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tome 1, Chapitre 14 « 1950 - Jules » tome 1, Chapitre 14

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Chapitre 14

1950- Jules

" Chers téléspectateurs,

voici la fin de nos programmes.

Nous vous souhaitons une agréable soirée.

A demain "

L'image en noir et blanc et la speakerine avaient disparu.

Pierre tourna le bouton du gros téléviseur, tandis qu'une cible occupait le centre de l'écran, avec "ORTF" écrit en grand et qu'on entendait la musique habituelle. Quelques heures par jour, la télévision, cette nouvelle petite révolution, envahissait tout l'espace du salon.

Pierre et sa femme, Gabrielle vivaient heureux dans une jolie maison, un peu isolée, sur la route qui va de Poligny à Champagnole. Pour aller chez Jeannette il fallait moins d'un quart d'heure. Elle avait toujours bon pied, bon oeil, malgré ses soixante-dix sept ans, mais c'est l'hiver qu'il fallait l'aider. Jules, son petit-fils y allait souvent, il prenait soin d'elle. Jeannette disait qu'il ressemblait tant à Félix quand il était jeune homme.

Corentin occupait toujours la maison de Champagnole où Louise vivait autrefois. Elle était morte depuis quatre ans, d'une mauvaise grippe. Corentin avait épousé Anna, on s'en souvient cette jeune juive qu'il avait pris dans ses bras, dans la cave de l'abbaye, un terrible soir de 1943... Anna n'avait donc pas rejoint la Suisse avec son fils Simon ! Ils avaient refait la maison à neuf et une petite fille était née, Laura, si jolie mais d'une santé fragile.

Les deux familles s'entendaient bien, on se serrait les coudes ; Jules et Simon étaient devenus inséparables comme leurs pères avant. Ils n'avaient pas fait une cabane dans les bois, c'était plus au petit café de Champagnole qu'ils passaient leur temps libre et jouaient aux fléchettes avec leurs copains de collège, Paul et Sébastien. Ce dernier n'était pas rat et c'est très souvent qu'il payait la tournée pour tout le monde ! En ce début d'année, Noël était passé, mais la neige restait, une couche épaisse recouvrait les champs, la forêt, les maisons. Chaque fin de semaine, les garçons prenaient leurs skis, en véritables franc-comtois pour aller jusqu'aux Rousses, dévaler les pistes. Les parents de Sébastien leur prêtaient l'appartement qu'ils avaient là-bas.

La vie était plus douce, la guerre semblait loin. C'est pourtant un dimanche midi, chez Pierre où tout le monde était à table, on fêtait l'anniversaire de Jeannette, que Pierre et Corentin évoquèrent leurs souvenirs du 6 juin 1944. Le débarquement de Normandie. Gabrielle se leva de table, élégante dans sa jupe courte ajustée, son pull blanc et son foulard bleuté. Elle revient avec le plateau de fromages et la salade préparée à l'huile de tournesol. Les deux amis avaient déjà raconté, Churchill à la tête de l'Angleterre, De Gaulle évidemment et Roosevelt, car le renfort des Américains donnaient aux Alliés toutes leurs chances.

Corentin expliquait que le débarquement était un prodigieux défi et un plan superbement construit. L'effet essentiel devait être la surprise. On avait fait courir des rumeurs sur l'endroit précis du débarquement : autour de Calais, la voie la plus courte pour tous les bateaux

- "Des rumeurs... mais bien des Résistants ont été torturés jusqu'à avouer, sans le savoir, cette fausse information ! " ajouta Corentin.

- Oui, c'est vrai, ils étaient d'autant plus crédibles, c'est terrible ! C'était le plan "Fortitude ", précisa Pierre.

Le débat devenait prenant, bruyant, tout le monde écoutait.

En réalité, c'est à l'endroit le plus large à traverser, que tout s'est passé ! La météo n'était pas favorable du tout, mais la date a été maintenue ! Là aussi, élément de surprise... Des milliers de bateaux de guerre, mais aussi de pêche, des petits rafiots, à l'aube du 6 juin, tous se sont élancés. La brume empêchait les guetteurs allemands, dans leurs bunkers, sur les plages de Normandie, de les repérer. L'effet de surprise a réussi.

- Mais bon, arrivés sur les plage, Omaha Beach, Utah Beach, un bon nombre de soldats se sont fait canarder !, reprit Corentin.

- C'est sûr, mais dans la nuit juste avant, nous et nos bataillons, on avait pour mission de récupérer les parachutistes. C' était vers Sainte Mère l'église. Le but était alors, avec eux, de protéger les ponts pour empêcher les renforts ennemis d'aller sur les plages, quand les troupes débarqueraient.

- Tout ça a marqué un tournant dans la guerre et sauvé le pays .. soupira Corentin.

- Elle a fini quand, la deuxième guerre mondiale ? demanda Jules.

- Le 8 mai 1945. C'était une sacrée fête à Paris et même à Champagnole.

- Moi, je me souviens de ces pauvres femmes au crâne rasé !, rappela Gabrielle.

- Ah bon ? questionna Jules

- Oui, elles avaient collaboré ou elles avaient fréquenté des soldats allemands pendant la guerre, précisa son père. Tout le monde n'est pas sorti très propre de cette époque -là...

- Papa, dit Simon, raconte encore le soir où tu as connu Maman, les passeurs de la forêt de la Joux, le couvent et la trappe !

- Tu la connais par coeur, mon garçon ! s'exclama Jeannette en se levant péniblement, elle avait mal à ses pauvres articulations et elle quitta la table pour s'installer dans un fauteuil. Ce long hiver réveillait toujours ses vieilles douleurs .

Gabrielle apporta le dessert. C'était facile avec un pâtissier parmi ses amis ! Corentin avait fait deux tartes tatin servies avec de la Chantilly, un délice. Pierre revenait avec une sorte de petite pince qui faisait " Tiki ! Tiki !"

- Oh ! c'est quoi ? demanda Laura, amusée.

- On s'en servait pendant la guerre, je l'ai toujours gardé. La nuit quand on ne voyait pas bien les uniformes, pour se repérer entre soldats on faisait " Tiki ! Tiki! " Si l'autre répondait de même, alors ce n'était pas un ennemi.

- Ah oui, c'est ingénieux, remarqua Jules.

- Sauf qu'au début on n'avait pas remarqué qu'un fusil allemand qu'on arme, ça fait quasiment le même bruit "Tiki !" . C'est ainsi que des Français se sont fait tuer... On nous a vite recommandé de faire deux signaux, pour éviter la confusion "Tiki ! Tiki ! ".

Laura a continué durant une bonne partie de l'après-midi, à "faire le criquet", comme elle disait.

- Laura, arrête, ça fait une heure ! J'aimerai mieux être sourd ! râlait Jules.

Ces années cinquante étaient aux jeux, aux loisirs, aux trois chaînes de télévision. On avait parlé du débarquement, ce dimanche, mais au quotidien, la guerre était devenue un souvenir fugace. La paix semblait bien installée. Le progrès continuait, le plastique entrait dans les maisons, transformant tous les objets, encore une autre petite révolution !

Laura allait à l'école des filles, différentes de celle des garçons. Les adolescents, après le collège, n'allaient plus souvent en forêt, ils avaient d'autres distractions. Les grands sapins de la Joux étaient un peu oubliés. La forêt de la Joux était de moins en moins bucolique, livrée aux tronçonneuses destructrices. Les humains s'éloignaient de la nature et ça ne faisait que commencer.

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Ce chapitre a été écrit avec les 15 mots de Nascana, merci !

femme, neuf, coude, rat, foulard, tournesol, bruyant, pays, raser, propre, trappe, articulation, douleur, sourd, fugace.


Texte publié par Lisa D., 25 mars 2020 à 16h19
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