désherbant et avec d'autres pesticides, comme base de l'agriculture chimique. Les progrès des chars d'assaut à chenilles ont servi aux moissonneuses batteuses. Toute une industrie de guerre s'était recyclée dans une agriculture qui partait au combat, contre la nature.

****

Anna, avec son tuyau d'arrosage, donnait de l'eau aux petites fleurs turquoise, aux bruyères et aux campanules de son jardin. Simon et Laura devaient arriver. Elle ne les voyait pas si souvent et elle était impatiente d'être à demain. Elle portait son collier fétiche, le premier que lui avait offert Corentin. Il lui portait bonheur, puisqu' après vingt-cinq ans de mariage, ils formaient toujours un couple heureux. Corentin était parti au tout nouveau super-marché de Besançon. Les enfants y étaient déjà habitués à Paris, mais en Province, l'installation des premières enseignes Leclerc et Carrefour ne faisait que commencer.

Simon et Laura étaient venus avec leur Deux-Chevaux, " voiture chouchoute" des Français depuis une dizaine d'années et tout le monde se retrouvait dans la maison de Champagnole. Après le diner, ils avaient regardé, comme des milliers de spectateurs, les premiers pas sur la Lune. En ce 21 juillet 1969, la mission américaine Apollo 11, avec Neil Armstrong avait réussi !

Ensuite, Simon qui avait une bonne plume, proposa de lire quelques chapitres du roman qu'il espérait publier un jour. Se calant bien dans le creux du fauteuil, il commença sa lecture. Ses parents, ses amis étaient toute ouïe. Le passage racontait le voyage de trois jeunes garçons. Ils étaient étudiants en art et partaient pour l'Italie. Simon décrivait des paysages, des bivouacs puis des visites de musées, de cathédrales et le chapitre finissait en apothéose, à Rome, devant le plafond de la chapelle Sixtine ! Le chapitre suivant était plus linéaire mais chacun s'accordait à dire que Simon était vraiment doué pour l'écriture et qu'il devait continuer.

Le lendemain était jour de pluie, mais il fut décidé qu'avec les bottes et les cirés, on irait quand même s'aérer dans la nature. On parlait de tout et de rien, on se posait des devinettes, histoire de se divertir. Corentin et Pierre, sans même s'en rendre compte guidèrent le petit groupe vers la clairière. Ils y revenaient de temps en temps, s'asseoir sur le banc de plastique vert qui remplaçait le banc de bois. Le bel épicéa était devenu magnifique et il trônait sur la clairière qui semblait devenue trop petite ! Mais à cette époque , les arbres et les humains n'échangeaient plus rien et ils restèrent, muets, les sapins. On poursuivit vers Nozeroy et on s'arrêta un moment, sous un groupe de grands pins. Ils ne savaient pas que juste à cet endroit, la calèche d'un ambassadeur avait été cachée, lors d'une tentative d'enlèvement, il y avait tout juste trois cent ans ! Ils repartirent à la queue leu leu dans les sentiers étroits de la grande forêt de la Joux qui était toujours là, au fil des siècles, malgré les tronçonneuses et l'indifférence des humains. Elle semblait éternelle.

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Dans ce chapitre ce sont les 15 mots de Pandallyster qui ont été utilisés, Merci Panda !

soliloquer, tuyau, turquoise, bruyère, fétiche, plume, creux, apothéose, linéaire, nature, pluie, clair, divertir, queue, ambassadeur.