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tome 1, Chapitre 13 « 1940- Pierre et Gabrielle » tome 1, Chapitre 13

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Chapitre 13

1940 - Pierre et Gabrielle

" A tout Français qui a encore des armes, il y a un devoir absolu de continuer la Résistance ."

C'est en ces mots, que le 18 juin 1940, De Gaulle, un jeune général encore peu connu, lançait son appel. Jeannette, Pierre et Gabrielle écoutaient la BBC, sur la radio crachotante.

Pierre avait quarante. Avec Gabrielle, ils ont eu un petit Jules de dix ans. L'année d'avant, Hitler avait envahi la Pologne. Jeannette était tétanisée : "Pas encore disait-elle, pas encore ! " Les alliés avaient réagi et après une "drôle de guerre" où chacun restait sur ses positions, les troupes allemandes venaient de franchir les Ardennes et elles avaient rapidement avancé sur Dunkerque. C'était la débâcle ! Le héros de 1914, le Maréchal Pétain était un vieil homme usé et il déposait les armes. Le gouvernement se repliait à Bordeaux puis à Vichy. Une ligne de démarcation partageait la France en deux : au nord une zone occupée par les forces allemandes, au sud, la zone libre. Mais l'appel d'un jeune général, depuis l'Angleterre, redonnait confiance et appelait chacun à ne pas accepter l'occupation.

Corentin ne s'était pas marié. Avec Pierre, ils étaient toujours les meilleurs amis du monde. Tous les deux, en ce début juillet 1940, ils étaient allés en reconnaissance pour voir où cette nouvelle frontière passait. Morez, Champagnole, Pontivy, Dole toutes ces villes étaient "libres"! Mais Pontarlier et toute la forêt de la Joux étaient inaccessibles, des patrouilles allemandes sillonnaient le secteur. Ils avaient entendu parlé d'une chaîne de solidarité. Des hommes avaient pris le maquis dans le Vercors, ils multipliaient les sabotages, pour faire sauter les entrepôts, les rails, miner les ponts et le moral des Allemands. En forêt de la Joux, c'était une autre forme de résistance. La population juive tentait d'échapper aux arrestations et des filières s'organisaient pour aider des familles entières à filer en zone libre. La Suisse était juste à côté.

Gabrielle a beaucoup hésité quand Pierre lui en a parlé :

- " Je connais La Joux comme ma poche, j'y suis né. Je peux vraiment être utile.

- Pierre, je te comprends , mais c'est un si grand risque. Imagine, si tu es pris !

- Corentin viendra aussi avec moi et nous rassemblerons une bonne équipe.

- Et ta mère, elle deviendrait folle s'il t'arrivait malheur...

- Jeannette m'a laissé le choix de décider. Je lui ai expliqué que je suis du pays, si je n'aide pas, qui le fera ? On entend parler de camps abominables, est-ce que c'est vraiment des camps de travail ? On ne sait pas..."

Et Gabrielle avait serré Pierre dans ses bras, les paupières ourlées de larmes. Et elle lui avait fait jurer de tout raconter, même les dangers, elle devait tout savoir. Pierre avait promis.

Corentin était venu avec Benoit le lendemain. Un gars sûr qu'il connaissait bien et qui avait proposé de faire le lien avec l'Abbaye où les religieuses se portaient volontaires pour offrir un abri.

Le plan était simple. Pierre se mettrait en contact avec ceux de la Résistance. A chaque voyage, ils prendraient en charge quatre ou cinq personnes pas davantage. Les lieux de rendez-vous seraient l'arbre où était leur ancienne cabane, dans la clairière et l'arbre des pendus. On s'en rappelle de ce beau hêtre, qui avait terrifié le petit Clément Bourdeau, sous la Révolution. C'était maintenant sans doute le doyen de la Joux, deux bons mètres de diamètre, un feuillage énorme. Ensuite on guiderait nos passagers soit sur Champagnole, soit sur l'abbaye, éventuellement directement sur Châtel-blanc, à deux pas de la Suisse. Mais en règle général, les familles juives une fois en zone libre devraient être cachée au moins un jour, avant de repartir pour passer la frontière. Il fallait s'assurer que les Allemands ne puissent pas repérer toute la filière. Par contre il leur manquait un contact de l'autre côté, en Suisse...

La vie continuait sur Champagnole. Pour faire les courses, on avait des tickets de rationnement. Bientôt l'essence manquerait aussi et de curieux bricolages aménageaient les automobiles. C'est Louise qui apporta une solution. Elle peignait à la main des bonbonnières ou des porcelaines pour une fabrique de chocolats basée à Sainte-croix, en Suisse, pas loin de la frontière. Et c'est ainsi que la famille, les amis se serrèrent les coudes pour faire passer ces pauvres gens. Jusqu'en 1945, c'est un peu plus de mille personnes que ces passeurs franc-comtois ont mener vers la liberté. Il y avait eu peu d'accrochages, sauf cette soirée mémorable où tout avait failli rater.

Le rendez vous était pris près de l'arbre aux pendus. C'était un groupe de cinq personnes. Trois hommes, une femme et un petit garçon de huit ans. Ils avaient chacun une valise, on était au printemps 1943, le sol était boueux. La file indienne marchait en silence, la nuit n'était pas trop claire, tout allait pour le mieux. Corentin guidait le groupe selon son itinéraire, Pierre sillonnait les parages pour donner l'alerte si nécessaire. Ils étaient bien rodés. Un cri de chouette de temps à autre pour communiquer. Corentin devait regagner à Champagnole, la planque habituelle. Mais ce soir, les Allemands devaient être sur leurs gardes. Pierre apparut sur le chemin et d'un geste indiqua à son copain, la direction de l'ouest en faisant un signe de croix, car il ne fallait faire aucun bruit. Corentin changea donc de chemin, cap sur l'abbaye. Il leur fallut vraiment être habiles, une patrouille était sur leurs talons. Pierre faisait diversion, faisant bouger les taillis pour attirer les soldats allemands dans une autre direction, cherchant à les perdre. Mais il peinait à les embrouiller. Finalement Corentin et le groupe arrivèrent à bon port, le grand portail de l'abbaye s'ouvrit, puis se referma sur eux.

Cette abbaye, nous la connaissons bien ! Elle abritait les moines au temps de Guillaume et Thibault. Elle avait peu changé, mais pour raisons d'humidité, le sol de tout le rez de chaussée avait était dallé et carrelé. On voyait à peine une trappe, qui s'ouvrait sur cet escalier même que Guillaume avait emprunté pour délivrer Thibault, six cent ans plus tôt. On avait jamais recours à cette cave, mais quand Pierre arriva dans tous ses états, les soeurs avec sang-froid y firent descendre leurs protégés. Tandis que la Mère-Supérieur allait ouvrir, lentement, à la patrouille allemande qui martelait le portail, rapidement neuf Prie-Dieu furent installés sur la trappe et neuf religieuses s'agenouillèrent en prière, leurs robes claires s'étalant sur le carrelage. Devant elles , les bougies des chandeliers étaient allumées sous le grand crucifix et une prière à l'unisson s'élevait puis retombait en écho, sous les croisées d'ogives.

Les bottes allemandes résonnèrent sous les voûtes mais s'arrêtèrent devant ce tableau impressionnant. Néanmoins des fouilles furent menées dans tout le bâtiment, dans les étages, les talons dévalaient les escaliers, des ordres étaient criés, mais aucun des soldats n'osa interrompre la prière fervente qui emplissait tout l'espace. Ils repartirent sans saluer. La prière continua, on avait encore si peur. Au sous-sol, Pierre, Corentin, Simon, David, Anna et les autres étaient blottis ensemble, priant aussi, mais dans une autre langue. Enfin le danger était passé. Ils avaient eu chaud ! Et sur le crucifix, les avait-il protégés, cet homme sous sa couronne d'épines, qui se faisait appelé Jésus de Nazareth, mais aussi "Roi des Juifs " ?

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Chapitre suivant, hélas, la guerre n'est pas finie ...


Texte publié par Lisa D., 24 mars 2020 à 19h02
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