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Loune a répondu : présente ! et elle nous a composé une petite liste. Merci beaucoup ! La voici :

sphinx, ébène, sauvage, instinct, rouille, merveilleux, ami(e), affection, détresse, feu.

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Si, par un petit matin d'avril, vous voyez dans un camping, un jeune homme blond fumant le cigare en train d'allumer son camping-gaz sous une théière en argent, c'est sûrement Tim !

Enfin Lord Charles Timothy Arscot qui a fui Londres et sa famille, il y a plus d'un an et depuis, avec son copain Andrew, ils parcourent les petites routes de France à vélo.

Ayant moi-même longtemps vécu à Canterbury, j'ai fait leur connaissance dans le camping municipal de Trizay-les-Bonneval, en observant leur petit cérémonial ... Devant leur canadienne, installés confortablement, ces deux-là sirotaient leur Earl- Grey en jouant au scrabble. Nous avons discuté un moment et ils m'ont proposé de jouer une partie avec eux. Ce dimanche était agréable, rien ne m'obligeait à me presser, j'étais donc contente d'accepter.

Sur le plateau, les premiers mots ont été posés. Nous nous observions, chacun essayait de jauger le niveau des autres, pour que la partie soit intéressante tout en restant amusante pour tout le monde. Tim posa le mot "sphinx", la lettre X posée sur un "lettre-compte-triple " et le mot entier placé sur un "mot-compte-double". Il compta son score, satisfait de sa tactique et obtint la coquette somme de quatre-vingt points.

La guerre était déclarée !

- "Messieurs les Anglais , tirez les premiers ! " Cette phrase célèbre d'un capitaine de Louis XV à la bataille de Fontenoy redevenait d'actualité ! Tim ouvrait les hostilités !

Gentleman, Andrew le salua pour cet exploit et tout en organisant mes lettres sur mon chevalet, je le félicitais également, en préparant une riposte, tout cela restant de bonne guerre, évidemment .

Andrew plaça "ébène", vingt-six points puis ce fut mon tour. On me proposa une nouvelle tasse de thé, des enfants jouaient au ballon, plus loin, faisant un joyeux bruit de fond et des oies sauvages traversèrent le ciel, décrivant un "V" parfait.

Sur mon chevalet, le "Y" était pour moi une belle occasion de rejoindre Tim au classement. Mais rien de mirobolant ne s'offrait et d'instinct, il me sembla qu'il valait mieux attendre. Je plaçai donc "tricot" qui, complétant le mot "rouille" déjà posé, pour faire "trouille", me rapporta trente-cinq points. Et en plongeant ma main dans le sac de toile vert, je faisais des prières pour que des lettres favorables me permettent de caser avantageusement mon "Y". Merveilleux ! Je venais de piocher un H, un M et quelques voyelles.

C'était au tour de Tim. Les grosses bouffées qu'il tirait de son éternel cigare témoignaient d'une intense concentration. Quelques mèches blondes voletaient sur son front, derrière lequel des connections se faisaient, associations de syllabes, repérage des bonnes places sur le plateau, inventaire de tout un vocabulaire... Tandis qu'il réfléchissait, un silence s'installa, les enfants quand je regardais la grande pelouse, n'étaient plus là. Andrew, détendu, mâchouillait le crayon qui servait à noter les scores : Tim : 123 - Andrew : 52 et moi : 71.

Tim se pencha et allongea le bras pour organiser son mot, tout en haut du plateau : "qibla". Ce mot bien pratique connu de tous les cruciverbistes et joueurs de scrabble, ne nécessite pas de "U". Merci à ce mot arabe, qui leur permet de se tourner vers La Mecque et qui, pour nous, facilite l'utilisation de cette lettre difficile. La partie continuait. Le soleil pointait à présent quelques uns de ses rayons les plus doux et je me sentais parfaitement bien, ici avec mes deux compagnons de jeu. De plus, je venais de trouver une place idéale pour mon "Y" et je trépignais intérieurement, espérant qu'Andrew en jouant, ne prendrait pas les cases que je convoitais... Il écrivit "citrouille", en ne plaçant que deux lettres tout en faisant une moue dégoûtée. Il annonça dix-huit points, ronchonnant que le mauvais sort ne lui réservait que de piètres lettres.

Mon tour arrivait enfin.

La revanche de la France sur l'Angleterre, Austerlitz, Iéna, Waterloo que sais-je !, ah non, Waterloo, pas trop ... et j'occupais la place du "mot-compte-triple" avec "thym" !

- "Oh ! My God ! " s'exclama Tim joyeusement, pas mécontent de voir le podium remis en jeu et d'avoir maille à partir avec un adversaire qui devenait redoutable ! En effet, ce n'est pas moins de soixante-trois points que nous comptâmes, ensemble. Tim et son ami échangèrent un check en riant, comme si d'un pacte, ils s'alliaient contre moi et chacun se remit à cogiter, en bougeant les petits carrés de plastique pour former de nouvelles syllabes.

Au scrabble, les parties peuvent durer longtemps. Peu importe, nous étions si bien. Ce jeu nous rapprochait, je me réjouissais des stratégies de Tim, Andrew nous taquinait, j'avais beaucoup d'affection pour ces deux-là.

Tim venait d'un autre monde. Il m'a raconté qu'excédé des discussions autour de la table familiale sur son avenir, déjà si programmé, si terriblement tracé, il quittait la pièce à bout de nerfs. Il a évoqué le froid de cette grande maison, même si on y organisait des garden-party, des cocktails, des tournois de cricket où il ne faisait que ressentir une incroyable solitude. Dès qu'il eut fini ses études, ils firent le projet de partir, Andrew et lui. Andrew venait d'un milieu bien plus modeste et quand l'occasion s'est présentée, ils ont quitté l'Angleterre. Andrew avait perçu les appels de détresse de son nouveau copain et c'est lui, qui à mis au point leur périple en France, avec deux petites remorques attelées à leurs deux vélos, afin d'emmener quelques bagages. Bien sûr, le service à thé en argent était indispensable, ainsi que le stock de cigares !

Ils ne regrettaient pas cette vie itinérante faite de rencontres, de petits boulots, de temps de jeu et de repos. La partie s'est terminée et je l'ai gagnée !...où bien la galanterie et le charme britannique expliqueraient-ils le score final ? En tout cas, j'avais le feu aux joues, rougissante face à leurs compliments et si contente.

Il y a de bons moments dans une vie. Cet amical petit tournoi de scrabble, en buvant du thé anglais, dans un camping municipal, fait partie de ces instants inoubliables...

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Merci à Loune pour ces 10 mots et c'est grâce à ceux de Diogène que s'écrira le prochain petit texte... à bientôt !